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Mexique

Le retour du PRI

Le candidat Ulises Ruiz 

		(© www.pri.org.mx )
Le candidat Ulises Ruiz
(© www.pri.org.mx )
Trois États du Mexique se sont rendus aux urnes pour élire, gouverneurs, maires et députés. Dans les États de Basse Californie et du Oaxaca, l’un situé au nord, l’autre au sud, le PRI, le parti de l’ancien régime, démontre qu’il est encore capable de mobiliser et qu’il pourrait bien récupérer la présidence aux élections de 2006.

De notre correspondant à Mexico 

Le ministre mexicain de l’Intérieur, Santiago Creel, a déclaré dimanche soir que les élections dans ces trois États ont été exemplaires dans la mesure où il n’y a pas eu d’incidents majeurs. Le PAN, le parti de Vicente Fox (droite conservatrice) l’emporte largement (57 %) dans le petit État industriel et agricole d’Aguascalientes où il était déjà fortement implanté. Dans les deux autres États , il faudra sans doute attendre le verdict des tribunaux dans les jours qui viennent pour confirmer les victoires tant les résultats sont serrés. Chaque candidat, chiffres en mains, démontre qu’il a gagné, le perdant accusant l’adversaire d’avoir manipulé l’élection et le dépouillement. Le PRI emporterait l’État de Oaxaca avec 47,2 % des voix (contre 44,7) et la mairie de Tijuana, avec 47,5% (contre 45 %).

Mais si ces élections ont été suivies avec attention par les Mexicains et la presse internationale très présente à Oaxaca, c’est surtout pour voir si le Parti Révolutionnaire Institutionnel, (PRI) chassé du gouvernement par Vicente Fox en 2000 après 71 ans de pouvoir ininterrompu, peut effectivement faire un retour aux présidentielles de 2006.  Le candidat Ulises Ruiz, l’homme de Roberto Madrazo, le président du PRI, affrontait Gabino Cue, le représentant d’une curieuse coalition formée par le PRD (gauche) et la droite conservatrice (PAN) qui, sur l’échiquier national, se haïssent. Il faut également signaler dans cette alliance contre-nature que Gabino Cue est un « priiste » dissident qui a été maire de Oaxaca, la capitale de l’État. Une confusion absolue pour un électeur qui chercherait à voter pour un programme ; une démonstration qu’il s’agit avant tout de mettre fin à l’hégémonie du PRI dans l'État de Oaxaca.  Les résultats sont donc très serrés mais d’ores et déjà pour les analystes, le  PRI , comme on l’a vu depuis un an dans les élections intermédiaires, récupère peu à peu le terrain perdu et pourrait l’emporter aux  présidentielles de 2006.

Affiner une stratégie

La manière dont se sont déroulées ces élections est également très importante. En effet,  depuis quatre ans, le gouvernement de Vicente Fox s’efforce de rendre le pays plus démocratique. Ces élections, dans l’un des bastions du PRI, est une manière de vérifier que les multiples réformes des lois électorales pouvaient permettre un bon déroulement du scrutin. Les résultats ne sont pas probants puisque le PRI n’a pas hésité à mener son élection à l’ancienne, c’est-à-dire en utilisant , comme dans le passé, le clientélisme et l’intimidation, en profitant largement des ressources de l’État, en manipulant le dépouillement électronique. L’État de Oaxaca est l’un des plus pauvres du Mexique. C’est une région de caciques. Sur 570 municipalités, 418 sont régies par les us et coutumes indigènes. Leurs habitants vivant avec moins de 1 euro par jour, les caciques du PRI ont pu une nouvelle fois les contraindre à voter pour leur candidat d’autant que les élections se font à mains levées.  En vérifiant qu’une telle stratégie fonctionne encore, malgré les réformes, le PRI peut mesurer jusqu’où l’adversaire se laisse faire et ainsi affiner sa stratégie pour les 7 prochaines élections qui se dérouleront d’ici 2006.

Cette latitude du PRI à faire comme il l’entend démontre que le gouvernement de Vicente Fox et son parti, le PAN n’ont pas changé la société. Les ambitieuses promesses comme celle de créer un million d’emplois par an pour combattre la pauvreté n’ont pas été tenues.  Les vieilles structures sont toujours en place et les lois n’ont pas été modifiées ou correctement mises en application. Les grandes priorités sont restées au niveau du discours et le fait qu’un électeur sur deux ait décidé de s’abstenir est un désaveu de la politique libérale de Vicente Fox qui ne parvient pas à convaincre les Mexicains du bien fondé de sa politique. Quant aux alliances contre nature que le PAN est obligé de passer, elles démontrent clairement que la transition démocratique tant de fois promise n’est toujours pas à l’ordre du jour. Les Mexicains se retrouvent donc assis entre deux chaises : avec le retour d’un PRI, toujours corrompu mais qui reste efficace et un parti, celui de Fox, incapable de refondre les institutions pour permettre un véritable projet de société.



par Patrice  Gouy

Article publié le 03/08/2004 Dernière mise à jour le 03/08/2004 à 09:28 TU