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14/04/2006
L’Afrique redécouvre le rail

(MFI) Toujours à la recherche d’un désenclavement économique, l’Afrique veut à nouveau miser sur le chemin de fer qui, selon les experts, constitue une priorité pour l’intégration du continent. Dans ce contexte, la Commission africaine a organisé début avril à Brazzaville la première conférence des ministres en charge du transport ferroviaire, « Pour un système de transport ferroviaire efficace, au service du développement et de l’intégration de l’Afrique ».

Les experts chargés de préparer cette conférence ministérielle de l’Union africaine (UA), les 13 et 14 avril 2006, soulignent que les participants veulent à la fois « jeter un regard critique objectif sur le chemin parcouru, examiner la situation des différentes composantes de ce secteur et surtout définir les orientations capables de promouvoir le développement harmonieux du transport ferroviaire en Afrique ». La réunion s’inscrit dans le cadre du programme Relier l’Afrique, lancé par l’UA, pour qui les transports ferroviaires ont une importance capitale pour le développement du continent. « Ils constituent le moyen de transport le mieux adapté aux trafics de marchandises sur de longues distances et se prêtent bien au désenclavement de larges espaces africains », souligne un responsable congolais dont le pays préside actuellement l’UA. L’insuffisance d’infrastructures et de services de transports reste en effet un obstacle majeur au développement du commerce international et entre pays africains. Le manque d’accès aux infrastructures de transport figure d’ailleurs parmi les indicateurs de pauvreté. Les chefs d’États et de gouvernement des États membres de l’UA, réunis en juillet 2005 à Syrte, ont ainsi décidé d’inclure dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) les cibles et indicateurs des transports adoptés en avril 2005 par les ministres africains en charge des transports et des infrastructures, en vue d’accélérer la réduction de la pauvreté. Parmi les modes de transport concernés par cette stratégie de développement et d’intégration, figure le chemin de fer, qui a joué et continue de jouer un rôle déterminant depuis la période coloniale.

Le continent n’a toujours pas réussi à mobiliser un soutien international suffisant…

La longue histoire du rail en Afrique date en effet de plus d’un siècle. Mais après un passé florissant, les chemins de fer africains sont aujourd’hui dans une situation difficile. Les différentes initiatives de viabilisation de la gestion de ces réseaux ferroviaires qui ont été prises depuis 1988 pour tenter de corriger cette tendance à la dégradation et conduit à des privatisations partielles (mises en concession), n’ont donné que des résultats mitigés. De plus, très peu de lignes ferroviaires nouvelles ont été construites sur le continent depuis les indépendances. On enregistre également une absence d’interconnexion entre les réseaux, à l’exception de l’Afrique du Nord et de l’Afrique australe. Selon des représentants de la Banque mondiale, l’une des raisons du dysfonctionnement des chemins de fer en Afrique est qu’ils ne bénéficient pas encore de toute l’attention particulière des décideurs dans les stratégies nationales des transports. La conférence de Brazzaville devrait déboucher sur la mise en place d’un cadre institutionnel et réglementaire des chemins de fer qui doivent nécessairement être transformés. Mais beaucoup reste à faire. L’Afrique accuse toujours un retard énorme sur le plan des infrastructures, qui sont cependant une des priorités de l’ambitieux Nouveau partenariat pour le développement économique de l’Afrique (NEPAD), qu’affirment soutenir les principaux bailleurs de fonds. Elle n’a toujours pas réussi à mobiliser un soutien international suffisant pour la rénovation de son système de chemins de fer, jugé pourtant essentiel non seulement sur le plan économique et commercial mais aussi pour la protection de son environnement. La Banque mondiale, qui participe depuis plusieurs années au financement de nombreux projets de privatisation ou de mise en concession de compagnies ferroviaires en Afrique consacre davantage de fonds aux routes et à la réhabilitation des ports et des aéroports africains qu’au rail, qui nécessite des investissements très lourds. D’autant, que de nombreux pays africains, déjà en proie à des difficultés économiques, ont du mal à assurer seuls le maintien de lignes de chemin de fer en bon état.

