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Géorgie

Nouveaux tirs à l’ombre du cessez-le-feu

Jeune Ossète durement éraflé par un tir de mortier, hôpital de Tskhinvali le 16 août 2004. 

		(Photo : Claire Dellesard)
Jeune Ossète durement éraflé par un tir de mortier, hôpital de Tskhinvali le 16 août 2004.
(Photo : Claire Dellesard)
Depuis le 9 août dernier, c’est chaque nuit le même refrain à Ergnéti. Dernier village géorgien avant la frontière avec la République autonome d’Ossétie du Sud, Ergnéti est coincé entre deux positions offensives ossètes et géorgiennes. Sept nuits déjà que le village pacifique dort dans le vacarme des tirs de mortier et des armes automatiques. Reportage.

De notre envoyée spéciale en Ossétie du Sud

 Il est un peu plus de vingt-deux heures ce lundi 16 août lorsque les premières canonnades résonnent à Ergnéti. On a tiré depuis le nord, mais de qui s’agit-il. La discussion va bon train entre hommes, sur le chemin de ce village où vivent aussi quelques Ossètes. On tire de nouveau, plus près cette fois, mais depuis le sud. C’est l’armée géorgienne qui riposte.

Giorgi et Aliona se tiennent avec leurs deux enfants au balcon de leur élégante maison. C’est un soir d’été, mais le ciel en amont s’embrase par instants, embrasements suivis d’effroyables pétarades. C’est le mortier qui éclate. « Hier soir, ça tapait tellement fort que j’étais près à emmener les enfants en voiture quelque part » confie Giorgi, la petite Svéta sur les genoux.

A Ergnéti, on est entre deux lignes de front mais on veut vivre en paix. Si on tire dans la vallée de Didi da Patara Liakhvis, à l’est de la capitale ossète, Tskhinvali, ici, on ne veut pas de la guerre. « Mais si on nous attaque, nous saurons prendre les armes », lance Giorgi.

Il y a encore quelques mois, avant que la Géorgie n’entreprenne de lutter contre la contrebande, Ergnéti était un grand marché. On y échangeait tout, des plus simples produits manufacturés au pétrole, en passant par la farine, l’alcool ou les cigarettes. « Les Ossètes étaient ceux qui profitaient le plus de ce commerce », explique non sans une pointe de ressentiment Nino, jeune géorgienne d’Ergnéti. « Pour eux, vivre dans une zone de conflit signifiait vivre dans une zone de non droit. Ils avaient  toute liberté pour leur business ». Mais les Géorgiens, eux aussi, ont souffert de la fermeture du marché de contrebande. 

Le conflit osséto-géorgien est parti de là, de cette décision de Tbilissi d’en finir avec le trafic. Dans les semaines qui suivirent le début de cette politique, les Géorgiens ont approché leur armée pour, officiellement, défendre la police des douanes. Côté ossète, on s’est également organisés en prévision d’une éventuelle attaque.  « Les gens ont décidé d’eux-mêmes de se poster sur la frontière », déclare Alan Pliyev, adjoint au ministre des Affaires étrangères ossète. « Nous avons ensuite légalisé ces forces en les enregistrant pour une partie au ministère de le Défense, l’autre au ministère de l’Intérieur. »

Démilitariser la zone

De part et d’autres, on utilise les mêmes armes russes et bulgares. La mauvaise foi régnant dans les deux camps, on ne saura jamais qui a le premier ouvert le feu le 9 août dernier. On s’accuse même mutuellement de tirer sur ses propres positions pour leurrer les observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

A Tskhinvali, on cède à la panique à l’hôpital ; on se dit encerclé, envahi, on parle d’un troisième génocide. L’hôpital a été bombardé au mortier la nuit précédente. Au nord de la ville, de jeunes hommes ont improvisé des quartiers généraux au dernier étage d’un immeuble désaffecté. Avec quelques armes automatiques, ils entendent se défendre contre les attaques venues du village géorgien de Tamarachéni. « Nous n’aurions jamais attaqué les premiers » lance une infirmière. «  L’Ossétie est trop petite. Nous ne nous battons pas à forces égales ».

A Ergnéti, ce soir, les hommes sur le chemin, essaient d’identifier la provenance des tirs. En Ossétie, villages ossètes et géorgiens se succèdent, intimement imbriqués. « Les Ossètes ont les meilleurs positions, dans les montagnes à l’est de Tskhinvali. De là, ils peuvent atteindre tous les villages géorgiens au nord de la capitale », m’explique-t-on. Pourtant, Alan Pliyev m’avait soutenu que les montagnes étaient aux mains des Géorgiens.

Ce soir, au milieu des tirs, c’est l’heure des informations à la télévision. On s’inquiète de cette troisième nuit de rupture du cessez-le-feu. Edouard Kokoïti, le président ossète apparaît et déclare ne plus contrôler les forces spéciales composées de cosaques. Au terme d’une journée de négociations à Tbilissi, ce lundi 16, les deux parties se sont entendues sur la nécessité de démilitariser la zone et de discuter ensembles du statut futur de la province autonome.  Le Premier ministre géorgien, Zourab Jvania devrait rencontrer le président ossète dans les prochains jours.

Si les formations armées illégales d’Ossétie ont pu déclaré le conflit, elles pourraient aussi servir d’excuses au non-respect du cessez-le-feu et,de ce fait, à l’ouverture des négociations.

par Claire  Delessard

Article publié le 18/08/2004 Dernière mise à jour le 18/08/2004 à 08:47 TU