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Otages français en Irak

Les Français unis pour demander la libération des journalistes

Devant le Trocadéro 

		(Photo : Thomas Bourdeau/RFI)
Devant le Trocadéro
(Photo : Thomas Bourdeau/RFI)
Plusieurs milliers de personnes se sont réunies à Paris, le 30 août, pour réclamer la libération des deux journalistes français pris en otage en Irak, Christian Chesnot et Georges Malbrunot. Après une journée de mobilisation intense organisée par le gouvernement et une succession d’appels lancés par des personnalités du monde arabe, la participation de nombreux musulmans français à ces rassemblements était destinée à montrer leur désaccord avec l’ultimatum des ravisseurs qui demandent l’abrogation de la loi française sur la laïcité. Ces derniers ont d’ailleurs annoncé, quelques heures après la fin des rassemblements, qu’ils repoussaient leur ultimatum de 24 heures.

«Libérez les otages, non au chantage». Ils étaient près de trois mille à scander ce slogan et à brandir des banderoles sur l’esplanade des droits de l’homme, au Trocadéro à Paris, en fin d’après-midi, lundi 30 août. Ce rassemblement populaire était organisé à l’appel des présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, Christian Poncelet et Jean-Louis Debré. De nombreuses personnalités politiques y ont participé pour montrer leur solidarité avec le gouvernement français qui multiplie les initiatives en faveur de la libération de Christian Chesnot et Georges Malbrunot retenus par l’Armée islamique en Irak depuis dix jours.

Après avoir affirmé qu’il n’était pas question d’abroger la loi sur la laïcité, comme le demandent les ravisseurs des deux journalistes, le gouvernement a en effet activé l’ensemble de ses réseaux diplomatiques dans le monde arabe et ses contacts sur le terrain en Irak pour obtenir la libération des otages. Il a aussi lancé une offensive sur le front médiatique pour faire passer un message de tolérance et d’humanité mais aussi montrer le front uni de la nation française dans un telle épreuve.

De droite comme de gauche, les représentants des principaux partis politiques ont donc tenu à apporter leur soutien et à réaffirmer qu’ils étaient tous solidaires pour réclamer la libération de Christian Chesnot et Georges Malbrunot. Aux côtés de membres du gouvernement comme le ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy ou celui de la Communication Renaud Donnedieu de Vabres, se trouvaient des socialistes comme François Hollande ou Laurent Fabius, le président d’honneur du Mouvement républicain et citoyen (MRC) Jean-Pierre Chevènement, la communiste Marie-George Buffet, l’UDF François Bayrou, et de nombreux autres encore. Le ministre de la Communication Renaud Donnedieu de Vabres a expliqué cette mobilisation exceptionnelle par l’enjeu d’une crise dans laquelle les vies de deux journalistes sont en jeu. «Nous sommes très mobilisés parce que nous sommes très inquiets», a-t-il expliqué. Tout en ajoutant : «Nous sommes résolus à utiliser tous les moyens pour obtenir la libération des otages».


Leïla Shahid, représentante de l'OLP en France 

		(Photo : Thomas Bourdeau/RFI)
Leïla Shahid, représentante de l'OLP en France
(Photo : Thomas Bourdeau/RFI)

Cette revendication est une «imposture»

Dans la foule compacte réunie au Trocadéro figuraient aussi les représentants des communautés religieuses, au premier rang desquels les musulmans de France. C’est d’ailleurs à l’appel de toutes les organisations musulmanes du pays mais aussi des médias arabes présents à Paris qui ont tous manifesté leur solidarité avec les journalistes otages, à l’image de la chaîne satellitaire Al-Jazira, qu’un autre rassemblement s’est tenu un peu plus tôt devant la Maison de la Radio, siège de Radio France et de Radio France Internationale, deux antennes pour lesquelles travaille Christian Chesnot. Selon Leïla Shahid, représentante de l’Autorité palestinienne en France, qui a participé aux deux rassemblements parisiens pour exprimer sa «solidarité totale» avec les deux otages et sa condamnation du «rapt comme outil de propagande», cette mobilisation est «magnifique» car elle «unit les citoyens de France de tous les bords». Leïla Shahid a aussi fait part de son émotion face à la condamnation «unanime» dans le monde arabe, du «rapt» des deux journalistes dont elle a salué le travail. Une unanimité qui montre, selon elle, la «solidarité avec le peuple français» et rend hommage à la position de la France dans les conflits israélo-palestinien et irakien, mais aussi à celle de la presse française «qui dit la vérité». Car pour la représentante de l’Autorité palestinienne à Paris, la revendication de l’Armée islamique en Irak, qui a exigé pour libérer les otages le retrait de la loi sur les signes religieux ostensibles à l’école, est une «imposture».

Des groupes de femmes musulmanes appellent à la libération des otages. 

		(Photo : Thomas Bourdeau/RFI)
Des groupes de femmes musulmanes appellent à la libération des otages.
(Photo : Thomas Bourdeau/RFI)

«On ne vous demande rien sinon la libération des otages»

Cette opinion est partagée par l’ensemble des musulmans de France, quelle qu’ait été leur position lors du débat sur le projet de loi. Le président du Conseil des démocrates musulmans, Abderrahmane Dahmane, qui a pris la parole devant la Maison de la Radio, a abondé dans ce sens en affirmant que «les musulmans de France ne sont pas hors la loi». Ajoutant : «La question du voile relève de la France… Les ravisseurs se trompent de lieu et de musulmans». C’est pourquoi les représentants des organisations présents dans ces manifestations ont conclu en guise de message aux preneurs d’otages : «On ne vous demande rien sinon la libération des otages». Ils ont aussi ajouté : «Aucun musulman qui aime les valeurs de la République et de la religion n’acceptera qu’un journaliste se fasse lyncher».

Anonyme mais engagée, une femme française d’origine tunisienne qui habite dans l’Hexagone depuis près de 30 ans, est venue voilée assister à la manifestation. Musulmane pratiquante, elle se dit elle aussi «révoltée» face aux pratiques des preneurs d’otages et au chantage dont les deux journalistes français sont l’objet. Mais surtout, elle n’accepte pas la justification des ravisseurs et leur soi-disant solidarité avec les musulmanes de France : «Je n’ai besoin d’aucun soutien, surtout pas celui-là. La France nous a appris, à nous musulmanes, à lutter avec d’autres moyens que la violence, avec le dialogue». Si elle a choisi de porter le voile, elle affirme qu’elle ne voit aucun inconvénient à l’application de la loi sur la laïcité à l’école : «La démocratie, c’est ça. Je n’ai pas de critique concernant la loi sur le voile. Tout ça c’est un prétexte, on n’a demandé à personne de nous défendre».

Les ravisseurs ont réagi lundi soir en diffusant par le canal d’Al-Jazira une nouvelle vidéo dans laquelle Christian Chesnot et Georges Malbrunot appellent leurs compatriotes à descendre dans les rues pour manifester contre la loi sur la laïcité et réclamer son annulation. Ils expliquent aussi que leur «vie est en danger». Les ravisseurs ont, d’autre part, repoussé la fin de l’ultimatum fixé à la France de 24 heures.

par Valérie  Gas

Article publié le 30/08/2004 Dernière mise à jour le 31/08/2004 à 13:07 TU