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Russie-Etats-Unis

Bush-Poutine : les partenaires

En visite officielle de trois jours aux Etats-Unis Vladimir Poutine poursuit ses entretiens avec George W. Bush. L'ancien colonel du KGB le fils de l'ancien chef de la CIA, dont c'est la quatrième rencontre, ont mis cartes sur table. Avec une volonté bien affirmée : en découdre, une fois pour toutes, avec la guerre froide et imaginer de nouvelles relations dans un XXIe siècle bien incertain.
Dès mardi, les deux hommes ont tenté de redéfinir les bases des relations stratégiques entre leurs deux pays pour les adapter, enfin, à l'ère de l'après-guerre froide, et sur fond de guerre en Afghanistan, de renforcer leur alliance dans la lutte contre le terrorisme international. D'emblée, le président Poutine a répété que le terrorisme menaçait «tout le système de stabilité stratégique». Et d'ajouter «Notre ennemi commun n'a ni nationalité, ni religion, ni civilisation». Déjà, il y a quelques jours, il avait affirmé que Moscou avait depuis longtemps décidé de se rapprocher de l'Occident, mais que les attentats du 11 novembre contre l'Amérique l'avaient convaincu que la Russie, «non seulement pouvait mais devait devenir un allié stratégique de toute la communauté civilisée, y compris les Etats-Unis».

L'homme fort du Kremlin avait aussitôt condamné ces attentats qui avaient frappé de plein fouet l'Amérique, et, fait important dans l'histoire entre les deux Grands : aux premiers jours des frappes américaines en Afghanistan, le 7 octobre, deux anciennes Républiques soviétiques, l'Ouzbékistan, puis le Tadjikistan, avaient mis à la disposition de l'Amérique de Bush leurs bases militaires et leur espace aérien. Paradoxalement, le dossier afghan va servir de premier test de grandeur nature entre les deux ennemis d'hier. Alliés comme jamais pour combattre le terrorisme, d'accord pour évoquer à l'unisson les nouvelles «menaces», la principale question est de savoir si Poutine et Bush vont définir d'une même voix l'après-Taliban. Ce serait alors le point de départ d'une nouvelle relation.

Moscou et Washington s'engagent à réduire leur arsenal nucléaire

Mais si Moscou et Washington veulent en découdre, une fois pour toutes, avec la guerre froide, il faut revoir de fond en comble à tout ce qui a trait à l'armement et au nucléaire. Un dossier crucial que les deux hommes ont également abordé au cours de leur premier entretien d'hier. On a promis de réduire le nombre de têtes nucléaires possédées par les deux pays. La Russie, qui n'a plus les moyens d'avoir un arsenal comme au temps de la guerre froide, propose de limiter le nombre d'ogives nucléaires à longue portée à 2 000 au maximum par pays, au lieu d'environ 6 000 actuellement de part et d'autre. Côté américain, on envisagerait une fourchette comprise entre 1 750 à 2 250 ogives chacun. Rappelons que les Etats-Unis possèdent plus de 10 000 armes nucléaires, alors que la Russie en compterait le double, ainsi que 900 tonnes de matière nucléaire à usage militaire, que les deux chefs d'Etat veulent maintenir à l'abri de manière à ce que des terroristes et des pays hostiles ne puissent s'en emparer.

Reste un problème qui divise les deux hommes : le projet de bouclier antimissile (NMD) cher au président Bush, destiné à protéger les Etats-Unis d'une éventuelle attaque venant d'«Etats-voyous», comme la Corée du Nord, l'Irak, la Chine ou autres. Même si Vladimir Poutine ne veut pas en entendre parler de peur de voir resurgir les vieilles peurs du passé, le projet est toujours dans les cartons, et, de part et d'autre, on est à la recherche d'un compromis.

Une question de taille : quel sera le coût pour la Russie de son rapprochement avec l'Ouest ? Visiblement, Poutine n'entend pas être le Gorbatchev du XXIe siècle. En échange du retrait des troupes soviétiques des pays de l'Est, le dernier président de l'URSS avait reçu la promesse qu'en récompense de sa bonne volonté, l'OTAN ne serait pas élargie. La promesse fut brisée et Poutine en a tiré la leçon : plutôt que de s'enfermer dans la logique des blocs, autant se joindre au camp occidental pour mieux y défendre ses intérêts. Poutine ne peut se permettre d'échec : la guerre en Tchétchénie n'est pas terminée, et ne peut s'arrêter qu'au prix de la perte de ce territoire, ce qui pour Poutine serait, effectivement, un gros échec. Dans ces conditions, de quoi pourrait-il se prévaloir ? Un hausse de vie peut-être, mais l'économie de l'URSS est très dépendante des prix du pétrole et le pays fait face à d'importantes échéances pour rembourser sa dette. La fuite des capitaux se poursuit, et c'est sur cette toile de fond que Poutine a besoin d'investissements et de nouveaux crédits.

La seule source d'argent est en Occident. Les Chinois n'offrent pas d'argent. Et nul doute que le prix de ce rapprochement de Moscou avec l'Ouest sera très élevé. Et de nombreux projets pourraient être repoussés, comme, par exemple, un nouvel élargissement de l'OTAN aux pays de l'Est.



par Pierre  DELMAS

Article publié le 14/11/2001