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11/09/2007
Aide au développement : la gestion de l’immigration, nouvelle conditionnalité ?

(MFI) L’immigration "choisie" et la lutte contre les clandestins, mesures phares de la politique du président Nicolas Sarkozy, commencent à entrer en application et pourraient constituer une nouvelle conditionnalité pour l’aide publique au développement (APD) de la France, ce qui risque d’affecter des pays africains, sources de flux migratoires.

Nommé à la tête du nouveau ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Codéveloppement, Brice Hortefeux, proche du président français, ne le cache pas et l’a même souligné devant tous les ambassadeurs de France réunis à Paris fin août 2007 : une des missions que lui a confiée Nicolas Sarkozy est de repenser la politique d’aide au développement dans les pays sources d’émigration et d’engager une politique de gestion concertée avec les partenaires de la France. « Après la décolonisation, la France a signé avec 15 pays d’Afrique des accords bilatéraux relatifs aux conditions de circulation et d’établissement des personnes. Aucun de ces accords ne prend en compte le lien entre développement économique des pays d’origine et émigration », a-t-il affirmé.
Il a invoqué à ce propos une nouvelle vision de l’aide au développement à élaborer en liaison avec Bernard Kouchner, le ministre des Affaires étrangères et européennes, et Jean-Marie Bockel, le secrétaire d’Etat chargé de la Coopération et de la Francophonie au Quai d’Orsay, ce qui risque de causer des frictions dans l’avenir malgré la volonté affichée de toutes les parties de travailler ensemble. Le secrétaire d’Etat à la Coopération qui gère l’aide publique au développement (APD) reconnaît que son collègue a son mot à dire au sein des instances qui sont de sa compétence (DGCID, CICID, AFD ou Comité directeur du Fonds de solidarité prioritaire). Il souhaite en revanche participer aux instances qui décideront de la mise en place des crédits de codéveloppement.

« Réguler ensemble, dans l’intérêt des deux parties, les flux migratoires »

« J’entends participer, souligne pour sa part Brice Hortefeux, à la définition et à la mise en œuvre d’une politique d’aide au développement des pays sources d’immigration qui prenne en compte, de manière opérationnelle, la question des flux migratoires… Le moment est venu de nouer des partenariats avec les pays les moins développés, en particulier en Afrique, pour réguler ensemble, dans l’intérêt des deux parties, les flux migratoires. » Il s’agit pour lui de conclure des accords de gestion concertée des flux migratoires « qui comprennent un volet relatif à l’aide au développement et qui sont appelés à devenir un instrument à part entière de la politique d’immigration de notre pays".
Deux accords de ce type ont déjà été signés, le premier avec le Sénégal, en septembre 2006, par Nicolas Sarkozy alors ministre d’Etat, et un autre avec le Gabon, en juillet 2007. Brice Hortefeux a indiqué qu’il a engagé des discussions avec le Bénin et recueilli l’accord de la République du Congo, et qu’une vingtaine de pays devrait être concernés d’ici la fin 2009. L’objectif du gouvernement est en effet de généraliser dès 2008 ce type d’accord aux principaux pays d’immigration situés en Afrique mais aussi aux Caraïbes, en Amérique du Sud ou en Asie.
Paris, qui a proposé l’adoption d’un "Pacte européen de l’immigration", se propose d’ailleurs, dans la perspective de la prochaine présidence française de l’Union européenne en 2008 et de la seconde réunion ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement, prévue en France également au second semestre 2008, d’essayer de recueillir l’adhésion de la Commission européenne et des autres Etats membres en matière de maîtrise des flux migratoires et de codéveloppement.

Les cartes « compétences et talents » sous réserve d’un accord préalable de codéveloppement

Dans ce contexte, Brice Hortefeux veut privilégier les actions sectorielles et géographiques qui ont un impact direct sur les flux migratoires, ainsi que la coopération en matière de santé, d’état civil, d’aide au secteur productif et universitaire. Il dispose pour cela d’un nouveau programme budgétaire "codéveloppement" géré par son ministère aux côtés des programmes "aide économique et financière du développement" du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Emploi et "solidarité à l’égard des pays en développement" du ministère des Affaires étrangères et européennes.
Il a d’ores et déjà annoncé plusieurs mesures concernant l’immigration et le codéveloppement. Parmi celles-ci figure la création d’un "compte épargne codéveloppement", qui permettra aux migrants séjournant en France de faire fructifier leur épargne avant de l’investir dans le pays d’origine, en bénéficiant d’une incitation fiscale. Mais aussi la mise en œuvre du dispositif de la carte "compétences et talents", qui s’adresse aux étrangers dont la venue est souhaitée. Cette carte, d’une durée de trois ans, ne sera pas réservée à une élite de super-diplômés, selon le ministre, mais a vocation à bénéficier à des personnes qualifiées qu’elles aient ou non un diplôme. Pour les étrangers ressortissants d’un pays de la zone de solidarité prioritaire, dont beaucoup sont africains, cette carte ne pourra être accordée que si la France a conclu avec celui-ci un accord de partenariat pour le codéveloppement.
Pour la première fois, le nouveau ministère partagera avec celui des Affaires étrangères la direction des Français à l’étranger et des étrangers en France ainsi que l’autorité sur les consulats et la politique d’attribution des visas ; ceux-ci seront progressivement biométriques pour mieux contrôler l’immigration clandestine. Outre la lutte contre les mariages blancs et les faux papiers ainsi que la mise en place de ces nouveaux visas, les diplomates français en poste dans des pays vers lesquels sont expulsés les clandestins sont invités à « établir et nourrir un dialogue soutenu avec les autorités locales pour faciliter la délivrance des laissez-passer consulaires indispensables à l’acheminement dans leurs pays de ces étrangers ».


Le regroupement familial davantage cadré

Concernant l’immigration "choisie" chère à Nicolas Sarkozy, l’objectif est que l’immigration économique représente à terme 50 % du flux total des entrées à fins d’installation durable en France alors qu’elle ne représente aujourd’hui que 7 % des flux migratoires, selon Brice Hortefeux. Il a aussi précisé qu’il a engagé une concertation avec les partenaires sociaux pour permettre d’accueillir en France des travailleurs étrangers, munis de cartes de séjour "salarié", dans les secteurs professionnels et les zones géographiques caractérisés par des pénuries de main d’œuvre.
Autre mesure pour "rééquilibrer" les flux migratoires, l’encadrement du regroupement familial. Un projet de loi veut préparer le parcours d’intégration des candidats au regroupement familial. Il comprend un test de connaissance de la langue française et des valeurs de la République, suivi si nécessaire d’une formation d’une durée maximale de deux mois. L’attestation de suivi de cette formation sera nécessaire pour obtenir le visa de long séjour. Un amendement a été proposé autorisant le recours à des tests ADN lors de la délivrance de visas de plus de trois mois pour "répondre à la fraude documentaire".
Brice Hortefeux veut également diversifier l’origine des étudiants étrangers accueillis en France et recruter davantage d’étudiants dans les disciplines scientifiques. « Même si le nombre d’étudiants étrangers en France a augmenté de 75 % en moins de dix ans, pour atteindre 265 000 en 2005, très peu d’entre eux viennent des pays les plus avancés économiquement : plus de 50 % des étudiants étrangers que nous accueillons sont africains et seulement environ 15 % asiatiques. De la même façon, le nombre des étudiants étrangers inscrits dans des filières généralistes est sur-représenté, au détriment des études plus orientées vers la pratique et les besoins économiques des pays d’origine », a-t-il dit.

Marie Joannidis

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