Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

XVème conférence internationale sur le Sida

Priorité à l’accès aux soins pour tous

Le dépistage systématique est l’une des conditions <EM>sine qua non </EM>de l’efficacité de la lutte contre le sida. 

		photo : AFP
Le dépistage systématique est l’une des conditions sine qua non de l’efficacité de la lutte contre le sida.
photo : AFP
Dans les pays du Nord, les antirétroviraux ont permis d’allonger l’espérance de vie des patients et d’améliorer leurs conditions d’existence. C’est pour cette raison que l’un des principaux enjeux de la lutte contre le virus est aujourd’hui de permettre leur diffusion auprès des malades des pays du Sud. Les organisateurs de la conférence de Bangkok ont donc décidé de placer cette rencontre sous le thème de «l’accès aux soins pour tous».

On ne guérit pas du sida. Mais on peut y survivre. Si tant est que l’on dispose des traitements efficaces mis au point par la recherche médicale dans la dernière décennie, ce qui est loin d’être le cas pour plus de 90 % des malades du sida dans le monde qui n’ont toujours pas accès aux soins. Dans les pays du Sud, seuls 400 000 d’entre eux, dont 140 000 au Brésil, bénéficient d’un accès aux antirétroviraux (ARV), alors qu’ils sont 6 millions a en avoir besoin de toute urgence. En Afrique subsaharienne où 25 millions de personnes vivent avec le VIH, 2 % des malades reçoivent un traitement antirétroviral. Dans ce contexte, le thème de «l’accès aux soins pour tous» pour la conférence de Bangkok était incontournable.

Certes, il s’agit d’un appel à la mobilisation plus que d’un objectif que l’on sait pouvoir atteindre rapidement. Comme dans le cas de l’initiative «3X5» lancée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour donner accès aux ARV à trois millions de malades d’ici 2005, l’ambition est avant tout, comme l’explique Michel Kazatchkine, le directeur de l’Agence française de recherche sur le sida (ANRS), de «catalyser l’ensemble des efforts pour faciliter l’accès aux traitements». Car face à une pandémie qui progresse inexorablement sur tous les continents, il est impensable de rester dans une configuration, bien souvent décrite ces dernières années, où les médicaments sont au Nord et les malades au Sud.

Il est néanmoins incontestable que la situation a beaucoup évolué depuis deux ans, notamment grâce à la concurrence entre les médicaments antisida génériques, fabriqués au Brésil et en Inde, et les spécialités des laboratoires, mais aussi à cause de la dénonciation de la stratégie des firmes pharmaceutiques visant à protéger les brevets à tout prix, quitte à mettre en cause le droit à la santé des malades. Cette pression a permis de faire baisser les prix des ARV. Un traitement antirétroviral coûte aujourd’hui environ 300 dollars par patient et par an, alors qu’en 2000 il était encore proposé à plus de 10 000 dollars.

Maintenir la concurrence des génériques

Cette amélioration n’a pourtant pas permis de renverser la tendance ou même d’améliorer de manière sensible la diffusion des antirétroviraux. Pour les laboratoires, cela s’explique par le fait que le prix n’est pas le seul élément à entrer en jeu. D’autant qu’entre le tarif du fabricant et le prix de vente, il y a souvent une différence importante. Les entreprises du médicament (LEEM) estiment donc que le principal obstacle à l’accès aux traitements vient des «variables du développement local». A savoir : infrastructures, systèmes de distribution, compétences, comportements sanitaires.

Il est indéniable que le fait de proposer un traitement antirétroviral à bas prix n’est pas suffisant. Il faut aussi réunir les conditions nécessaires à sa prescription et son suivi. De nombreuses analyses doivent, en effet, être réalisées avant de prescrire des antirétroviraux, notamment pour mesurer la charge virale du patient. Ces tests nécessitent un équipement de laboratoire, qui n’est pas toujours disponible dans les pays en développement, surtout en zone rurale, et coûtent cher. Souvent trop cher par rapport aux revenus du malade. Le risque d’effets secondaires est aussi très important et rend indispensable un suivi médical du patient pour s’assurer notamment que son alimentation est adaptée. Des résistances au traitement peuvent encore apparaître et nécessiter des adaptations thérapeutiques. Pour toutes ces raisons, la généralisation de l’accès aux ARV passe aussi par une amélioration des systèmes de santé.

Pour autant et même s’ils approuvent dans les grandes lignes cette analyse, les spécialistes du sida estiment qu’on ne pourra se satisfaire dans l’avenir d’une gestion du marché des médicaments en fonction des seuls prix différenciés consentis par les laboratoires qui proposent, dans les pays du Sud, des molécules 80 à 90 % moins chères que dans ceux du Nord. Michel Kazatchkine s’inquiète ainsi de la possibilité de voir disparaître la concurrence entre les fabricants de génériques et les laboratoires après avril 2005. A cette date, en effet, les deux pays dans lesquels s’est développée l’industrie du générique, le Brésil et l’Inde, vont devoir respecter le régime de la propriété intellectuelle et des brevets défini dans les accords Adpic (Trips) conclus à l’OMC et ne pourront plus copier les nouvelles molécules arrivant sur le marché.

Qui plus est, la renégociation de ces accords depuis la conférence de Doha, en 2001, n’a pas encore abouti à une clarification des conditions dans lesquelles les pays en situation d’urgence sanitaire pourront passer outre les brevets et importer des médicaments génériques lorsqu’ils n’auront pas la possibilité de les fabriquer eux-mêmes. Avec un corollaire : la possibilité pour les pays fabricants d’exporter leurs molécules à bas prix.

Il y a d’autre part une nouvelle bataille à engager sur le front des prix : faire baisser les tarifs des tests diagnostics. Car le dépistage systématique est l’une des conditions sine qua non de l’efficacité de la lutte contre le sida, de la même manière que le préservatif est l’arme incontournable de la prévention. Il ne faut pas oublier non plus le caractère indispensable de la diffusion des médicaments à dosage pédiatrique qui ne sont quasiment pas disponibles au Sud ou encore des traitements pour lutter contre les maladies opportunistes.



par Valérie  Gas

Article publié le 11/07/2004 Dernière mise à jour le 11/07/2004 à 09:27 TU