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Soudan

Ndjamena et Khartoum se font de nouvelles promesses

Le chef de l’Etat tchadien est désormais partie prenante d’un conflit régional.

 

		Carte : RFI
Le chef de l’Etat tchadien est désormais partie prenante d’un conflit régional.
Carte : RFI
Les présidents soudanais, Omar Al-Béchir, et tchadien, Idriss Deby, se sont vus par deux fois le 9 juillet, à Geneina, la métropole du Darfour occidental. Nul ne sait si, pendant leur tête-à-tête de samedi matin, les deux chefs d’Etat ont discuté de leurs responsabilités respectives dans les groupes armés qui s’affrontent dans le Darfour au prix d’un désastre humanitaire en forme d’épuration ethnique. Nul n’ignore en revanche que les milices arabes janjawid sont une créature de Khartoum tandis que les rebelles soudanais trouvent appui du côté tchadien de leur famille ethnique, celle du président Déby. Menacé de sanctions internationales, Khartoum retient l’idée, vieille de plusieurs mois, d’une «force commune» pour verrouiller sa frontière avec le Tchad.

«Nous nous efforcerons de rendre sûre la frontière entre les deux nations en coordination avec les dirigeants tribaux locaux ainsi qu'avec les parlementaires des deux parties», assure laconiquement le président Al-Béchir, sans vraiment se prononcer très explicitement sur la création des «patrouilles mixtes» évoquées par la radio nationale tchadienne, qui annonce la création d’une commission militaire mixte. Celle-ci est envisagée dans la perspective plutôt lointaine du déploiement de la «force commune» qui avait déjà été programmé par l'accord de cessez-le-feu inter soudanais mort-né en avril dernier.

Le sommet au Darfour de samedi succède à une première entrevue, jeudi dernier, à Addis-Abeba dans le cadre de l’Union africaine. Entre temps, le Soudanais Al-Béchir et le Tchadien Déby avaient chargé leurs ministres de la Défense de plancher sur le déploiement d’une force mixte d’un millier de soldats soudanais et tchadiens, à la frontière entre les deux pays. Comme le souligne Ndjamena, la condition sine qua non de cette hypothétique démonstration de force commune reste toutefois le désarmement des milices arabes janjawid, promis depuis des semaines par Khartoum dans les instances internationales ou panafricaines, mais surtout à Washington qui hausse de plus en plus le ton.

Le Tchad désormais partie-prenante du conflit

Peu après l’émergence dans le Darfour, en février 2003, des deux mouvements de lutte armée hostile au pouvoir soudanais, le Mouvement de libération du Soudan (MLS) et le Mouvement pour la justice et l'égalité (MJE), Idriss Déby s’était offert comme médiateur, se félicitant, le 8 avril dernier, de la signature à Ndjamena d'un accord de cessation des hostilités resté lettre morte, les belligérants s’accusant mutuellement de le violer. Outre des turbulence nationales au Tchad, où Idriss Déby se trouve pris entre l’enclume de ses affinités ethniques au Darfour et le marteau diplomatique international, des batailles rangées opposent désormais rebelles soudanais et janjawid en territoire tchadien. Fin connaisseur des arcanes politico-militaires du Darfour – son ancienne base arrière au temps de la lutte armée qui l’a conduit au pouvoir –, le chef de l’Etat tchadien est désormais partie prenante d’un conflit désormais régional.

Le 5 mai dernier, Khartoum et Ndjamena s’était affronté dans un sévère accrochage verbal, à la suite de l’attaque d’une localité tchadienne imputée à des janjawid. L’incident s’est reproduit le 17 juin. Au total, selon Ndjamena, quelque 300 Tchadiens et des milliers de têtes de bétail auraient perdu la vie dans ces attaques. Aujourd’hui, l’heure est au déploiement d’une «force commune» à la frontière entre les deux pays, non seulement pour contribuer à un hypothétique retour de la sécurité dans la zone, mais aussi en gage mutuel de bonne foi. Reste que jusqu’à présent la parole soudanaise n’a pas été suivie d’actes visibles ce qui autorise Ndjamena à endosser le beau rôle avec, à l’appui, les sommations internationales réitérées à l’encontre du régime Al-Béchir. De concert avec le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, le secrétaire d'Etat américain Colin Powell, le Premier ministre britannique Tony Blair et le chef de la diplomatie allemande, Joschka Fischer, en visite au Soudan ce dimanche, continuent en effet jour après jour à brandir la menace de sanctions contre Khartoum pris en défaut dans ses engagements à désarmer les janjawid, de faciliter la circulation de l’aide humanitaire et de faire un tour de table politique avec ses rebelles.

Le président Al-Béchir persiste pour sa part à temporiser en se déclarant prêt à procéder au désarmement des milices arabes, sous la supervision des soixante observateurs militaires de l’Union africaine eux-mêmes placés sous la protection de 270 soldats dépêchés la semaine dernière au Darfour par l’institution panafricaine. De son côté, la principale rébellion du Darfour soudanais, le MLS se rappelle au bon souvenir international, déclarant que «nous respectons la communauté internationale pour son attention envers la crise humanitaire au Darfour. Mais nous lui demandons aussi, gentiment mais fermement, d'inclure la situation politique». Pour autant, pour le moment, le MLS n'a «pas encore pris de décision» sur son éventuelle participation aux négociations politiques prévues le 15 juillet à Addis-Abeba par l’Union africaine. Quant au MJE, il décline l’invitation en reprochant à l’UA de ne pas l’avoir associé au calendrier.



par Monique  Mas

Article publié le 11/07/2004 Dernière mise à jour le 11/07/2004 à 14:32 TU