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23/06/2006
Conférence euro-africaine sur l’immigration : les enjeux de Rabat

(MFI) Comment faire face à l’afflux massif d’immigrés irréguliers africains qui veulent rejoindre l’eldorado européen ? C’est pour trouver des éléments de réponse à cette question vitale que le Maroc, l’Espagne et la France – directement confrontés à ce problème – ont initié l’organisation à Rabat les 10 et 11 juillet 2006 d’une Conférence ministérielle euro-africaine sur la « Migration et le développement ». Genèse d’une réunion qui a pour ambition de construire un véritable partenariat entre pays d’origine, de transit et de destination de l’émigration.

Ce sont les dramatiques évènements de Ceuta et de Melilla de l’automne 2005 qui ont déclenché l’initiative de cette conférence. Les images de ces immigrants subsahariens, blessés ou tués alors qu’ils tentaient d’entrer de force dans les enclaves espagnoles de Ceuta et de Melilla situées au Maroc, ont provoqué l’émoi international. Aussitôt le roi du Maroc Mohammed V et le chef du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, annonçaient la tenue d’une conférence regroupant des responsables européens et africains en vue de trouver des réponses communes aux afflux massifs d’immigrés irréguliers.
Après une rencontre entre M. Zapatero et son homologue français Dominique de Villepin, la France s’est jointe rapidement à ce processus. Puis, au bout de quelques semaines, la Commission européenne est devenue partie prenante dans l’organisation d’une conférence euro-africaine, déjà évoquée lors de la réunion informelle européenne de Hampton Court (octobre 2005), dont la tenue est confirmée par le Conseil européen lors du sommet de décembre 2005. Rendez-vous est alors pris pour le mois de juillet 2006 à Rabat.

La notion de « routes migratoires »

Le concept même de cette conférence repose sur la notion de « routes migratoires », à savoir le fait qu’il existe des flux migratoires illégaux entre l’Afrique et l’Europe reposant sur des facteurs structurels puissants qu’il faut s’attacher à combattre. Dans les pays d’origine de l’immigration (Afrique subsaharienne en particulier), il y a ainsi une motivation à l’immigration à forte dominante économique et sociale. Dans les pays de transit (le Maghreb en général, qui est aussi une zone d’origine de l’immigration), il y a cette utilisation de routes terrestres et maritimes structurées et contrôlées par de véritables mafias. Enfin, dans les pays de destination (Europe), se pose le problème des réseaux de trafics de personnes organisant l’exploitation des immigrés.
L’idée de la conférence est de réunir les différents pays placés le long des routes migratoires (Afrique centrale, Afrique occidentale, Afrique du nord, les 25 Etats européens, ainsi que les autres Etats de la zone Europe : Suisse, Norvège, Islande, Roumanie, Bulgarie) pour aborder le processus migratoire dans sa globalité et faire naître un véritable partenariat entre pays d’origine, de transit et de destination. L’approche globale se justifie d’autant plus que, bien souvent, beaucoup de pays africains ne sont pas seulement à l’origine de l’immigration, mais aussi des pays de transit et de destination.
Pour endiguer ces flux d’immigration illégale, deux axes d’actions se dessinent. Le premier est d’ordre coercitif. Il s’agit de renforcer le contrôle aux frontières des pays de destination en mettant en place une coopération opérationnelle entre tous les pays concernés (échanges de renseignements, coopération policière, conclusion d’accords de réadmission avec tous les pays de la région, application effective de l’article 13 de l’Accord de Cotonou, lutte contre le travail non déclaré dans les pays européens, etc.).
Le deuxième axe : favoriser le développement et le co-développement dans les pays d’origine de l’immigration. En effet, si les conditions de vie sont meilleures en Afrique, la tentation d’immigrer illégalement sera moins forte. Pour favoriser le développement, plusieurs actions sont possibles comme le renforcement des capacités alimentaires, sanitaires et médicales, ainsi que l’accès à l’éducation des pays d’origine. Le co-développement, qui se définit comme toute action d’aide au développement à laquelle participent des migrants, est un des nouveaux outils mis en avant par l’Europe. La France a été l’un des premiers pays à avoir associé les migrants installés sur son territoire au développement de leur pays d’origine.
Tous ces axes d’actions possibles contre l’immigration illégale sont en cours de discussion au niveau européen comme africain. Une réunion d’experts africains a eu lieu début avril 2006 à Alger sous l’égide de l’Union africaine (UA) pour élaborer, une position commune. Elle devait être soumise aux Européens lors d’une réunion ministérielle UA-UE prévue début juin 2006 à Tripoli, avant d’être reportée. Pour leur part, les travaux préparatoires de la conférence de Rabat ont permis la mise au point d’un projet de plan d’action, destiné à être adopté à Rabat, élaboré début juin 2006 à Dakar par les experts d’une vingtaine de pays africains et européens. Des mesures très concrètes ont été proposées. Reste ensuite au pouvoir politique à prendre le relais, mais il semble que la volonté soit là. En tout cas si l’on en juge par le préambule du plan d’action : il est ainsi affirmé « qu’il est important de mener des actions rapides et tangibles afin de répondre à l’urgence de la situation » et que « seul un plan d’action pragmatique et audacieux, à la mesure de l’ampleur atteinte par le phénomène migratoire, sera à même d’apporter des réponses appropriées ».

