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Raoul Follereau

Une brise de réforme

Mis en cause par un rapport officiel pour «dysfonctionnements», Michel Récipon, président de l’Association Française Raoul Follereau a présenté jeudi un projet de réforme de la galaxie Follereau. Des structures plus simples, un contrôle interne des dépenses mais, toujours les mêmes dirigeants.
Au début, ses mains tremblent. Après trois heures de questions, il dira en soufflant que c’était sa «première conférence de presse». Michel Récipon veut tenir la barre de l’Empire Follereau. Pour cela, il a choisi, avec un cabinet de communication spécialisé dans la gestion de crise, de mettre à l’écart son père. André Récipon ne pourra donc pas répondre aux conclusions de l’Igas: «Le fonctionnement statutaire ne permet pas un véritable contrôle sur les orientations, concentrées pour toutes les structures sur essentiellement deux personnes, le président de la Fédération groupe Raoul Follereau et son fils.»
C’est donc avec Jehan-Michel Rondot, directeur des programmes (auparavant il fut responsable financier de l’Eglise malienne, détaché auprès de l’archevêché de Bamako, un poste financé pendant quatre ans par Raoul Follereau) que Michel Récipon présente son plan de contre-attaque. D’abord, un leitmotiv : le rapport de l’Igas ne mentionne «aucun détournement de fonds, aucun enrichissement personnel». Il souligne des «dysfonctionnements de l’organisation et un manque de rigueur dans l’affectation de certaines dépenses». Ainsi, poursuit M. Rondot, le «financement des programmes de lutte contre la lèpre, c’est 35 millions de francs». Un chiffre à rapprocher des recettes du groupe Follereau, environ 100 millions de francs (15 millions d’euros) ou des recettes de la seule Association française Raoul Follereau, 60 millions de francs.

L’annonce d’une réforme

Pour ce qui est de l’aide aux églises catholiques et aux congrégations religieuses, elle est «intégrée à nos programmes de développements» et fait l’objet d’un appel spécifique aux donateurs. Un appel qui rapporterait 13 millions de francs par an. Problème : en 2000, sur sept parutions du bulletin Lèpre, un seul mentionne cet appel spécifique aux donateurs.

Michel Récipon a parfois de drôles de réponses. Ainsi, lorsqu’il avance que les recommandations de l'Igas ne mentionnent pas «d’enrichissement personnel», il faut considérer l’aide fournie à tous les amis de la famille Récipon. A Beyrouth, Raoul Follereau-Liban a financé la rénovation d’un appartement propriété du rédacteur en chef d’un journal important. Pourquoi? «Parce que cet homme nous l’avait demandé», répond simplement Michel Récipon, en avançant le chiffre de 20 000 francs pour cette opération. Les donateurs apprécieront.

Mais l’Afrique a, pour une fois, été beaucoup mieux lotie. Au Niger, le complexe de Say (une ferme et un centre médical) aura été financé à hauteur de 640 millions de francs CFA (975 000 euros). Ce complexe, appartenant au docteur Alfa Cissé, aurait fait l’objet de deux financements. D’abord un prêt de 240 millions de francs CFA pour construire une ferme et y cultiver du riz ensuite régulièrement acheté par Raoul Follereau. Ce prêt aurait été remboursé «au trois cinquièmes, lorsque la dévaluation du CFA a interrompu les remboursements», précise Michel Récipon. L’autre volet, c’est celui du Centre médical André Récipon : plusieurs bâtiments, un bloc opératoire, une vingtaine de lits et des climatiseurs. Là, l’AFRF a donné 400 millions de francs CFA à l’Association Niger Santé et Développement, présidée par le docteur Alfa Cissé. Le hic, c’est que ce centre médical n’a jamais vraiment fonctionné. «Il a été décidé de faire un recouvrement de coût (comprenez faire payer les soins) et puis il y a des problèmes de personnel. Ce centre n’est pas une réussite», ajoute Michel Récipon.

Mais c’est sur l’affaire de la Côte d’Ivoire que l’on parvient au cœur du royaume d’Ubu. Michel Récipon confirme toutes nos informations, y compris sur le protocole d’accord signé à l’été 2000 avec Charles Matthieu, le délégué de l’AFRF à Abidjan. «Il y a bien eu une mauvaise gestion et un manque de transparence dans la tenue des comptes, dit le président, mais aucune preuve de détournements». Donc le délégué mis à pied, licencié et cantonné à un rôle de représentant rémunéré 8000 francs français mensuel, a été réintégré au printemps 2001. «Il fallait lui laisser une deuxième chance», ajoute charitablement Michel Récipon. Enfin, le sens moral de Raoul Follereau a dû se retourner lorsqu’est justifiée la diffusion en Afrique du livre Sida, le vaccin de la vérité, de Thierry Montfort (un ouvrage aux forts accents intégristes qui met en garde la jeunesse contre l’efficacité du port du préservatif et présente l’homosexualité comme une pratique «contre-nature»). Sans ciller, le directeur des programmes explique que l’ouvrage a été acheté à 2000 exemplaires, sur l’aide aux églises. «C’est à la demande d’un évêché que nous avons fait cet envoi», lance Jehan-Michel Rondot. Après avoir consulté la commission médicale ? «Non».

La «réforme» de Raoul Follereau pourrait donc soulever quelques protestations, à commencer par tous les bénévoles choqués par les propos révisionnistes d’André Récipon. Certains demandent la convocation d’une assemblée générale extraordinaire. «Nous la ferons», finit par dire Michel Récipon. En attendant, les présidents de région diront samedi ce qu’ils pensent de la réforme et de la nouvelle «gouvernance» que la direction de Raoul Follereau semble désormais hâtive d’adopter. Et dans quelques jours, le Comité de la Charte dira s’il renouvelle son agrément à une association dont l’esprit n’est plus tout à fait celui de la loi de 1901. C’était aussi l’une des remarques de l’Igas.



par David  Servenay

Article publié le 31/01/2002