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22/04/2008 | |||
France-Afrique Une présence militaire française nécessaire mais en voie de réforme | |||
Souvent critiquée, la présence militaire française en Afrique - qui date en règle générale de la décolonisation du continent dans les années 1960 - reste au yeux de nombreux dirigeants africains une nécessité qui doit être adaptée au goût du jour et aux transformations géopolitiques, dans le cadre d'une « normalisation » entre Paris et ses anciennes colonies, voulue par le président français Nicolas Sarkozy. | |||
Le ministre français de la Défense, Hervé Morin, l'a d'ailleurs souligné en avril 2008 à Djibouti, un des points d'appui français de l'océan Indien, après la libération de l'équipage d'un voilier, le Ponant, capturé par des pirates au large de la Somalie et l’arrestation par des militaires français d'une partie des ravisseurs. Il a souligné l'importance de la présence française à Djibouti et a réaffirmé que la refonte des accords de défense liant Paris à un certain nombre d'Etats africains se fera « dans un esprit de partenariat et de coopération ». Nicolas Sarkozy, qui avait annoncé la couleur dès sa campagne présidentielle, a déclaré officiellement devant le parlement sud-africain, au Cap, en février 2008 - dans le cadre d'une visite officielle dans ce pays -, que la France avait l'intention de « renégocier tous les accords militaires en Afrique ». Nicolas Sarkozy a eu le mérite de lever le « tabou » « La France n'a pas vocation à maintenir indéfiniment des forces armées en Afrique. L'Afrique doit prendre en charge les problèmes de sécurité », a-t-il dit, soulignant que « L'Afrique de 2008 n'est pas l'Afrique de 1960 ». Cette réforme fait partie du Livre blanc sur la Défense, en préparation, et le chef de l'Etat français a déjà dépêché plusieurs émissaires sur place, dont l'ancien ministre délégué à la Coopération, Pierre-André Wiltzer, actuel président du conseil d'administration de l'Agence française de développement (AFD) auparavant chargé de la sécurité et de la prévention des conflits. Le mouvement était amorcé depuis quelques années, la France ne pouvant plus ou ne voulant plus jouer seule le rôle de « gendarme de l'Afrique », après le génocide au Rwanda en 1994 et sa mise en cause pour son soutien au régime d'où sont issus les génocidaires. Elle a pour cela tenté dans ses interventions d'avoir l'aval de l'Onu (Côte d'Ivoire) ou de ses partenaires européens (RDC et forces de l’Eufor, opérations liées au Darfour au Tchad et en RCA). Mais de l'aveu de plusieurs observateurs, Nicolas Sarkozy a eu le mérite de lever le « tabou » concernant les accords de défense et les clauses secrètes qu'ils pouvaient contenir et qui n'avaient jamais été rendus publiques. Il veut à présent renégocier ces accords avec les chefs d'Etat concernés qui le souhaitent, et les rendre publics après débat au parlement, comme cela est le cas pour tous les accords internationaux. Des clauses confidentielles devenues obsolètes En fait, malgré tous les fantasmes qui les entourent en raison de cette politique du secret, les clauses confidentielles, les amendements, portent essentiellement sur la possibilité de faire appel aux forces françaises en cas de menace intérieure sur l'ordre et la sécurité, l'Etat français restant libre d'y répondre ou non. « Ces clauses sont devenues obsolètes au fur et à mesure de la consolidation des Etats et il s'agit aujourd'hui pour les forces françaises d'aider, de former et d'équiper les forces africaines y compris celles qui seront un jour chargées du maintien de la paix en cas de conflit », souligne un des acteurs de la nouvelle stratégie. Déjà, précise-t-il, Paris a décidé d'européaniser son dispositif de Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (Recamp), en concertation avec l'Union africaine. La France a aussi choisi de regrouper son dispositif militaire à Dakar, Djibouti, Libreville et La Réunion pour appuyer les brigades africaines en devenir dans ces quatre régions du continent. Elle souhaite là aussi européaniser les effectifs de commandement. Il ne s'agit pas de plier bagage mais de s'adapter Des accords de défense la lient à présent avec huit Etats africains : Cameroun, République centrafricaine, Comores, Côte d'Ivoire, Djibouti, Gabon, Sénégal et Togo. Au Tchad, il n'y a pas d'accord de défense en tant que tel mais le dispositif Epervier, datant de 1986. Les forces françaises au Tchad assurent un ensemble de missions conformes à l’accord de coopération bilatérale signé entre la France et le Tchad. L’aide fournie par les moyens français comprend un soutien logistique (ravitaillement, carburant, transport), une aide sanitaire et un appui en renseignement. Paris dispose ainsi de quelque 9 000 militaires à travers l'Afrique et n'exclut pas une diminution à terme de ce chiffre ni la fermeture de bases comme celle de Côte d'Ivoire où Paris agit en liaison avec l'Onu. Mais on souligne de source informée qu'il ne s'agit pas « de plier bagage » et qu'aucun chef d'Etat africain, y compris l'Ivoirien Laurent Gbagbo qui a des relations souvent conflictuelles avec Paris, ne l'ont formellement demandé. Cette même source exclut aussi qu'on dégarnisse Djibouti en faveur de la nouvelle base française d'Abu Dhabi. « Il ne s'agit pas de faire table rase du passé mais de s'adapter. L'Afrique qui elle aussi a changé fait partie de notre politique extérieure. Rien ne se fera sans concertation ». | |||
Marie JOANNIDIS | |||
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