Livre
«Da Vinci code», nouveau Graal de l'édition
© Éditions J.C. Lattès
La recette du succès de Da Vinci code réside dans un savant mélange de fiction et de références historiques. Résultat, les pistes du vrai et du faux sont brouillées dans un récit aussi truffé d’érudition que d’élucubration. Tout commence au Louvre, dans la Grande galerie de l’aile Denon consacrée à la peinture italienne, où l’on découvre un soir le cadavre nu de Jacques Saunière, conservateur en chef du département des peintures, aux pieds de la Joconde, tué par un moine albinos. Sur la scène du crime, quelques étranges pictogrammes ont été ébauchés, dont le décryptage est soumis à la sagacité d’un éminent spécialiste des symboles. L’expert en lecture de symboles s’appelle Robert Langdon, et le professeur, aidé d’une jeune cryptographe, va très vite devoir déjouer la police et l’Opus Dei qui le traquent. De tableaux en églises, d’anagrammes en codes secrets, il va au fil de l’histoire, lever l’un des plus grands mystères de la chrétienté.
Des indices dans les peintures de Léonard de Vinci
Si l’Eglise catholique crie à l’imposture ce n’est pas tant parce que l’auteur se permet des libertés avec les Ecritures saintes que parce qu’il prétend avoir fait œuvre d’historien, et qu’il revendique la véracité des propos. Parmi les révélations stupéfiantes, il est notamment prétendu que l’Eglise catholique a dissimulé le secret d’une union fertile entre Jésus et Marie-Madeleine. Il est aussi prétendu qu’une improbable société secrète, Les adeptes du Prieuré de Sion, adoratrice de Marie-Madeleine aurait détenu des documents susceptibles de remettre en cause certains dogmes de l’Eglise; enfin, en tant que membre de cette confrérie secrète, le peintre Léonard de Vinci, aurait truffé ses peintures d’indices et de clefs pour relire l’Histoire.
L’auteur, Dan Brown, construit son récit sur l’idée d’une quête effrénée du Graal et d’une lutte à mort entre les membres les plus traditionalistes de l’Opus Dei -défendant une lecture stricte des Ecritures- et Les adeptes du Prieuré de Sion -prêts à d’étranges révélations. Aux yeux de l’Eglise, de nombreux lecteurs, fascinés par le roman policier, sont passibles de tenir pour acquis, et sans discernement, les affirmations de l’auteur qui, en guise de recherches historiques, ne fait que s‘appuyer sur une thèse en vogue aux Etats-Unis, et tenue pour totalement farfelue par les exégètes, historiens et théologiens. Selon cette thèse, les enfants des deux époux auraient suivi leur mère lors de la fuite de Marie-Madeleine en Gaule, et leur progéniture aurait donné naissance à la lignée des rois Mérovingiens, ces derniers devenant dès lors descendants directs de Jésus.
La « vincimania » gagne du terrainDu côté de l’Eglise en France, le débat n’est pas aussi enflammé: «Nous verrons lorsque le film sortira» a-t-on glissé à l’épiscopat. Toujours est-il que la critique enthousiaste autant que la polémique autour de l’imposture de l’auteur piquent la curiosité des lecteurs et concourent au succès de l’ouvrage. En France, la «vincimania» monte. Publié aux éditions J.C. Lattès au printemps dernier, le livre s’est déjà vendu à 380 000 exemplaires dans l’Hexagone, et caracole en tête des ventes depuis quatre mois. L’éditeur note «une forte augmentation des ventes depuis le début de l’été. Certains l’ont surnommé le Harry Potter des adultes, mais Da Vinci Code séduit de plus en plus d’adolescents».
Aux Etats-Unis l’intérêt pour l’ouvrage ne faiblit pas. Non seulement le roman devrait être prochainement porté à l’écran -avec Russel Crowe dans le rôle principal- mais il génère aussi tout un filon pour les concepteurs de voyages. Certains organisent des visites en petits groupes au Louvre, moyennant 110 euros par personne, à l’instar d’Ellen Mc Breen -qui a déjà dépêché plus de 300 visiteurs au musée sous la houlette de six guides sur le thème décrypter le code Da Vinci. D’autres orchestrent, depuis les Etats-Unis, et pour 2 299 dollars, un circuit de huit jours en Europe sur les traces du héros, Robert Langdon.
Enfin, à l’écoute des «vincimaniaques» qui, tous les jours, échangent leurs points de vue sur la réalité et la fiction du récit et qui, par exemple, s’interrogent sur l’existence ou non d’une herse dans la Grande galerie du Louvre, ou sur la probabilité ou non pour La Vierge aux Rochers d’être éventrée d’un coup de genou (Réponse «non»: il ne s’agit pas d’une toile, mais d’un panneau de bois !), un ouvrage devrait très prochainement sortir aux éditions Le Pré aux Clercs, intitulé Le Code Da Vinci décrypté. L’auteur, Simon Cox, est rédacteur en chef d’un magazine consacré à l’étude des dogmes et demi-vérités; avec cet ouvrage, il entend s’adresser «à tous les fans du Da Vinci Code qui cherchent des réponses aux inquiétantes questions posées par ce best-seller».
par Dominique Raizon
Article publié le 25/08/2004 Dernière mise à jour le 26/08/2004 à 09:25 TU