Isabelle Verdier


Le projet de plan d’action

(MFI) Les experts africains et européens réunis à Dakar se sont voulus pragmatiques. Ils proposent ainsi dans le préambule du plan d’action de mettre en application un texte existant : l’article 13 de l’Accord de Cotonou régissant les relations entre les pays ACP et l’Union européenne. Cet article, qui est consacré à la question des migrations, demande notamment aux pays européens de pratiquer une politique d’intégration à l’égard des ressortissants des pays ACP, d’appliquer un traitement non discriminatoire en ce qui concerne leurs conditions de travail et d’appuyer le développement économique et social des régions d’origine des migrants. Spécialement stratégique, dans le contexte actuel, est la disposition qui stipule que « chacun des Etats ACP accepte le retour et réadmet ses propres ressortissants illégalement présents sur le territoire d’un Etat membre de l’Union européenne, à la demande de ce dernier et sans autres formalités ». Cet article 13 a toutefois l’inconvénient de ne s’appliquer qu’aux pays ACP (le Maghreb est exclu) et de ne concerner que les nationaux (les personnes en transit ne sont pas inclues).
En dehors de l’application de l’article 13, point central du projet de plan d’action, les propositions s’articulent autour de trois axes principaux : la promotion du développement, le renforcement des dispositifs de la migration légale et la lutte contre l’immigration illégale. Concernant le premier point, qui comprend le plus grand nombre de propositions, l’accent est mis sur le déploiement de projets de codéveloppement sur l’ensemble des routes migratoires, notamment à partir des expériences menées au Maroc, au Mali et au Sénégal. Des mesures sont également préconisées pour éviter la fuite des cerveaux, comme la mise en place pour les étudiants africains ayant étudié en Europe d’une politique incitative au retour, le développement de partenariats entre les institutions scientifiques et techniques ou le renforcement de la coopération en matière de formation. S’agissant de la migration légale, le plan d’action préconise d’adopter des mesures facilitant la circulation des travailleurs et des personnes, notamment la migration circulaire et temporaire entre les pays d’origine et de destination. Enfin, concernant l’immigration irrégulière, les experts recommandent de mettre en place « des systèmes efficaces de réadmission entre l’ensemble des pays concernés dans le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes », en appliquant de manière effective l’article 13 de l’Accord de Cotonou. Il est aussi prévu d’instaurer un système d’alerte précoce inspiré du modèle européen pour détecter les signes avant-coureurs d’une immigration irrégulière.
Question financement, le plan d’action propose dans un premier temps d’optimiser les fonds et les moyens institutionnels existants avant de recourir éventuellement à d’autres sources (UE, Etats partenaires, organismes internationaux). Il suggère aussi de créer un observatoire euro-africain de la migration en vue de permettre une meilleure connaissance des flux migratoires. Du côté français on s’est déjà attelé à travailler sur certaines dispositions considérées comme prioritaires, comme l’observatoire sur les migrations, la mise en réseau des agences nationales pour l’emploi en Europe, le système d’alerte précoce, le codéveloppement ou encore le démantèlement des réseaux d’immigration clandestine.

I. V.




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