|
Bilan
|
Les barons du Sud contestés
|
A l'image de cette lutte entre le Tunisien Hagui et le Sénégalais El Hadji Diouf, le Nord de l'Afrique a réussi à prendre l'ascendant sur le Sud dans cette CAN. (Photo AFP)
|
La Tunisie est championne, le Maroc termine deuxième, le Nigeria troisième et le Mali quatrième. Au Mali, voilà deux ans, les quatre premiers étaient tous des pays du Sud.
De notre envoyé spécial en Tunisie
Que sont devenus le Cameroun et le Sénégal qui s'étaient disputés le titre voilà deux ans à Bamako? Qu'ont-ils montré et démontré en Tunisie, s'arrêtant l'un comme l'autre en quart de finale face respectivement au Nigeria et à la Tunisie? S'interroger sur le comportement de ces deux équipes, c'est probablement s'interroger sur leur avenir. Et il ne semble douillet ni pour les Lions Indomptables, ni pour les Lions de la Teranga, à l'aube des éliminatoires jumelées de la CAN et de la Coupe du monde 2006 qui vont arriver très vite. Et si la CAN 2004 ouvrait la porte à une grande remise en question des valeurs établies depuis dix ans sur le continent?
A bout de souffle
Les grands d'Afrique qui ont dominé le continent ces dernières années ont vacillé. Le Cameroun, le Sénégal et même le Nigeria n'ont plus cette aisance qui avait, à un moment ou à un autre, avait été la leur. Les camarades de Rigobert Song n'ont pas semblé très concernés par le rendez-vous de Tunis. Ils ont pu faire illusion en marquant cinq buts au Zimbabwe, mais dans le même temps, ils en encaissaient trois. Une défense fatiguée, sans jus, un milieu sans tête pensante, une attaque au sein de laquelle Samuel Eto'o a raté beaucoup d'occasions. Un entraîneur qui ne parle ni le français, ni l'anglais et qui refuse obstinément de vivre au Cameroun. Les conquérants n'avaient plus soif de conquête. Pas plus que les Sénégalais, endormis par leurs lauriers de 2002. On les savait malades de l'argent, de l'inflation des ego, d'un complexe de supériorité. Ils se sont éteints sans jamais réveiller la flamme.
Même le Nigeria n'a pas échappé à cette médiocrité, victime encore une fois d'un environnement indigne de l'équipe. Plus inquiétant, s'il y a de bons joueurs au sein du groupe, aucun n'a la trempe d'un Okocha, d'un Oliseh, d'un Amokachie ou d'un Amunike. Et Kanu ne fait plus qu'illusion avec des gestes techniques hors pair, mais dont l'efficacité reste à démontrer. L'Afrique Noire est un peu à bout de souffle. Le Mali, quatrième en Tunisie comme il l'avait été deux ans plus tôt, a à la fois confirmé qu'il faisait partie prenante du sommet de la hiérarchie et infirmé l'ascension qui lui était promise, perdant de sa qualité de jeu après le premier tour: une victoire à l'arraché en quart de finale contre une Guinée qui aurait mérité de gagner ce jour-là, puis une lourde défaite en demi-finale face au Maroc. Frédéric Kanouté a apporté un plus en réalisme devant le but, mais son intégration dans le groupe demande amélioration. Pour la Guinée, restons sur l'idée d'un espoir de renouveau, même s'il est toujours étonnant de voir des joueurs sans club sélectionnés en équipe nationale.
Le retour du Maghreb
On s'était fait à l'idée que le Maghreb était plus concerné par la participation à une Coupe du monde que par une victoire en Coupe d'Afrique. Cette fois les trois voisins termine à la première, deuxième et huitième position, L'Algérie tombant face au Maroc en quart de finale. Si la Tunisie, pays organisateur est un cas à part, le Maroc et l'Algérie ont bénéficié de beaucoup de joueurs ayant une double nationalité, formé dans des clubs français ou européens où ils sont allés chercher une force de caractère que n'ont pas tous leurs camarades nés dans le pays. Les Marocains le disent eux-mêmes, ces jeunes ont bénéficié d'un savoir-faire qui les a, pour une première apparition, menés à un très haut niveau. Et le mouvement a de fortes chances de s'amplifier. S'ils avaient montré quelques lacunes au niveau de leurs équipes de jeunes, les pays du Nord vont désormais bénéficier de l'apport d'une génération de professionnels, façonnés hors du continent. Les résultats pourraient bien s'en voir inversés.
