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Mali

Festival nomade, entre traditions et mutations

Les peuples nomades du Sahel se retrouvent durant quatre jours, du 26 au 29 janvier, à Andérambukane dans le nord du Mali, à la frontière avec le Niger, pour une grande fête, le Tamadacht. On y fera revivre les traditions séculaires de ces peuples de pasteurs, mais où l’on évoquera aussi le sort actuel de populations nomades en pleine mutation, confrontées à des réalités économiques et sociales souvent difficiles.
De notre envoyée spéciale au Mali

Depuis la nuit des temps, les éleveurs sahéliens ont pris l’habitude de se retrouver une fois l’an pour le Tamadacht, le concours en langue tamacheq. A l’origine, les touaregs, peuples d’éleveurs, aimaient à comparer leurs plus belles bêtes, chameaux, moutons, chevaux, etc. Ils n’hésitaient pas non plus à se présenter eux-mêmes dans leurs plus beaux atours, avec leurs plus belles parures, leurs armes, les takoubas (sabres traditionnels), celles des légendaires «hommes bleus» sans oublier les femmes, qui rivalisaient de secrets de beauté, de coiffures derrière leurs voiles indigos.

Depuis trois ans, la commune d’Andérambukane fait revivre cette tradition. Durant quatre jours, les communautés touaregs, peuls-bororos, arabes, djermas de tout le nord du Mali mais aussi du Niger et du sud de l’Algérie se réunissent vers la fin du mois de janvier. On assiste alors à de véritables retrouvailles de ces peuples qui ont en commun le nomadisme et l’élevage. Mais ont parfois de façon séculaire ou plus récentes des difficultés à cohabiter pacifiquement. «C’est l’occasion de recoudre les liens entre tous, d’aplanir les différends et de partager les mêmes réalités», explique Aroudéni Ag Hamatou, le président du festival, maire de la commune d’Andérambukane.

Entouré d’une petite équipe d’organisation efficace et enthousiaste, il arrive chaque année à déjouer tous les pièges de l’organisation d’un festival qui, dans cette région, pauvre et déserte, sans téléphone, loin de tout (on est à 400 km de Gao, et 1 700 km de Bamako) ressemble à une véritable gageure. Mais l’enjeu est grand. Car au-delà de la fête, de l’échange de musiques et de traditions, le festival est aussi un lieu de discussion et de partage.

Que vont devenir leurs enfants ?

Durant ces quatre jours, les participants vont débattre, sur leurs conditions d’existence: quel avenir pour des sociétés pastorales confrontées ces dernières décennies à la rébellion, aux sécheresses récurrentes, à l’insécurité résiduelle et à la paupérisation ? Que vont devenir leurs enfants, jusque-là peu scolarisés, confrontés à la réalité du monde moderne, à l’appel des sirènes de la ville, ou bien à celles de prédicateurs religieux qui prônent une foi, bien éloignée de la tolérance et de l’ouverture traditionnelles dans l’islam berbère ?

On va donc beaucoup débattre à Andérambukane, dans des ambiances parfois passionnées. On va aussi profiter de l’occasion pour résoudre des différends inter-communautaires en faisant appel à la sagesse des chefs de fractions et de cantons, sous l’œil attentif des autorités administratives locales qui ont bien compris toute l’importance d’un tel rendez-vous annuel.

Mais le festival Tamadacht n’en reste pas moins un moment de fête, où l’on va retrouver l’esprit originel de l’âme nomade dans sa fierté, et son hospitalité vis-à-vis de ses hôtes. Certaines agences touristiques ont inclus le festival dans leur programme et plusieurs dizaines de vacanciers sont attendus pour l’occasion dans l’Azawakh.

A écouter :
Reportage de Christine Muratet à Andérambukane (26/01/204).



par Christine  Muratet

Article publié le 26/01/2004