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10/06/2008 | |||
Sécurité alimentaire (1) Rapport OCDE- FAO : soutenir l’agriculture devient une nécessité | |||
(MFI) « Les prix des denrées alimentaires devraient baisser ». C’est la bonne nouvelle du rapport Perspectives agricoles 2008-2017 co-signé par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), présenté à Paris fin mai en vue du sommet de Rome sur la crise alimentaire. Mais pour Jacques Diouf, directeur général de la FAO, « ces prix resteront élevés, instables et volatiles pendant les dix ans à venir ». D’où la nécessité d’investir dans l’agriculture, afin de faire face à l’insécurité alimentaire. | |||
Riz, maïs, blé : les prix des denrées alimentaires de base, qui ont récemment battu des records, devraient baisser. Tel est le constat du rapport « Perspectives agricoles 2008-2017 » de l’OCDE et de la FAO, présenté le 29 mai dernier à Paris. « Mais, explique Jacques Diouf, directeur général de la FAO, les stocks devraient également rester faibles. Ainsi, tout choc au niveau de l’offre entraînera des risques sur la hausse des prix. » C’est le cas par exemple des accidents climatiques – en particulier les sécheresses – « dont il est important de tenir compte dans un contexte de réchauffement planétaire ». De plus, « la demande va continuer à progresser, estime-t-il. Comme celle liée à l’alimentation animale et énergétique ». Résultat : pour la période 2008-2017, les deux organisations prévoient, par rapport à la moyenne observée entre 1998 et 2007, « une augmentation des prix d’environ 20% pour la viande bovine et porcine, de quelque 30% pour le sucre brut et le sucre blanc, et de 40% à 60% pour le blé, le maïs et le lait écrémé en poudre ». Enfin, la hausse serait « de plus de 60% pour le beurre et les graines oléagineuses et de plus de 80% pour les huiles végétales ». 22 pays africains sont particulièrement vulnérables à la flambée des prix Météo peu propice dans les grandes régions de production céréalière, stocks mondiaux peu abondants, modification des pratiques alimentaires dans les pays émergents : voilà les causes principales de l’envolée des prix agricoles selon le rapport de l’OCDE et de la FAO. Auxquelles il faut également ajouter l’urbanisation, la croissance démographique, l’effet dollar faible-pétrole cher, les biocarburants et la spéculation sur les marchés des contrats à terme. Outre ces phénomènes indissociables les uns des autres, Jacques Diouf pointe du doigt la réduction des budgets alloués à l’aide. Une réduction qui touche les populations « les plus pauvres et les plus marginalisées ». Vingt-deux pays, majoritairement africains, sont, selon le directeur général de la FAO, « particulièrement vulnérables » à la flambée des prix. De plus, « les mesures draconiennes prises par certains gouvernements pour protéger leur marché n’ont fait que renforcer la hausse des cours mondiaux », estime-t-il. En effet, certaines zones ont drastiquement limité leurs exportations afin de garantir leurs stocks domestiques. Des mesures que condamnent les deux organisations, arguant que « la solution n'est pas le protectionnisme mais l'ouverture des marchés agricoles et la libération de la capacité productive des agriculteurs ». Car, s’exclame Jacques Diouf, « aujourd'hui, environ 862 millions de personnes souffrent de faim et de malnutrition ». Les biocarburants responsables d’un tiers de la hausse des prix « La hausse de la demande de biocarburants doit être prise en compte dans la montée des prix, assure Loek Boonekamp, directeur de la division commerce et agriculture de l’OCDE. Il estime en effet qu’« un tiers du boom des prix alimentaires, dans les dix ans à venir, sera dû à l’augmentation de la production de biocarburants ». Aussi, l’OCDE, qui regroupe les trente pays les plus riches du monde, va appeler ses pays membres à mieux évaluer leur appétit pour les biocarburants – la production mondiale d'éthanol devrait progresser rapidement et atteindre 125 milliards de litres en 2017, soit deux fois plus qu'en 2007. « Grâce à une meilleure compréhension des coûts concernant la production de l’or vert, nous nous sommes rendu compte que les avantages étaient moins importants que prévu, notamment en matière d’environnement, explique Loek Boonekamp. Nous souhaitons donc informer les gouvernements afin qu’ils puissent améliorer leurs prises de décisions. Même si le marché international de l’éthanol est toujours sous-développé, les gouvernements doivent revoir les mesures qu’ils ont prises », souligne-t-il. C’est le cas du Brésil et des Etats-Unis, « qui subventionnent très fortement leur production ». Réinvestir dans l’agriculture : la solution durable Selon les chiffres de la Banque mondiale, « plus de 100 millions de personnes ont plongé dans la pauvreté en raison de la flambée du prix des aliments et de l’énergie ». Face à cette crise, qui est à l’origine de nombreuses émeutes en Afrique, dans les Caraïbes et en Asie, que préconise le rapport de l’OCDE et de la FAO ? A court terme : un recours à l’aide humanitaire pour les pays les plus démunis victimes « d’approvisionnements alimentaires aléatoires ». A plus long terme, « il faut investir dans la maîtrise rurale – en particulier la maîtrise de l’eau –, développer les moyens de stockage et construire des routes, explique Jacques Diouf, soulignant que seulement 4% des terres arables sont irriguées en Afrique. » Pour l’ancien secrétaire général de la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest, l’augmentation des prix a ouvert, pour de nombreux producteurs, une bonne perspective d’accroissement des revenus. Une occasion dont il faut se saisir, selon lui, pour renforcer les capacités de production des pays en développement. « C’est en avançant dans ce chemin que nous pourrons faire face à l’insécurité alimentaire, conclut Jacques Diouf. Le rapport Perspectives agricoles 2008-2017 est consultable sur www.agri-outlook.org | |||
Martin Courcier | |||
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