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11/12/2007 | |||
Eurafrique : les Africains donnent de la voix | |||
(MFI) Confortés par l’intérêt que leur portent les nouveaux géants économiques émergents comme la Chine, l’Inde et le Brésil et conscients du poids qu’ils peuvent avoir s’ils agissent en bloc, les pays africains ont donné de la voix au sommet eurafricain de Lisbonne pour montrer qu’ils plaçaient le développement en tête de leurs priorités et qu’ils étaient prêts à se défendre face à l’Union européenne, pourtant le principal pourvoyeur d’aide au développement dans le monde. | |||
La plupart des pays africains, en particulier ceux de l’Afrique de l’Ouest, refusent de signer en « l’état » les Accords de partenariat économique (APE) qui devaient remplacer d’ici fin décembre 2007 ceux déjà conclus entre l’Union européenne et les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) qui leur accordaient un « traitement préférentiel », jugés illicites par l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les Africains redoutent en effet que les nouvelles règles, basées sur l’ouverture du marché, conduisent à un afflux de produits européens insuffisamment compensé par les mesures d’accompagnement proposées, et l’ont répété haut et fort à Lisbonne. Ce qui a incité la Commission européenne à se déclarer prête à rediscuter avec eux début 2008. « Tout cela risque de susciter de longs mois de négociations au sein de l’UE et de l’OMC », souligne, désabusé, un observateur économique. Les infrastructures continentales au menu d’une réunion du 24 janvier 2008 Autre point fort, les divergences sur les droits de l’homme et les séquelles de la colonisation entre Européens préoccupés avant tout par les problèmes d’immigration clandestine et les dirigeants africains qui se sentent obligés de défendre à tout prix un des leurs, le président du Zimbabwe Robert Mugabe, dont le régime est décrié à travers le monde. L’Afrique estime qu’elle a déjà remporté une première victoire puisque le sommet de Lisbonne, reporté plusieurs fois, n’a pu avoir lieu que sept ans après le premier sommet UE-Afrique du Caire en 2000 en raison de l’opposition de la Grande-Bretagne à la participation de Robert Mugabe. Sa présence a d’ailleurs provoqué le boycott du sommet par le Premier ministre britannique Gordon Brown. Vivement critiqué par la chancelière allemande Angela Merkel, Mugabe a été âprement défendu par le chef d’Etat sénégalais Abdoulaye Wade dont le pays est considéré comme un des plus démocratiques en Afrique. Les 27 pays membres de l’Union européenne et les 53 pays africains (52 de l’Union africaine et le Maroc qui n’en fait plus partie) ont certes adopté une stratégie basée sur un partenariat « d’égal à égal », accompagnée d’un plan d’action pour les trois prochaines années, avant un prochain sommet prévu en Afrique et que la Libye souhaite organiser. Mais le président de la Commission de l’UA, Alpha Oumar Konaré, a exigé un « devoir de mémoire vis-à-vis de la traite négrière, de la colonisation, de l’apartheid, du génocide rwandais ». Quant au dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, qui devait effectuer par la suite une visite controversée en France marquée par la signature d’importants contrats, il a appelé les Européens à rembourser les ressources « volées » lors de la colonisation ou alors à se tenir prêts à accueillir les migrants africains chez eux, position qu’il a l’habitude de répéter aux sommets africains auxquels il assiste. Malgré tout cela, l’Afrique demande à l’Europe de l’aider à la fois pour assurer sa sécurité et développer ses ressources, notamment à travers la reconstruction de ses infrastructures, vaste programme en chantier depuis plusieurs années dans toutes les instances internationales et africaines. Le président Wade a annoncé à Lisbonne qu’une réunion de haut niveau aura lieu à Dakar avec la tenue d’un tour de table des bailleurs de fonds sur les infrastructures en Afrique le 24 janvier 2008. La déclaration de Lisbonne Dans une déclaration dite de Lisbonne, tous les participants s’affirment prêts à bâtir un nouveau partenariat politique stratégique pour l’avenir, en dépassant les relations traditionnelles établies sur le mode bailleurs de fonds-bénéficiaires et s’appuyant sur des valeurs et des objectifs communs dans la recherche de la paix et de la stabilité, de la démocratie et de l’Etat de droit, du progrès et du développement. Un mécanisme de suivi a été mis en place pour suivre les objectifs fixés et présenter des résultats lors du prochain sommet de 2010. Ce partenariat stratégique au sens large englobe quatre groupes de priorités : Paix et sécurité, Gouvernance et droits de l’Homme, Commerce et intégration régionale et enfin les principales questions de développement. Concernant les Objectifs du Millénaire, l’UE a réaffirmé son engagement à fournir une aide supplémentaire, et les pays africains se sont engagés à progresser continuellement dans le traitement des préoccupations essentielles. | |||
Marie Joannidis | |||
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