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26/01/2007
Les ambitions du Forum de Davos

(MFI) Comme chaque année, le Forum économique mondial tient son assemblée générale dans la petite ville suisse de Davos, du 24 au 28 janvier. Occasion pour les dirigeants du monde des affaires et de la politique de discuter des grandes orientations de la planète, le Forum vise à améliorer l’état du monde, selon ses organisateurs. Ses détracteurs dénoncent une philosophie libérale et élitiste.

Qu’est ce que le Forum économique mondial ?

Temple de la globalisation libérale pour les uns, outil de dialogue destiné à améliorer l’état du monde pour les autres, le WEF – pour son acronyme anglais – est devenu un rendez-vous obligé. A l’origine, Klaus Schwab, professeur de stratégie industrielle à l’université de Genève, fonde en 1971 le Forum européen du management, qui réunit les principaux chefs d’entreprises du vieux continent afin de réfléchir aux défis de l’internationalisation des économies. L’organisation prend de l’ampleur, intervient dans un nombre croissant de domaines, lance des initiatives sur l’environnement ou les nouvelles technologies. En 1987, elle se transforme en Forum économique mondial.
Aujourd’hui le WEF emploie 250 personnes, dispose d’un budget de 65 millions d’euros financé par un millier des principales sociétés mondiales et occupe de grands locaux de verre avec jardin japonais au cœur de Genève. Il se définit lui-même comme « une organisation internationale indépendante dont le but est d’améliorer l’état de la planète en invitant les leaders mondiaux à définir en partenariat des programmes d’actions globaux, régionaux et industriels ». Officiellement, le WEF est une association à but non lucratif, mais comme le souligne un observateur : « Il est constitué des patrons d’entreprises qui, ensemble, pèsent 5 000 milliards de dollars, soit 7 fois le PIB du Canada. »
La vitrine du WEF est son assemblée générale qui se réunit chaque année en janvier à Davos, une petite ville de 13 000 habitants nichée à 1 560 mètres d’altitude dans les Alpes suisses. Là, pendant cinq jours, près de 2 000 dirigeants du monde des affaires, de la politique, des arts, du syndicalisme, de la recherche, de l’humanitaire, de la religion, des média… participent à 300 débats organisés de 6 heures du matin à minuit. Chaque Forum de Davos est construit autour d’un thème, mais les conférences abordent des sujets aussi divers que la fracture numérique, les conséquences du conflit israélo-palestinien, les énergies de substitution, le marché de l’art asiatique, les sources du développement personnel ou la psychologie des couleurs. Comme le résume Thierry Malleret, l’un des cadres du WEF : « Le Forum de Davos est une gigantesque boîte à idées » (voir interview ci-contre). Dans les couloirs, Bill Gates, le patron de Microsoft, discute avec Lula, le président brésilien. Kofi Annan, l’ex-secrétaire général de l’Onu, s’entretient avec le responsable d’une Ong pakistanaise. Carlos Ghosn, le Pdg de Renault, devise avec Manmohan Singh, le Premier ministre indien, tandis que Bono, le chanteur du groupe de rock U2, défend la cause de l’Afrique. « Ce qui est extraordinaire, c’est que tous les gens qui comptent au niveau mondial sont au même endroit au même moment », s’enthousiasme Richard Branson, le bouillant patron de Virgin. De nombreux contrats sont signés à cette occasion. Parmi les moment historiques du Forum, le chancelier Helmut Kohl négociant en 1990 avec les dirigeants est-allemands la réunification du pays, ou Yasser Arafat renouant en 1994 le contact avec le ministre israélien des Affaires étrangères Shimon Péres.
Mais le Forum économique mondial ne se limite pas à son assemblée générale. Tout au long de l’année, il organise des réunions régionales (en Inde, en Chine, au Proche-Orient, en Amérique latine…), mène des études thématiques que ce soit sur les risques globaux ou les outils de communication de demain et publie chaque année un rapport sur la compétitivité des pays. Enfin, le WEF a lancé plusieurs initiatives dont il suit la réalisation, que ce soit la lutte contre les grandes maladies (sida, paludisme, tuberculose), les actions contre le changement climatique ou le dialogue entre le monde musulman et les pays occidentaux.


Quel est, cette année, le programme du Forum de Davos ?

