Nucléaire japonais
L’opinion choquée par l’accident d’une centrale
(Photo : AFP)
«Nous sommes responsables», a reconnu aujourd’hui, lors d’un point presse concernant l’accident qui a causé la mort de 4 personnes, Koji Ebisuzaki, le directeur du contrôle de la qualité de la société Kansai Electric Power Company (KEPCO). La KEPCO, société privée cotée en bourse qui gère la centrale nucléaire, a admis que «la canalisation qui a explosé lundi vers 15h30, ne correspondait plus du tout aux normes de sécurité. La paroi du conduit ne faisait plus que 1,4 millimètres, nettement en dessous des 4,7 millimètres requis». Aucune inspection par ultrason n’a été effectuée depuis la mise en service de la centrale en 1976, alors même qu’un sous-traitant avait recommandé en avril 2003 une inspection en profondeur des conduits. Cela aurait été le seul moyen de vérifier l’état des parois, mais rien n’a été fait.
Cet accident relance le problème de la sécurité des centrales nucléaires au Japon. Très pauvre en ressources naturelles, ce pays est devenu le troisième pays producteur d’électricité nucléaire, derrière les Etats-Unis et la France. 30% de son électricité provient des 52 réacteurs, répartis sur 14 centrales, dont la plupart sont alignées sur ce que l’on surnomme «la ceinture nucléaire», le lond de la mer du Japon (côte ouest). Les compagnies privées d’électricité possèdent et font fonctionner tous les réacteurs à l’exception d’un seul exploité à des fins de recherche de l’Institut japonais pour le développement nucléaire.
Des centrales mal entretenuesSelon l’association Greenpeace, la plupart des centrales auront atteint l’âge de celle de Mihuma d’ici les années 2005-2010 et ne seraient pas mieux entretenues. Greenpeace appelle le Japon à «fermer son industrie nucléaire, s’il veut éviter d’autres accidents de ce type dans les années à venir». Satoshi Fujimo, membre du Centre d’information des citoyens sur le nucléaire confirme cette analyse et souligne qu’«une dizaine de réacteurs sont plus anciens que Mihuma».
La presse se fait l’écho de l’opinion publique, plutôt réticente à cette source d’énergie qui lui rappelle de douloureux souvenirs. Or, il se trouve que cet accident se produit 59 ans, jour pour jour, après le bombardement nucléaire de Nagasaki.
La confiance du peuple nippon dans le nucléaire avait déjà été ébranlée par une série d’incidents survenus ces dernières années, dont certains avaient fortement choqué l’opinion publique : une réaction nucléaire incontrôlée sur le site de l’usine de traitement d’uranium de Tokaimura en 1999 avait causé deux morts et l’évacuation de milliers de riverains. Enfin, la falsification de données de contrôles sur des soudures défectueuses par un sous-traitant de la Tokyo Electric Power Company (TEPCO), révélée en août 2002, avait contraint la société à fermer ses 17 réacteurs dans l’attente d’inspections.
Cet accident risque d’avoir de lourdes répercutions sur la politique énergétique du Japon. Le résultat de l’enquête devrait influencer l’opinion nippone. Le gouvernement japonais, par l’intermédiaire de l’Agence pour la sécurité nucléaire et industrielle vient d’ordonner que «la dizaine de sociétés privées qui gère l’ensemble des installations soit passée au crible».
Pour l’instant, les autorités japonaises restent en contact permanent avec l’Agence internationale de l’énergie atomique, mais selon le porte-parole de l’Agence «elles n’ont fait aucune demande d’assistance à l’organisation».
par Pauline Stasi
Article publié le 10/08/2004 Dernière mise à jour le 11/08/2004 à 06:50 TU