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11/03/2008
Questions internationales (2)
La Birmanie, un pays exsangue


(MFI) Les Birmans, qui continuent à subir les abus de la junte au pouvoir, s’enfoncent dans la misère. Les indicateurs économiques et sociaux ont régressé. Au point que les organisations humanitaires s’alarment du mauvais état nutritionnel de la population. La faute aux militaires qui ne font rien pour développer le pays, estiment des spécialistes.

A Bangkok, Hanoï ou Phnom Penh, les rues ressemblent à des marées ininterrompues de vélos, de motos et, de plus en plus, de voitures. Rien de tel à Rangoun. Alors qu’à moins d’une heure d’avion, les capitales asiatiques rivalisent d’énergie voire de futurisme, la principale ville birmane semble endormie : rares voitures, autobus délabrés, taxis hors d’âge, immeubles décatis... La Birmanie ne partage pas le dynamisme économique de ses voisins.

Un sous-sol riche, mais pas d’industries

Pour les observateurs, la faute en incomberait à la politique économique incohérente, chaotique, irresponsable de la junte militaire au pouvoir. Lorsqu’en 1962, le général Ne Win prend les commandes de l’Etat, il annonce une « voie birmane vers le socialisme. » En 1989, ses successeurs affirment faire le choix du libéralisme. Peu importe les mots de généraux peu versés dans l’idéologie, la réalité reste la même : une croissance au point mort et une population qui s’appauvrit. Dans les années soixante, le pays était pourtant le premier exportateur mondial de riz et passait pour le plus prospère de la région. Tandis qu’en septembre 2007, l’ONG Action contre la faim note que le nombre d’enfants sévèrement malnutris accueillis dans ses centres a doublé en un mois et que le prix du riz a augmenté de 30 % dans la même période.
La Birmanie regorge de ressources naturelles – cuivre, argent, plomb, nickel, cobalt, gaz, pétrole – mais ne dispose pas de moyens de les exploiter. Incapable de raffiner son or noir, elle doit importer de l’essence. Quant aux pierres précieuses (jade, saphir, rubis), elles n’enrichissent que les membres de la junte. Les atteintes répétées aux droits de l’homme interdisent les investissements étrangers ; Total est l’une des rares compagnies occidentales présentes. Du coup, les industries sont inexistantes ; le secteur secondaire ne représente que 14 % du PIB. Même l’Organisation internationale du travail (OIT), choquée par la pratique des travaux forcés à large échelle, ne sait plus comment intervenir dans le pays. Pour sa part, l’opposition birmane affiche son refus des investissements étrangers et demande aux touristes (200 000 par an, en majorité chinois et japonais) de déserter le pays au motif que ces revenus ne profiteraient qu’à la junte.

Des indicateurs sociaux en chute libre

La majorité des 52 millions de Birmans travaille dans l’agriculture et 55 % d’entre eux gagnent moins d’un dollar par jour. Le PNB par tête est en effet de 250 dollars par an, le tiers de celui de l’Inde. Dans le même temps, le budget militaire dévore 30 % du revenu national, et les officiers supérieurs habitent des villas somptueuses sur les hauteurs de Rangoun. Eux seuls ont le droit d’importer des voitures. « Rien n’est fait pour développer l’économie du pays. Les infrastructures sont dans un état déplorable, les rares usines tournent au ralenti et les paysans sont régulièrement réquisitionnés pour des travaux forcés, comme construire des routes, sous la surveillance de l’armée. Une population misérable est une population docile », expliquait dans le Bangkok Post Aung San Naing, pseudonyme d’un journaliste économique installé à Rangoun.

Ni écoles ni hôpitaux, mais une armée puissante

Sans surprise, les indicateurs sociaux sont mauvais. L’espérance de vie n’est que de soixante ans, et tend à baisser. Officiellement de 85 %, le taux d’alphabétisation serait plus proche des 50 % et le gouvernement n’investit que 7 euros par an et par habitant dans la santé, contre 160 euros en Thaïlande. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a récemment classé le système de soins birman au 190e rang mondial (sur 191 pays). Comme le racontait dans Le Monde le Dr Françoise Sivignon, responsable locale de l’ONG Médecins du monde (MDM) : « On note une flambée des maladies liées à la pauvreté, comme la tuberculose et le paludisme. La situation des hôpitaux est dramatique, les services sont sous-équipés, les soignants peu ou mal formés, les médicaments rares et généralement périmés ». MDM s’alarme aussi du mauvais état nutritionnel de la population.
Les émeutes de septembre dernier ont été déclenchées par une hausse des prix des produits de base : plus 50 % pour les œufs, 30 % pour le riz et quintuplement du prix de l’essence. « Pour que la population ose descendre dans la rue en Birmanie, il faut vraiment qu’elle soit désespérée », souligne Aung San Naing. « L’armée est la seule institution qui fonctionne encore. Il n’y a plus d’administration, la santé publique est en déshérence, l’éducation s’est écroulée, l’économie est exsangue. Le désespoir de la population, affamée et terrorisée, est légitime », ajoute Thant Myint-U, un historien birman en exil.

Jean Piel

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