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16/04/2008 | |||
Chronique environnement : Lac Bam, Monde virtuel, Continent de déchets | |||
Menace sur le lac Bam (MFI) Plus grand réservoir naturel du Burkina Faso, le lac Bam – au nord-est du pays – est menacé de disparition à cause de l’ensablement et de l’envasement. En 25 ans, il a perdu le tiers de sa profondeur, et certains estiment qu’il pourrait avoir disparu d’ici vingt ans. Selon Oscar Sawadogo, le président de l’association Zood-Nooma pour le développement : « Il s’agit de la pire catastrophe écologique de mémoire de Burkinabé. Le lac Bam est le poumon économique de la région. Sa disparition serait un drame. » Surnommé Wend-Kuni (le don de Dieu), le lac Bam est souillé chaque année par plus de 100 000 mètres cubes de boue qui se déposent sur le fond. Au banc des accusés : l’exploitation agricole intensive des rives, chaque labour renvoyant des tonnes de terre dans le lac ; la pression démographique ; la destruction du couvert végétal environnant – le kuilkanka en langue moaga – qui jouait un rôle de protecteur naturel du lac en filtrant les résidus et freinant l’érosion. « Nous sommes en partie responsable de ce qui nous arrive », reconnaît un pêcheur de la région. La pratique de l’agriculture de décrue – qui consiste à planter de nouvelles parcelles dans le lit du lac lorsque l’eau se retire à la saison sèche – aggrave le problème. Une digue routière, construite par une mission catholique dans les années quarante, est également en cause. Cette digue est aujourd’hui submergée par l’eau et recouverte de branchages divers ; la vase – autrefois charriée par le courant – s’accumule au pied de la digue, faisant un effet bouchon. Les associations écologistes locales et les autorités municipales se mobilisent pour sauver le lac Bam. Elles mènent notamment des actions de sensibilisation auprès des habitants, mais elles manquent de moyens. Des experts étrangers se penchent aussi sur le problème. Parmi les solutions envisagées : le rehaussement des rives du lac, qui exige un investissement de 100 millions de francs CFA (152 000 euros), ou le récurage annuel du fond, une opération difficile et coûteuse, estimée à près de cinq milliards de francs CFA. Le monde virtuel, vorace en vraie électricité (MFI) Quel est le point commun entre un personnage virtuel du site Second life et un Brésilien ? Tous deux consomment la même quantité d’électricité par an. Internet est peut-être synonyme de monde virtuel, mais il nécessite pour fonctionner des centres de données géants, extrêmement gourmands en énergie. Ce qu’on appelle des fermes informatiques – parfois vastes comme plusieurs terrains de football – alignent des milliers de mètres carrés de câbles et d’ordinateurs aux capacités de calculs phénoménales, afin de stocker et transmettre sans discontinuer des données aux internautes du monde entier. Siegfried Behrendt, chercheur à l’institut allemand IZT, s’est amusé au petit jeu des comparaisons. Télécharger un journal consomme autant d’électricité que faire une lessive. Une recherche sur Google est équivalente à une heure d’utilisation d’une ampoule de 75 watts. La consommation de l’ordinateur de l’internaute n’est pas en cause ; c’est la mise en route des serveurs géants destinés à gérer sa transaction qui est vorace en énergie. Depuis 2000, la consommation électrique des fermes informatiques a doublé. Selon Siegfried Behrendt, « à ce rythme, dans vingt-cinq ans, Internet consommera autant d’énergie à lui seul que toute l’humanité aujourd’hui ». Ce problème est l’un des défis que doit résoudre le secteur des hautes technologies. IBM a mis au point un circuit de refroidissement qui permet de récupérer la chaleur dégagée par les ordinateurs géants. C’est en effet l’un des problèmes, les salles des supercalculateurs devant être climatisées en permanence pour éviter la surchauffe des appareils. Microsoft a installé sa dernière ferme informatique près d’un barrage hydro-électrique afin de réduire son empreinte écologique. Mais pour les spécialistes, la solution passe par des logiciels plus puissants afin que, dans un futur proche, un ordinateur géant suffise là où il en faut cinq aujourd’hui. Un septième continent uniquement composé de déchets (MFI) Si Christophe Colomb prenait aujourd’hui la mer, après avoir découvert l’Amérique, il pourrait accoster sur un nouveau continent que certains dénomment avec ironie « la Grande plaque des déchets du Pacifique ». Situé entre Hawaii et les Etats-Unis, il est composé de millions de tonnes de détritus plastiques charriés par les courants océaniques. Dans cette région, en effet, les courants – tournant dans le sens des aiguilles d’une montre – créent une spirale interminable qui fait tourbillonner les déchets venus des côtes ou largués par les navires, et les fixent au centre de la spirale. On compte six tonnes de détritus pour une tonne seulement de plancton. La profondeur de ces ordures atteint 30 mètres par endroit, sur une superficie de plusieurs dizaines de kilomètres carrés. Le phénomène n’est pas nouveau en réalité ; il remonterait à une dizaine d’années. Mais personne ne s’y était intéressé jusque là car la région se trouve hors des routes de navigation des cargos et n’est pas propice à la pêche. C’est une association écologiste américaine – Algalita Marine Research Foundation – qui a récemment sonné l’alerte en fournissant ces chiffres de superficie et de profondeur, ainsi que celui du volume des déchets plastiques : 3,5 millions de tonnes. Selon l’étude de l’AMRF, la superficie de ce continent de détritus a triplé entre 1997 et aujourd’hui, et il pourrait encore être multiplié par dix d’ici 2030. Les dommages causés à la vie marine seront bientôt irréparables. En effet, le plastique n’est pas biodégradable ; il fixe par contre de nombreuses toxines qui empoisonnent les poissons et la flore sous-marine. Selon l’AMRF, le moyen le plus efficace d’éliminer ce « continent » serait de ramasser les ordures avec des chaluts de pêche. Mais la facture se chiffrerait en centaine de millions de dollars, et personne ne souhaite la payer. | |||
Jean Piel | |||
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