| |||
19/06/2007 | |||
Sarkozy et l’Afrique : le décor est planté | |||
(MFI) Le décor est désormais planté pour la politique africaine du nouveau président français Nicolas Sarkozy qui l’a placée, comme le reste, sous le signe du renouveau. Reste désormais à passer des paroles aux actes pour prouver aux Africains l’intérêt qu’il peut leur porter. | |||
Au lendemain des élections législatives qui ont vu la nette victoire de la droite, malgré une forte poussée de la gauche, le gouvernement du Premier ministre François Fillon rendu public le 19 juin est au complet, avec des ouvertures au centre, à la gauche et à des jeunes issus de l’immigration. L’architecture adoptée devrait rassurer quelque peu ceux qui redoutaient l’abandon des affaires africaines et du développement au seul ministère de l’Identité nationale, de l’immigration et du co-développement nouvellement créé et dirigé par un fidèle du président, Brice Hortefeux. Aux côtés du socialiste Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, spécialiste de l’humanitaire et grand connaisseur de l’Afrique, on trouve en effet désormais le sénateur socialiste du Haut Rhin et ancien ministre Jean-Marie Bockel, nommé secrétaire d’Etat chargé de la Coopération et de la Francophonie. Et la jeune Rama Yade, d’origine sénégalaise, grande admiratrice de Nicolas Sarkozy, secrétaire d’Etat aux affaires étrangères et aux droits de l’Homme. Ils travailleront avec la cellule africaine de l’Elysée, placée sous la direction de Bruno Joubert, ancien directeur des Affaires africaines et de l’océan Indien au Quai d’Orsay, elle-même placée sous la houlette du conseiller diplomatique responsable des affaires internationales dans une espèce de Conseil national de sécurité à l’américaine. Nicolas Sarkozy, qui a réaffirmé l’intérêt qu’il porte à l’Afrique lors du premier G8 auquel il a assisté, avait déjà précisé qu’il fallait débarrasser les relations avec le continent « des réseaux d’un autre temps, des émissaires officieux qui n’ont d’autres mandats que celui qu’ils s’inventent. (…) Il faut définitivement tourner la page des complaisances, des secrets et des ambiguïtés, notamment avec nos partenaires africains et arabes ». Il s’est aussi prononcé pour une réduction de la présence militaire française en Afrique et une aide accrue aux capacités de maintien de la paix africaines, soulignant qu’il veillerait à ce que les critères de l’attribution de l’aide publique au développement soient plus stricts. A la Coopération, Jean-Marie Bockel, socialiste « désavoué » comme Bernard Kouchner Tout comme Bernard Kouchner, "électron libre" au sein du Parti socialiste qui l’a désavoué quand il a accepté de rejoindre le gouvernement de François Fillon, Jean-Marie Bockel représentait un courant minoritaire au sein du PS, et n’avait pas caché son admiration pour un certain socialisme libéral et le "blairisme", du nom du Premier ministre britannique sortant Tony Blair, à l’origine de la croissance économique de son pays. Jean-Marie Bockel est né en 1950 à Strasbourg. Cet ancien avocat, membre du PS qui l’a aussi désavoué, était perçu comme incarnant l’aile droite du parti, étiquette qu’il considérait avec une certaine ironie. « Nous sommes des socialistes libéraux. Socialistes, car nous devons opposer aux rapports de force et à l’injustice, la nécessité d’une émancipation partagée. Car nous nous donnons pour fin la justice et la protection sociale, la réduction des inégalités et la promotion des solidarités. Car nous travaillons au partage des biens et des droits à l’échelle du continent et du monde. Socialistes, car nous défendons l’esprit public, ce qui fait société. Car nous soutenons le principe d’une action collective et volontariste. Libéraux, car nous comprenons l’émancipation comme accès à la liberté. Nous défendons la liberté et la responsabilité individuelle, l’autonomie de la société civile, la délimitation de la souveraineté de l’État. L’émancipation doit être le fruit des libertés mises en commun : réunies par le débat et la négociation contractuelle, réglées par les normes du droit et l’exercice de la justice », avait-il déclaré avant sa nomination. Qualifié de "maire sécuritaire de gauche" à Mulhouse (est de la France), Jean-Marie Bockel est partisan depuis longtemps d’un équilibre entre la prévention et la sécurité. Mettre en œuvre le "compte épargne codéveloppement" Quant à Rama Yade, la benjamine du gouvernement, âgée de 30 ans, qui était chargée de la Francophonie au sein de l’UMP, elle estime qu’il faut « un plan Marshall pour l’Afrique, très ambitieux, comme celui dont a bénéficié l’Europe après la seconde guerre mondiale ». Car, dit-elle, le développement de l’Afrique constitue la seule solution durable aux problèmes des « boat people » africains. De son côté, Brice Hortefeux réfute les critiques. « L’enjeu du codéveloppement est de donner aux États du Sud et à leurs ressortissants les moyens d’avoir confiance en eux-mêmes et de construire un avenir en dehors de l’émigration, a-t-il déclaré dans une récente interview. Nous devons faire en sorte que les transferts de fonds des migrants en France vers leur pays d’origine, dont 80 % sont aujourd’hui consacrés à la consommation courante, soient davantage utilisés à des fins d’investissement productif. Nous allons, par exemple, mettre en œuvre le "compte épargne codéveloppement" qui est destiné à mobiliser l’épargne des migrants présents en France vers des projets d’investissement économique dans leur pays d’origine. » Pour lui, le dialogue avec les pays d’origine sera renforcé afin de généraliser les accords de gestion concertée des flux migratoires, à l’image de celui que Nicolas Sarkozy avait signé au nom de la France avec le Sénégal, l’année dernière. | |||
Marie Joannidis | |||
|