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Darfour

Le bras de fer reprend samedi à Abuja

Le chef rebelle du MJE, Ahmed Mohammed Tugod : "<EM>pas question de démobiliser avant un accord politique</EM>". 

		(Photo : AFP)
Le chef rebelle du MJE, Ahmed Mohammed Tugod : "pas question de démobiliser avant un accord politique".
(Photo : AFP)
Les belligérants du Darfour soudanais doivent reprendre samedi les négociations organisées depuis le 23 août dans la capitale nigériane, Abuja, par l’Union africaine (UA). Les rebelles conditionnent la démobilisation de leurs troupes par un règlement politique du conflit. Le gouvernement soudanais invoque leur refus de cantonner leurs hommes comme un obstacle au désarmement des milices arabes janjawid. Khartoum affiche aussi sa morgue face à l’ultimatum onusien qui expire le 30 août. Rien n’a vraiment changé au Darfour, constate l’Onu, qui doit rendre son verdict lundi.

Selon l’Agence France Presse (AFP), à la question de savoir si Khartoum allait respecter l’ultimatum de l’Onu, l’envoyé du gouvernement soudanais aux négociations d’Abuja, le ministre de l'Agriculture, Majzoub Al-Khalifa, a répondu jeudi que le Soudan était trop fier pour se soumettre «à des dates». «Cela n'a jamais traversé ni nos esprits ni nos cœurs» et d’ailleurs «cet ultimatum sera dépassé et nous, nous continuerons les négociations» d’Abuja, a-t-il conclu. Cela ressemble à du chantage. Mais depuis le début de la crise du Darfour, en février 2003, le gouvernement a surtout pratiqué le louvoiement, sauf lorsqu’il a été question d’intervention militaire étrangère. Le président Omar Al-Béchir était alors monté au créneau en personne, à l’heure des prêches, pour menacer de djihad toute force de maintien de la paix ou d’interposition, même arabe ou africaine, et a fortiori occidentale, qui serait engagée au Darfour. Or, l’ultimatum onusien expire le 30 août. Khartoum n’a pas rempli son cahier des charges et les rapports qui vont arriver sur la table du Conseil de sécurité s’annoncent sévères. Cette fois, le gouvernement soudanais prend les devants en jouant la carte d’Abuja.

Démobilisation rebelle contre le désarmement des janjawid

A Abuja, où les négociations ont péniblement démarré le 23 août, les rebelles du Darfour exigent un règlement politique du conflit, c’est-à-dire, un partage du pouvoir, avant de déposer les armes et de cantonner leurs troupes. Le secrétaire général du Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM), Bahar Idriss Abou Garda, ajoute même qu’il n’est pas question de rendre les armes à une force internationale ou d’intégrer l’armée soudanaise et que, dans tous les cas, la rébellion ne mettra pas l’arme au pied avant l’entrée en vigueur d’un éventuel accord politique, «quelque soit le temps que cela prenne». L’autre mouvement rebelle, l'Armée de Libération du Soudan (SLA), campe sur les mêmes positions. «Nous ne désarmerons pas du tout notre armée et ce n'est pas négociable», tempête son chef, Abdel Wahad Mohamed Ahmed Al-Nour. Tous deux invoquent le maintien des janjawid sur le pied de guerre. Du coup, Khartoum suggère maintenant un désarmement simultané des janjawid et des rebelles comme préalable à la poursuite du volet politique des négociations. Les discussions doivent reprendre samedi, après une interruption vendredi, jour de prières.

La consolidation du cessez-le-feu brinquebalant signé en avril dernier sera au centre du menu de samedi. Elle pose la question du mandat de la force de l’Union africaine, mais aussi celle des janjawid, Khartoum prétendant que leur désarmement serait «facilité» par le cantonnement des troupes rebelles. De fait, sur le terrain, «la situation n'a pas beaucoup évolué», constate l’émissaire des Nations Unies, Jan Pronk, qui doit remettre son rapport décisif le 30 août. Les milices arabes janjawid «restent le groupe armé le plus dangereux et le plus important parmi les groupes armés du Darfour», déplore-t-il. L'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch renchérit le 26 août en rapportant que les janjawid disposent d'un vaste réseau de 16 bases dans l'ouest et le nord du Darfour. Les miliciens partageraient en outre cinq camps militaires lourdement équipés avec l’armée régulière. Un rapport du département d’Etat américain dénoncent de son côté des «pratiques d'atrocités persistantes et largement répandues» contre les civils. En revanche, selon l’Onu, les opérations humanitaires ne seraient plus entravées depuis début juillet. C’était l’une des exigences du Conseil de sécurité, avec l’ouverture des négociations politiques. Khartoum est désormais tenu de ne pas les rompre. Quant à la force africaine, elle reste pour le moment strictement chargée de la sécurité des observateurs de l’UA. Mais le gouvernement soudanais envisage une autre option.

«Nous ne demandons pas le rétablissement de la sécurité dans la totalité des trois Etats du Darfour pendant la période qui reste, mais il existe des zones précises prévues dans lesquelles la sécurité doit être rétablie», rappelle Jan Pronk, pressant Khartoum de «profiter des quelques jours qui restent avant l'expiration du délai de l'Onu pour rétablir la sécurité». En réponse, le négociateur de Khartoum à Abuja, Majzoub Al-Khalifa, change son fusil d’épaule. S’il s’agit seulement de «sécuriser» la démobilisation de ses adversaires, Khartoum pourrait envisager qu’une force extérieure s’en charge. L’UA pourrait alors «avoir besoin de plus d'hommes, au delà de la protection des observateurs, pour protéger le cantonnement de la rébellion et nous sommes d'accord sur ce point», a-t-il déclaré jeudi. En revanche, il précise que la «sécurité» des civils ressortit de la seule responsabilité gouvernementale.

Lundi l’Onu devrait rendre son verdict. Mais en trente jours, l’un des termes de l’ultimatum, l’ouverture de négociations, est devenu un nouvel enjeu international. Désarmement des rebelles contre désarmement des milices arabes, Khartoum redemande du temps, par l’entremise de l’Egypte qui vient d’envoyer des «messages urgents» à l’Onu, pour exprimer «son espoir que les mesures qui seront prises par le Conseil de sécurité dans les prochains jours ne compliquent pas la situation dans le Darfour mais aboutissent à un règlement politique» du conflit.



par Monique  Mas

Article publié le 27/08/2004 Dernière mise à jour le 27/08/2004 à 12:31 TU