Après « l’impératif de créativité » en 2006, le thème central du Forum 2007 sera « les changements dans l’équation du pouvoir ». L’idée est que la planète connaît actuellement une accélération de changements fondamentaux dans le domaine économique, social et politique. On peut citer la part croissante dans le PIB mondial des pays en développement, l’influence désormais déterminante de la société civile sur les institutions ou le poids des consommateurs sur les producteurs. Comme l’écrit Nandan Nilekani, directeur exécutif d’Infosys, la 2e société indienne d’informatique : « Les économies émergentes ont représenté en 2006 plus de la moitié de la hausse du PIB mondial. Cela entraîne, dans les pays concernés, la naissance d’une nouvelle classe de consommateurs, d’entrepreneurs et de responsables politiques. Cela bouleverse les relations entre pays avancés et pays en développement ». Déjà l’année dernière, l’ascension rapide de l’Inde et de la Chine avait dominé les débats.
Ce thème sera divisé en quatre grands sous-chapitres. Le premier sera intitulé Economie : les nouveaux moteurs. Même si la croissance mondiale devrait se poursuivre en 2007, des questions se posent quant à la force de l’euro par rapport au dollar, l’influence des fonds de pension, l’inefficacité des systèmes de régulation. Des nouvelles clés doivent donc être trouvées pour limiter les risques de déstabilisation de l’économie mondiale. Le second sous-chapitre a pour sujet Géopolitique : le besoin de nouveaux mandats. En la matière, les discussions resteront centrées sur la situation en Irak, l’instabilité du Moyen-Orient, mais aussi les conséquences géopolitiques du réchauffement climatique. Ces problèmes sont interdépendants, et les leaders mondiaux doivent trouver une nouvelle légitimité pour les résoudre. Troisième table ronde : Technologie et société : identité, communauté et réseau. Derrière cet intitulé complexe se cachent la problématique de l’impact des nouvelles technologies sur la création de l’information, la naissance de nouvelles communautés virtuelles mais auxquelles les citoyens ressentent une véritable appartenance (cf. le site internet Seconf life), le phénomène du web 2.0. Enfin les dernières conférences seront consacrées à la façon dont gérer des affaires dans un monde de plus en plus interconnecté ; les conséquences que cela a non seulement pour la recherche de nouveaux marchés, la gestion financière, le lancement de produits mais aussi pour les ressources humaines. L’impact des nouvelles technologies fait partie des « dadas » du WEF depuis sa création.


Quelles sont les critiques adressées au Forum de Davos

« Tout ça pour ça. » C’est en substance l’opinion de l’éditorialiste du Time, Anatole Kaletsky : « Le pèlerinage des riches et des puissants à Davos justifie-t-il les kilomètres d’articles et les heures de tournage consacrés chaque année à l’événement ? Car finalement à Davos, on parle sans agir, on discute sans décider, on débat sans conclure. C’est une rencontre de décideurs où l’on ne décide pas. » Et l’éditorialiste britannique d’ajouter : « L’intérêt de Davos ne réside pas dans ses analyses et ses prévisions. Tout est conventionnel et tristement consensuel. Le véritable objectif de Davos est simple : il s’agit de poignées de main, d’échanges de cartes de visite, d’embrassades chaleureuses, de prises de contact visuelles. » Le tout alors que l’organisation des cinq jours du Forum coûte 12 millions d’euros.
De son côté, l’économiste français Elie Cohen redoute l’apparition d’un gouvernement mondial de l’élite du business sans contrôle démocratique : « Davos a lancé certains concepts chatoyants comme la Nouvelle Economie, l’entreprise globale, la fracture numérique. Mais c’est avant tout une foire au lobbying. Réseau de dirigeants organisés pour conforter la mondialisation et une gestion libérale des économies, le Forum entend donner un rôle grandissant aux dirigeants industriels en avançant sous le triple étendard de la conscience morale (refus des guerres), des responsabilités globales (environnement, épidémie) et de la faillite relative des Etats. »
Mais les critiques les plus violentes du Forum viennent des mouvements altermondialistes qui lui reprochent sa philosophie libérale et élitiste. Ils dénoncent à travers lui les conséquences sociales, économiques, écologiques des politiques menées par les multinationales. Les manifestations ont même obligé le Forum à déménager à New-York en 2002. Aujourd’hui, Davos est transformé en camp retranché les cinq jours des rencontres. En réplique au WEF, les altermondialistes ont créé le Forum social mondial qui s’est réuni pour la première fois à Porto-Alegre en 2001. Cette année, il s’est ouvert le 20 janvier à Nairobi sur le thème de la malnutrition et de la dette de l’Afrique. Comme le souligne un observateur : « Les deux forums prétendent améliorer l’état de la planète. Mais pas de la même façon. Ce sont deux visions opposées de la mondialisation. » Face à ces accusations, les responsables du WEF insistent sur la diversité des opinions exprimées à Davos, citent la présence de Bono ou du président vénézuélien Hugo Chavez et rappellent que Klaus Schwab, le créateur du Forum, a toujours milité pour une globalisation qui ne profite pas qu’à quelques uns.

Jean Piel

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