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Cameroun
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Une CAN au goût amer
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Après l'élimination de la CAN, Rigobert Song (à gauche), le capitaine des Lions indomptables, a demandé au public camerounais de regarder vers l'avenir. (Photo AFP)
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Après les deux titres de champions d’Afrique conquis en 2000 et 2002, les Lions visaient la passe de trois en Tunisie. Leur élimination, et la revanche du Nigeria sur le Cameroun, n’en sont du coup que plus symboliques et attristantes. Et tout le pays veut déjà penser à l’avenir.
De notre correspondant à Yaoundé
Une image saisissante et inattendue à maints égards. Dimanche, après le quart de finale perdu contre les Super Eagles, un camion de police est stationné dans le quartier Mvog-ada, qui regorge de buvettes et de débits de boisson populaires, un endroit déjà réputé chaud en temps ordinaires et connu comme l’un des repaires incontestables de la forte colonie nigériane spécialisée dans le commerce des pièces automobiles de rechange. Selon les policiers, il s’agissait d’une mesure de prévention. La même a été prise dans une autre ville, à Ebolowa, dans le sud du pays, un quadrillage policier visant à prévenir tout éventuels incidents.
Ces précautions ont été vaines car il n’y aura pas eu de débordements populaires. Rien, si ce n’est ce silence lourd observé sur toute l’étendue du territoire. Pas de tintamarre de klaxons dans les rues comme les soirs de victoires. Pas de procession de taxis surchargés, transportant des clients hystériques, drapeaux camerounais au vent, à travers les quartiers. On était loin de ce soir de 1984, lorsque les Lions indomptables battaient, en terre ivoirienne, les Super Eagles et remportaient pour la première fois de leur histoire la Coupe d’Afrique des Nations. Loin, très loin même, de ce 13 février 2000, où le pays saluait par cette manière qui lui est propre, une autre victoire du Cameroun sur le Nigeria, sur le sol nigérian. Une victoire acquise lors de l’épreuve des tirs aux buts, synonyme d’un troisième titre de champion d’Afrique pour les Lions indomptables.
Après la défaite de dimanche, Yaoundé, baromètre des passions footballistiques et des pulsations populaires, a, dans un premier temps, donné l’impression d’être plongée dans un profond sommeil, dès le coup de sifflet final de cet autre Cameroun-Nigeria, ponctué par l’élimination des Lions indomptables de cette CAN tunisienne. Puis, petit à petit, la ville a repris vie. Progressivement. Résolument aussi. Mines d’enterrement. Visages déconfits. La déception. Et les citadins de renouer avec un exercice de leur prédilection. Sur cette terre de football dont les quelques 16 millions d’habitants sont autant d’«entraîneurs», étalant dans les taxis, et les buvettes, et les carrefours, leur «science» du jeu.
On y rencontre, les inconsolables, ceux qui accusent, sans retenue, ni nuances, les erreurs du coach allemand Winfried Schäfer, qui aurait dû, selon eux, aligner tel joueur au départ, mettre tel autre à tel poste, ne pas modifier le schéma tactique adopté en début de rencontre. «En fait, c’est l’erreur d’Idris Carlos Kameni, qui est seul responsable du but de Okocha, marqué sur coup franc», dit, péremptoire, l’occupant d’un taxi, qui regrette qu’Alioum Boukar, absent du groupe camerounais en Tunisie, ne se soit pas retrouvé dans les buts à la place de Kameni, dont beaucoup attribuent la «faiblesse» au manque de compétition avec son club du Havre.
Des échéances très proches
On croise aussi des superstitieux. «C’est la faute à Eto’o fils, qui, comme par hasard, choisit de marquer un but le jour où les Camerounais sont éliminés», tranche un commentateur dans une buvette. Il est vrai que le «goleador» des Lions indomptables, prolifique attaquant de Majorque dans le championnat espagnol, a manqué de réussite dans cette Can, ne terminant qu’avec un seul but à son actif en quatre rencontres.
Heureusement, d’autres se montrent plus indulgents avec les Lions et font contre mauvaise fortune bon cœur. L’envoyée spéciale à la CAN de la Cameroun Radio Télévision, la chaîne étatique, en fait partie. Depuis la Tunisie, elle saluait les prestations de l’équipe camerounaise, qui a, selon elle, «assuré le football spectacle», devant un «public acquis aux deux-tiers» aux Super Eagles. Et d’espérer qu’«à l’heure du bilan, chacun saura reconnaître sa faute», avant de lancer : «inutile d’accabler une équipe déjà meurtrie».
Rigobert Song et ses co-équipiers ont déjà pris eux-mêmes la mesure de la déception de leurs supporters. «Nous savons que vous êtes déçus. Nous vous prions d’être fair-play et de regarder vers le futur», ont-ils dit dans un message envoyé aux Camerounais après leur élimination, et relayé par les médias d’Etat. Le futur ? Chacun y va de ses espoirs. Après le repentir, il faut rebâtir, repartir, entend-on ici et là.
Il y a urgence car les lions doivent s’engager, dès le mois de juin, dans les éliminatoires pour la Coupe du monde et de la prochaine CAN. En attendant de voir à quoi ressemblera cette renaissance que beaucoup appellent de leurs vœux, les chroniqueurs ironisent déjà sur le fait que le traditionnel message du président de la République à la jeunesse prononcé chaque 10 février au soir, et qui, ces dernières années, avait accordé une large aux succès des Lions indomptables, risque de subir des modifications.
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Valentin Zinga 09/02/2004
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