Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

France

Polémique autour du passage à tabac de trois policiers

L'agression très violente par une bande de jeunes dont ont été victimes trois policiers qui patrouillaient à vélo dans une cité de Pantin, près de Paris, le 24 juillet, a été unanimement condamnée. Cette affaire met néanmoins, une nouvelle fois, l'insécurité et les moyens pour l'endiguer au cœur du débat politico-social en France.
La cité des Pommiers à Pantin n’a pas si mauvaise réputation que cela. Tous les témoignages s’accordent à dire qu’il ne s’agit pas d’une de ces zones de non-droit total où les policiers ne peuvent plus circuler et où la délinquance est le lot quotidien des habitants. Et pourtant, c’est là qu’une patrouille de trois policiers à vélo a été prise à partie et molestée par une dizaine de jeunes, mercredi après-midi.

Victimes d’un passage à tabac en règle, les trois gardiens de la paix, parmi lesquels figurait une jeune femme, ont été laissés sur le carreau inconscients après avoir été frappés à coup de poings et de matraques. L’agression a été particulièrement violente. Les policiers ont dû être hospitalisés. L’un d’entre eux, âgé de 28 ans, a pu rentrer chez lui le soir-même. Mais les deux autres ont été plus gravement touchés. Le deuxième jeune homme, un adjoint de sécurité qui est resté évanoui pendant une demi-heure, a fait l’objet d’examens plus poussés pour vérifier qu’il n’y avait pas de séquelles. Il est aujourd’hui, lui aussi, sorti de l’hôpital. Reste la jeune femme. C’est elle qui a été la plus touchée. Frappée violemment au visage, elle souffre de multiples hématomes, lésions et fractures à la mâchoire et au nez qui la défigurent. Quatorze de ses dents sont aussi déchaussées mais «devraient pouvoir être sauvées». Elle a été transportée dans un service de chirurgie plastique et a déjà subi deux interventions.

La jeune femme est défigurée

La police a réagi immédiatement. Des descentes ont été organisées dans la cité pour traquer les agresseurs. Plusieurs interpellations ont eu lieu. Six jeunes gens âgés de 15 à 22 ans, dont celui chez lequel a été retrouvée la matraque de la policière tabassée, ont été entendus et mis en garde à vue dans les locaux de la sûreté générale chargée de l’enquête. Il sont tous connus des services de police pour des faits de violence, vols, dégradations.

S’ils ont pour la plupart reconnu avoir été présents sur les lieux au moment des faits, aucun des jeunes en garde à vue n’a reconnu avoir frappé les policiers à coup de matraque. Vendredi, le parquet de Bobigny a ouvert une information judiciaire contre cinq d’entre eux. Trois jeunes sont accusés de «violence ayant entraîné la mutilation ou l’infirmité d’un fonctionnaire de police», un autre de «recel», et le dernier de non assistance à personne en danger.

Nicolas Sarkozy, le ministre de l’Intérieur, a dénoncé «la lâcheté et la sauvagerie des voyous» et a indiqué que lui-même et le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, suivaient ce dossier «d’extrêmement près». Cette affaire vient mettre de l’huile sur le feu dans un contexte où les moyens mis en œuvre pour lutter contre l’insécurité font l’objet de nombreux débats. La récente présentation des projets de loi sur la sécurité et la justice a donné lieu à des critiques, notamment concernant les mesures destinées à juguler la délinquance chez les mineurs, qui a fait l’objet d’une forte augmentation ces dernières années en France. Avant cela, l’une des premières mesures prises par Nicolas Sarkozy à son arrivée au ministère de l’Intérieur avait été de mettre en place les groupes d’intervention régionaux (GIR) au sein desquels sont regroupés policiers, gendarmes, douaniers, fonctionnaires des impôts pour combattre plus efficacement la délinquance dans les banlieues. Ces groupes ont rapidement mené des actions musclées et spectaculaires dans les quartiers difficiles qui ont parfois été décriées.

Dans ce contexte, la CGT-Police a posé la question de savoir si «les opérations musclées des GIR et leurs démonstration de force» étaient à l’origine d’une «montée de la tension chez des jeunes qui se sentent aujourd’hui la cible injustifiée des pouvoirs publics» et si l’administration policière avait «bien mesuré la difficulté des tâches à accomplir dans certaines zones pour y envoyer la police de proximité établir des contrôles avec peu de moyens» ?

Certains témoignages recueillis auprès des habitants de la cité des Pommiers ont, en effet, mis en évidence que le climat était plus tendu ces derniers jours et que la multiplication récente des contrôles exaspérait certains jeunes. Il semble que l’agression ait fait suite à un contrôle d’identité sur un mineur de 15 ans qui fumait haschich qui aurait dégénéré. Pour les forces de l’ordre, les policiers ont été victimes d’un «traquenard» et se sont fait tabasser avec des battes de base-ball. Pour les jeunes de la cité, c’est la rudesse avec laquelle les gardiens de la paix ont traité le jeune qui a provoqué l’intervention de la bande et le dérapage. Une habitante du quartier a enregistré une cassette de la scène avec son caméscope qui aurait pu permettre de trancher entre les deux versions. Mais la police, qui examiné la bande, a annoncé qu’elle était «vierge» donc inexploitable.



par Valérie  Gas

Article publié le 26/07/2002