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07/07/2006
Bibliothèque numérique européenne
L’enjeu de la diversité


(MFI) Lancée en riposte au projet de la société Google qui prévoit de mettre en ligne, gratuitement, 15 millions de livres, la bibliothèque numérique européenne soigne sa différence et sa diversité.

« C’est une formidable invention !» Jean-Noël Jeanneney, directeur de la Bibliothèque nationale de France, et responsable du projet de la Bibliothèque numérique européenne, montre un enthousiasme quasi juvénile quand il parle de la Toile et de ses relations avec le monde du livre. Pour cet historien de formation, nous serions revenus « au temps de l’imprimerie, quand les livres religieux sont sortis des monastères et sont devenus accessibles au grand public ». Cependant, si la diffusion de l’écrit a été un outil efficace dans la lutte contre l’ignorance, elle a eu aussi son corollaire meurtrier : « Le rabougrissement de cultures et de formes de cultures non écrites ». D’où, souligne-t-il, « l’impératif de ne pas manquer le train de la numérisation ». Convention de l’Unesco sur la diversité culturelle oblige, l’adoption d’un projet de bibliothèque numérique francophone comme « complément de la Bibliothèque numérique européenne » ne devenait plus qu’une formalité (v. encadré).

Les gardiens et les marchands du temple

Entamée au début des années quatre-vingt-dix, la numérisation des livres dans les bibliothèques nationales et universitaires répondait avant tout aux problèmes de conservation : attaques du temps, et vieillissement des ouvrages accentué par les multiples manipulations des consultants. La lecture sur écran d’ordinateur se substituait progressivement au parfum des reliures et au plaisir de tourner les pages, tandis que les programmes informatiques et autres CDrom offraient un plus large accès au savoir. Mais l’enjeu ne résidait pas seulement dans le changement de support matériel.
« Rétrospectivement, je dirais que la numérisation n’est pas la phase la plus complexe », explique Lise Bissonnette, l’actuelle directrice de la Grande Bibliothèque (Bibliothèque et Archives nationales du Québec), dont les nouveaux locaux ont été inaugurés en 2005 à Montréal. « La construction d’un réseau est autrement plus longue et tortueuse. Et nous devons agir vite. »
L’idée de dépasser les murs de la bibliothèque et de se raccorder à d’autres centres de ressources était en effet inhérente à la numérisation des livres. Les premiers à s’organiser furent, pour des raisons pratiques, les centres de recherches et les bibliothèques universitaires. La mise à disposition en ligne gratuite, par les bibliothèques nationales (projet intra-européen GABRIEL), de textes dits « classiques » ou « fondamentaux », conjointement au développement de l’industrie de la toile et à la multiplication des centres d’accès, eurent bientôt fait d’attirer les convoitises des marchands de technologies.
En octobre 2004, la société Google (célèbre moteur de recherche sur internet) profite de la Foire du Livre de Francfort en Allemagne pour annoncer son intention de mettre en ligne gratuitement 15 millions de livres issus de cinq bibliothèques anglo-saxonnes, parmi les plus prestigieuses, ainsi que des extraits des livres d’auteurs contemporains, ceci en accord avec les éditeurs.


L’Europe contre-attaque

La riposte ne s’est pas fait attendre : non seulement au niveau des concurrents de Google, mais aussi au niveau des Etats. « Partout dans le monde, on a accéléré la numérisation. » Pour couper l’herbe sous le pied de Google ? La main sur le cœur, Lise Bissonnette assure que les bibliothèques nationales le font dans un « esprit d’enrichissement culturel », et non pas pour contrer les avancées du tout-commercial. Cependant, dès janvier 2005, Jean-Noël Jeanneney analysait le défi de Google, comme un écho de « la domination écrasante de l’Amérique dans la définition de l’idée que les prochaines générations se feront du monde ».
La bibliothèque numérique européenne est aujourd’hui en marche. Quarante-cinq bibliothèques, réparties dans les 25 pays de l’Union européenne ont adhéré au chantier de The European Library (La Bibliothèque Européenne). Les premiers « classiques » devraient être mis en ligne à la fin de cette année, suivront les dictionnaires et les ouvrages scientifiques, avant d’en arriver aux collections de journaux européens. La France contribuera à hauteur de 200 000 ouvrages. Budget : de 10 à 15 millions d’euros. Actuellement, la « TEL » numérise à un rythme de 600 000 à 1 million de titres par an.

Marion Urban


www.theeuropeanlibrary.org
www.booksgoogle.com


Les projets planétaires du secteur privé

(MFI) Qui raflera le plus grand nombre d’ouvrages de bibliothèques à mettre en ligne pour gagner le plus grand nombre de lecteurs-internautes au niveau planétaire, qui se transformeront à terme, en consommateurs ? Dans le secteur privé, trois projets sont en lice :
– Google Book Search, qui emploie des méthodes commerciales radicales concernant les auteurs contemporains et la négociation de leurs droits (« tu nous donnes tout ou rien »), au point que le puissant syndicat des auteurs américains, The Author Guilde, a dénoncé ses méthodes.
– Le consortium Yahoo-Microsoft-Open Content Alliance, qui se définit comme « association à but non lucratif », mais où se côtoient cependant plusieurs bibliothèques anglo-saxonnes, des éditeurs de logiciels et des exploitants de nouvelles technologies.
– La société Microsoft a également signé un accord avec The British Library (Bibliothèque nationale britannique) et le site de vente Amazon pour numériser 100 000 livres d’ici la fin de l’année. Le portail associera, comme pour Google, consultations gratuites et ventes de livres.


La bibliothèque numérique francophone

(MFI) « Ce n’est pas par arrogance que nous avons débuté par une réunion des bibliothèques du Canada, du Québec, de Belgique, du Luxembourg, de la France et de la Suisse » explique, un peu gêné, le directeur de la Bibliothèque nationale de France lorsqu’un membre du public de l’Arbre à Palabres (1) l’interpelle sur l’absence des pays non-occidentaux au stade actuel du projet de bibliothèque numérique francophone. Pour Jean-Noël Jeanneney, « il s’agit de commencer à travailler avec les pays les plus avancés dans la numérisation ». L’idée, lancée lors de la fête de la Francophonie, soulève de nombreuses questions : qui produit et contrôle la technologie de la numérisation ; quels contenus retenir, en quelles langues ; comment constituer les collections ; comment aborder la question des droits d’auteur ; qu’en est il des cultures orales ; qui finance… Le chantier s’avère long et difficile.

M. U.


(1) Rencontres régulières organisées par l’Organisation Internationale de la Francophonie : www.oif.org

A consulter : La fourniture de services de bibliothèque à l’ère numérique :
opportunités et menaces pour les bibliothèques d’Afrique.
Kgomotso Mohai. Août 2003, sur le site : http://www.ifla.org/IV/ifla69/papers/097f_trans-Moahi.pdf




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