… mais il reste une terre d’expansion du chemin de fer

Selon les données de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), avec un réseau ferroviaire estimé à 89 390 km de lignes pour une superficie de 30,2 millions de km², la densité de ce réseau est d’environ 2,96 km pour 1 000 km², alors que l’Europe compte 60 km pour 1 000 km². L’Afrique australe possède le réseau le plus vaste (38 513 km), suivie de l’Afrique du Nord (19 931 km), l’Afrique de l’Est (19 293 km), l’Afrique de l’Ouest (9 717 km). L’Afrique centrale possède le réseau le plus faible (2 526 km). Une douzaine de pays du continent ne disposent d’aucune voie ferrée. Enfin, de tous les pays pris individuellement, l’Afrique du Sud possède le plus vaste réseau ferroviaire, avec 32 000 km de voies. Avec sa faible densité de lignes par km², l’Afrique reste donc une terre d’expansion du chemin de fer. Les chemins de fer africains sont aussi caractérisés par l’hétérogénéité des écartements de voies ; les plus répandus étant 1,435 m, 1,067 m et 1,000 m. Beaucoup de réseaux ont des pentes et rampes supérieures à 10 pour mille et des courbes de très faible rayon, de l’ordre de 150 à 200 m, caractéristiques géométriques qui limitent tant la vitesse (30 à 55 km/h en moyenne) que la capacité de transport des trains.

Objectif : développer des actions communes

L’Union internationale des chemins de fer (UIC), qui fait campagne à travers le monde en faveur du rail, cherche à présent à renforcer sa coopération avec l’Union africaine des chemins de fer (UAC). Objectif : développer des actions communes afin que le chemin de fer puisse jouer son rôle dans le développement économique du continent. Institution spécialisée de l’Union africaine, l’UAC a par exemple créé, début juin 2005, un groupe sous-régional pour l’Afrique centrale, lors d’une réunion à Pointe-Noire (Congo Brazzaville). Cette création vise à encourager des actions de coopération ferroviaire entre les pays concernés – Cameroun, Congo, Gabon, Tchad, République centrafricaine et Guinée équatoriale. Les principaux organes de l’UAC ont décidé de créer « une véritable synergie ferroviaire au niveau régional et continental », en collaboration avec le NEPAD et l’UA. L’UAC devait aussi mettre en place, début 2006, un groupe de médecins des chemins de fer qui s’attacheraient au problème de prévention et de lutte contre le sida et le paludisme. L’UAC collabore également avec l’ONU pour combattre le fléau du HIV/sida dont la propagation est favorisée par le transport routier ou ferroviaire, ainsi qu’avec la Banque mondiale. D’autres grands projets sont à l’étude tels que le rail ouest-africain, qui implique l’interconnexion des réseaux sur plus de 7 200 km entre le Nigeria et le Sénégal, en passant notamment par le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Liberia, la Guinée et le Sénégal, et dont le coût s’élèverait à 3 milliards de dollars. Ou encore le rail trans-Afrique portant sur 8 000 km entre l’Afrique du Sud et le Tchad à travers, notamment, la Namibie, l’Angola et le Cameroun. En Angola, le principal problème est le déminage des voies ferrées. Les compagnies des chemins de fer sud-africaines, qui possèdent une technologie avancée pouvant rivaliser avec celles des sociétés occidentales, ont déjà des parts dans la plupart des sociétés mises en concession à travers le continent. Elles sont toutefois concurrencées par de nouveaux venus comme la Chine ou l’Inde, qui rivalisent en matière d’infrastructures dans les pays producteurs de pétrole (Soudan, Angola) mais aussi ailleurs (Sénégal, par exemple).

Marie Joannidis

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