La Tunisie est dans une configuration un peu différente. Sa valeur cette année a résidé dans le groupe, dans le collectif, même si on a découvert de nouveaux talents comme Karim Hagui et Anis Ayari. Avec les Trabelsi et Clayton, les Aigles de Carthage ont de quoi déployer des ailes majestueuses. Reste le cas de l'Egypte, autre pays dit du nord. Son problème est avant tout celui de l'efficacité devant le but. Mido et Belal n'ont pas encore la maîtrise d'un Hossam Hassan. Cela viendra avec l'expérience, enfin on l'espère, car de longue date, le football égyptien est un des mieux organisés, des plus construits sur le terrain, mais son potentiel offensif demeure insuffisant.
Pas de stars, mais plein de petits nouveaux
Mido, cité plus haut, devait illuminer la CAN. Il ne l'a pas fait. El Hadji Diouf pas davantage. On pourrait énumérer tous les joueurs arrivés en Tunisie avec une certaine réputation et qui sont restés un peu en retrait. D'ailleurs le titre de meilleur joueur est revenu à Jay-Jay Okocha qui a fait apprécier sa technique, son toucher de balle, sa vision de jeu, mais par éclipses. A se demander s'il n'a pas été récompensé pour l'ensemble de son oeuvre, pour le millième but de la CAN qu'il a inscrit sur penalty, pour la qualité de ses coups de pied arrêtés.
En réalité, cette CAN a été une édition très jeune, la sélection la plus âgée était celle de l'Afrique du Sud (28 ans de moyenne d'âge). On a découvert plein de jeunes talents en devenir qui ne vont pas tarder à mûrir, à exploser en Europe et faire ainsi les beaux jours de leurs équipes. De Denis Oliech le Kenyan à Karim Hagui le Tunisien, en passant par les Marocains Jawad Zaïri et Marouane Chamakh, Hocine Achiou l'Algérien, les Guinéens Fodé Mansaré, Sambégou Bangoura et Pascal Feindouno, et quelques autres encore. Le festival de CAN a cette année écarté les stars pour retenir des starlettes au profil très intéressant.
L'avenir du football africain paraît riche et prometteur. Il faudra donc que les dirigeants se montrent enfin à la hauteur des bijoux qui émergent. Car la gestion des équipes nationales relève à bien des égards de l'amateurisme pur et simple: choix des entraîneurs, gestion financière de l'équipe, organisation des stages de préparation. Une situation incroyable. Et quand l'équipe échoue, ils s'empressent d'accuser les joueurs et leur entraîneur d'avoir "trahi la nation". Drôle de comportement.
De féroces batailles en vue
Avant de parler de demain, un mot pour souligner la remarquable qualité des pelouses mises à la disposition des joueurs en Tunisie. Un bon outil est indispensable à l'ouvrier qui veut réaliser un bon travail. Jamais la CAN ne s'était jouée sur un aussi bon gazon. Un mot également de la réalisation télévisée, entièrement tunisienne. Encore une grande première. Et maintenant un mot de l'avenir qui arrive très vite: les éliminatoires de la prochaine CAN et de la Coupe du monde. Certains groupes seront impitoyables. Des têtes de série risquent de tomber. Sur ce qu'on a vu en Tunisie, les élus de 2002 risquent de connaître des déconvenues, d'autant que la bataille pour la CAN dans ces groupes à six équipes vont renforcer la volonté de chacun d'être présent à chaque match. Le Bénin, dans un groupe impossible, avec le Cameroun, l'Egypte, la Côte d'Ivoire, plus la Libye et le Soudan, aura très certainement à coeur de revenir à la CAN maintenant qu'il y a connu son baptême du feu. Seigneurs Lions, Aigles et festoyeurs de toute sorte vous voilà prévenus.
|
Gérard Dreyfus 15/02/2004
|
|
|
|
|