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25/11/2008 | |||
Financement du développement Doha prend le relais de Monterrey sur fond de crise | |||
(MFI) Six ans après Monterrey, au Mexique, Doha, capitale de l’Etat du Qatar, prend le relais en accueillant, sur fond de crise internationale, la conférence de suivi sur le financement du développement, du 29 novembre au 2 décembre 2008. Pour faire bouger les choses alors que les pauvres craignent de faire les frais de la crise, le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, a convoqué la veille dans la même ville un sommet sur la crise financière. | |||
La conférence de suivi de Doha, prévue de longue date, a pour but d’évaluer de la mise en œuvre des engagements pris à Monterrey (mars 2002) sur le financement du développement. La veille, le sommet sur la crise financière internationale devrait permettre d’examiner cette évaluation à la lumière des récentes évolutions de l’économie mondiale. Les pays pauvres redoutent en effet de subir de plein fouet les répercussions de la crise mondiale et demandent notamment que le problème de la dette soit pris en compte. Le thème « Dette extérieure et développement : pour un règlement durable du problème de la dette des pays en développement » est d’ailleurs inscrit à l’ordre du jour de la conférence, tout comme des réunions de la société civile, du secteur privé et sur le commerce. Ban Ki-moon a encouragé les dirigeants du monde à participer aux deux réunions afin d’élargir le débat sur la crise financière au-delà du besoin d’un plan de soutien à l’économie mondiale. Faire face non pas à une seule crise mais à plusieurs, liées entre elles Lors du récent sommet des dirigeants du G20 (les principaux pays industrialisés et les grands pays émergents) sur la crise financière à Washington, le secrétaire général de l’Onu avait appelé ceux-ci à venir nombreux à Doha. Il a aussi souhaité que le débat sur la manière de résoudre la crise financière n’oublie pas d’inclure le respect des promesses internationales en matière d’assistance et de commerce, la réduction des effets négatifs de la crise sur la sécurité mondiale et le bien-être des gens et la promotion de « l’économie verte ». Pour lui, le multilatéralisme doit être le maître mot de la réforme des institutions financières car le monde ne fait pas face à une seule crise mais à un ensemble de crises liées entre elles qui ne peuvent être résolues que de manière globale. Il insiste, dans ce cadre, sur la « nécessité impérative » d’intégrer la lutte contre la pauvreté et les mesures contre le réchauffement climatique dans tout plan global d’action contre la crise économique et financière. Ce point de vue est partagé par l’ancien ministre français Philippe Douste-Blazy, président d’Unitaid. Le conseiller spécial de Ban Ki-moon pour les financements innovants, qui a rang de secrétaire général adjoint des Nations unies, a mis en garde contre les dangers pour les plus fragiles : « La crise financière nous a redonné le droit de critiquer le système financier mondial, et les inégalités immenses qu’il produit (…) La crise nous impose d’agir dans les pays en développement, où ses secousses menacent de faire s’écrouler des équilibres déjà gravement fragilisés. C’est ce qui se jouera à Doha », a-t-il dit dans l’hebdomadaire français Le Journal du Dimanche ce 23 novembre. Il a souligné que « la mondialisation demande plus que jamais imagination et détermination. Soyons-en certains : si nous laissons passer cette occasion de rééquilibrer la mondialisation, la crise mondiale ne fait que commencer ». Pour le moment, tout le monde se déclare prêt à jouer le jeu sans pour autant prendre encore des engagements formels. Ainsi les dirigeants des 21 pays participant au forum de Coopération économique Asie-Pacifique (Apec), à Lima au Pérou, dont les Etats-Unis, se sont engagés à ne pas prendre de mesures protectionnistes dans les douze mois qui viennent, et à parvenir à un accord mondial sur le commerce. Le président sortant américain George W. Bush, présent à Lima, ne fera pas le voyage de Doha mais enverra l’administratrice de l’Agence américaine pour l’aide internationale (Usaid), Henrietta Fore. « Les pays développés doivent tenir leurs engagements en matière d’assistance et ne doivent pas prendre le déclin économique actuel pour excuse pour revenir sur ces engagements », a cependant déclaré un porte-parole de la Maison blanche. De son côté, l’Union européenne a souligné que la nécessaire réforme du système financier international devait s’inscrire dans l’ensemble des défis à relever, en particulier la sécurité alimentaire, le changement climatique et la lutte contre la pauvreté. Elle affirme vouloir veiller à ce que les pays en développement soient pleinement associés au processus et estime que la conférence de Doha sera l’occasion pour l’UE de réitérer ses engagements en matière d’aide publique au développement. Un effort budgétaire de 5 % sur trois ans Ce qui a été réaffirmé par le secrétaire d’Etat français à la Coopération et à la francophonie, Alain Joyandet, qui doit accompagner le président Nicolas Sarkozy à Doha. Il a souligné que Paris respectera tous ses engagements. « Pour parvenir autour de 2010 à 0,5 % de notre APD rapporté au PIB de la France, nous allons faire un effort budgétaire de 5 % sur les trois prochaines années. Les crédits de paiement des trois programmes qui concourent à la mission “aide publique au développement” passent ainsi de 3,090 à 3,239 milliards d’euros entre 2008 et 2011. J’aurai l’occasion, au nom de l’Union européenne, de réaffirmer cette position à la Conférence de Doha sur le financement du développement », a-t-il dit. Mais tout le monde n’est pas convaincu. Le président brésilien Lula da Silva, qui a siégé au G20, n’assistera pas au sommet du 28 novembre. Le Brésil suggère en revanche que le Conseil économique et social de l’Onu puisse débattre de l’économie mondiale. « Nous aimerions que le Conseil économique et social soit convoqué parce que c’est un forum de l’Onu qui est plus démocratique. Il est plus facile d’y organiser une réunion planifiée plutôt que de profiter d’une autre réunion déjà prévue comme celle du Financement du développement », a estimé le chef de la diplomatie brésilienne, Celso Amorim. Plusieurs ONG et collectivités territoriales françaises ont, de leur côté, exprimé leurs doléances à l’Union européenne et à la France qui la préside. Elles demandent notamment de lancer une réflexion en vue de l’élaboration d’un indicateur d’APD « réelle » qui, sans remplacer l’indicateur existant, permettrait de mesurer l’évolution des efforts réels d’APD en excluant, au minimum, les mesures qui ne dégagent pas de ressources nouvelles pour financer le développement. Elles préconisent aussi une coopération qui respecte l’égalité des partenaires, ce qui exclut l’imposition (notamment via les conditionnalités) de préoccupations unilatérales par le bailleur, qu’elles soient économiques, sécuritaires ou migratoires. | |||
Marie Joannidis | |||
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