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Soudan

La Ligue arabe repousse le programme de l’Onu au Darfour

Mustafa Ismail, ministre soudanais des Affaires étrangères. La Ligue arabe demande un sursis pour Khartoum. 

		(Photo: AFP)
Mustafa Ismail, ministre soudanais des Affaires étrangères. La Ligue arabe demande un sursis pour Khartoum.
(Photo: AFP)
Réunis tout spécialement au Caire le 8 août, les ministres des Affaires étrangères des 22 Etats de la Ligue arabe ont défendu à l’endroit du Soudan une approche toute différente de celle que préconisent les Nations unies, mobilisées sur le Darfour par Washington. Dans la capitale égyptienne, les diplomates arabes se sont déclarés hostiles aux menaces de sanctions qui pèsent sur Khartoum. Ils ont en revanche demandé à l’Onu de donner un «cadre temporel adéquat» au désarmement des miliciens pro-grouvernementaux, c’est-à-dire de revenir sur l’ultimatum fixé fin août. Enfin la Ligue arabe préconise la participation de ses Etats membres à la mission d’observation africaine au Darfour mais elle s’oppose à sa transformation en force de maintien de la paix et rejette toute intervention militaire extérieure.

La Ligue arabe a bien compris Khartoum. Ces dernières semaines, l’hôte du conclave panarabe, l’Egypte, avait d’ailleurs tenté en vain de dissuader son allié américain de solliciter l’Onu pour menacer le Soudan des foudres internationales. La résolution présentée par washington a finalement été adoptée le 30 juillet dernier. Elle donne quatre semaines (soit jusqu’à fin août) à Khartoum pour désarmer ses miliciens janjawid et autres, mais aussi pour négocier avec les deux mouvements rebelles du Darfour. Depuis, l’Union africaine a fait promettre aux belligérants l’ouverture de négociations, le 21 août prochain, à Abuja, la capitale nigériane. Reste à finaliser le désarmement des milices arabes. Maintes fois annoncé, il a fait l’objet au Caire de nouvelles assurances soudanaises. La Ligue arabe se prononce pour des prolongations en évoquant donc la nécessité d’accorder à ces opérations un «cadre temporel adéquat». En coulisses, l’Egypte suggèrerait de donner à Khartoum trois ou quatre mois de délai.

Le communiqué final de la Ligue arabe exprime de manière feutrée l’opposition de ses Etats membres à la stratégie de l’Onu au Soudan. Certes, il presse Khartoum de prendre des «mesures urgentes» pour protéger les déplacés du Darfour des janjawid accusés de «crimes contre l'humanité». La diplomatie arabe n’en a pas pour autant sorti de ses tiroirs le rapport réalisés en mai dernier par ses enquêteurs au darfour. Selon Amnesty international, le document confirmerait la lourde responsabilité gouvernementale dans les exactions. Mais finalement, la Ligue arabe se contente d’admettre avec les autorités de Khartoum que «la sécurité au Darfour est de la seule responsabilité du gouvernement soudanais». La situation est d’ailleurs sous contrôle, si l’on en croit le ministre des Affaires étrangères soudanais expliquant que 40 000 soldats et 10 000 policiers soudanais sillonnent désormais le Darfour. Au Caire, Khartoum s’est félicité une fois de plus de l’arrestation de 300 janjawid, accusés de port d'armes et qui devraient être traduits en justice. L’opposition soudanaise du parti Oumma de Sadeq El-Mahdi affirme pour sa part qu’il s’agit de vrais «délinquants», mais de faux janjawid. Ces dernier auraient revêtu l’uniforme de l’armée ou de la police au cours d’une opération de «blanchiment des milices en forces régulières pour qu'ils poursuivent leur sale besogne», accuse-t-elle. Mais la Ligue arabe veut donner sa chance au succès du programme sécuritaire soudanais. D’ailleurs, selon elle, des sanctions auraient «des effets négatifs sur toute la population soudanaise et compliqueraient la crise».

Le refus d’une force de maintien de la paix

Au Darfour, la diplomatie arabe ne décèle ni épuration ethnique, ni génocide, ni affrontement arabo-africain. Et si la communauté internationale à quelque chose à faire dans l’Ouest soudanais, c’est pour «apporter tout le soutien nécessaire pour permettre le retour des déplacés et des réfugiés dans leurs foyers, loin de toute pression et de toute tentative d'imposer des sanctions» et à «rejeter toute menace d'intervention militaire». D’accord pour une aide alimentaire et logistique mais surtout pas pour une quelconque ingérence dans les affaires soudanaises, le message du Caire s’adresse surtout aux anglo-saxons. La méthode française a sa logique propre, en bordure de la ligne onusienne. Paris préconise une solution politique et non pas militaire au Darfour. Invoquant un mobile humanitaire mais aussi des risques de déstabilisation, la France a déployé ses soldats au Tchad voisin. Côté Soudan, elle estime que «l’Union africaine a maintenant un rôle-clé dans le règlement de la crise du Darfour en veillant au respect de l'accord de cessez-le-feu et en organisant les négociations».

La diplomatie arabe aussi promet un appui «total à l'UA dans ses efforts pour résoudre la crise» et se déclare «prête à participer à toute médiation, sous l'égide de l'UA, entre le gouvernement et les rebelles» du Mouvement de la justice et de l'égalité et de l'Armée de libération du Soudan. La Ligue arabe incite même ses membres africains (Algérie, Egypte, Erythrée, Libye, Mauritanie et Tunisie) à participer à la mission d'observateurs que l’UA a déployé au Darfour pour superviser le cessez-le-feu virtuel d’avril dernier. Mais à l’instar de Khartoum, la Ligue arabe refuse que l’UA transforme en force de maintien de la paix le contingent de 300 hommes initialement prévu pour assurer la sécurité de sa soixantaine d’observateurs. Début juillet en effet, le sommet panafricain d’Addis-Abeba a décidé de marquer beaucoup plus fortement sa volonté de contribuer à la restauration de la paix sur le continent en dépêchant au Darfour quelque 2 000 soldats. Pour un tel effectif, la mission devait naturellement s’étendre de la protection des observateurs du cessez-le-feu à celle des civils et se muscler par un mandat de maintien de la paix. Le Nigéria et le Rwanda avaient immédiatement répondu à l’appel en promettant un bataillon chacun.

Le président de la Commission de l’UA, Alpha Oumar Konare, était venu dans la capitale égyptienne pour proposer aux Etats arabes de contribuer à la force africaine. Celle-ci répond à la préoccupation onusienne de sous-traiter la question et d’éviter une intervention militaire plus provocante. Le chef de la diplomatie libyenne, Abderahmane Chalgham, le dit d’ailleurs vertement : «si des soldats américains, anglais ou européens devaient arriver dans cette région, les fondamentalistes islamiques arriveraient comme des ours attirés par le miel. Nous aurions un autre Afghanistan, un autre Irak». C’est aussi en filigrane ce qui ressort des circonlocutions de la diplomatie arabe, au Caire, où, la Libye justement, mais aussi l’Egypte ont pourtant retenu l’idée d’une participation à la mission africaine d’observation. Et cela sans poser la question de ses dimensions mais avec sur son contenu les mêmes réserves Khartoum.

A la veille de la conférence du Caire, le 7 août, le gouvernement soudanais avait officiellement averti l’UA : pas question d’une force de maintien de la paix, si arabo-africaine soit-elle.



par Monique  Mas

Article publié le 09/08/2004 Dernière mise à jour le 09/08/2004 à 19:48 TU

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