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Otages français en Irak

Incompréhension dans la presse anglo-américaine

La presse anglophone s'interroge sur la politique française vis-à-vis du monde arabe. 

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La presse anglophone s'interroge sur la politique française vis-à-vis du monde arabe.
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Les médias en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis estiment généralement que la « politique arabe » de la France ne la protège pas du terrorisme.

Mardi soir, Insight, l’émission-phare de CNN International, était consacrée à la crise des otages en Irak. Mais une question, bien plus que tout autre, semblait fasciner sa présentatrice, Ralitsa Vassilieva : comment se fait-il que la capture de deux Français provoque un tel émoi dans le monde arabe, qui semble s’être accommodé jusque là des prises d’otages lorsqu’elles concernaient d’autres nationalités ? L'International Herald Tribune, qui appartient au New York Times et qui est édité à Paris, note que « l'enlèvement de Chesnot et Malbrunot a plongé dans la stupeur la presse française et le public qui estimaient jusque là que leurs compatriotes étaient dans une large mesure à l'abri de la violence en Irak, grâce au refus de Paris d'y envoyer des soldats ».

Dans la presse britannique et américaine, la même interrogation revient sur différents modes, le plus souvent sans indulgence envers cette exception française. Ce mercredi, plusieurs journaux américains ont reproduit les mêmes dépêches de la correspondante à Paris de l’agence américaine Associated Press. Mais les journaux titrent à leur façon : « Les enlèvements démontrent que la France  n’est pas épargné par les menaces islamiques [sic] », titre le Seattle Times ; « Otages : Chirac cherche à conclure un accord », renchérit le Union Leader and New Hampshire Sunday News. Dans la même ligne, sous le titre « Les Français ne sont pas immunisés contre la terreur », le Rocky Mountain News publie ce mercredi un éditorial sévère : « La France croyait peut-être avoir acheté une forme d’immunité contre le terrorisme en s’opposant à l’invasion de l’Irak et ça aurait peut-être marché si les terroristes n’étaient pas d’incorrigibles opportunistes». Et le journal de citer le Premier ministre irakien Iyad Allaoui, « qui a une expérience considérable du terrorisme et qui a dit que ‘les Français se faisaient des illusions s’ils pensaient pouvoir rester en dehors’ ».

D’une façon générale la presse américaine, pour autant qu’elle mentionne le rapt de Christian Chesnot et Georges Malbrunot, développe la même thématique : la France ferait mieux de rejoindre ouvertement la « guerre contre la terreur » et de cesser de vouloir jouer dans son coin sa partition solitaire dans la monde arabe. C’est sans doute ainsi qu’il faut expliquer la sobriété des condamnations américaines, le Département d’État se contentant, dans un communiqué, de « condamner les enlèvements et de demander la libération immédiate de tous les captifs » tandis que le porte-parole de la Maison Blanche, Scott McClellan estimait lundi que l’enlèvement des deux journalistes français démontrait « la véritable nature de l’ennemi en Irak [qui s’en prend] à des civils innocents afin de justifier leur cause ». En matière de solidarité, comparées aux réactions enregistrées dans le monde arabe et affirmées à Sotchi, en présence de Jacques Chirac, par Vladimir Poutine et Gerhard Schröder, ces prises de position relèvent du service minimum.

Ne pas céder au chantage

Même tonalité grinçante de la part du chef de la diplomatie britannique, Jack Straw qui se trouvait à Prague mardi. Tout en précisant qu’il avait envoyé un message de solidarité aux familles des otages et offert l’aide pratique du gouvernement britannique, Jack Straw a ajouté : «ce n’est pas à moi de spéculer sur ce que fait le gouvernement français mais la position du gouvernement britannique est que l’on ne doit jamais céder aux preneurs d’otages ou à tout autre chantage car l’on aboutit toujours à une situation pire ».

D’autres journaux, notamment en Grande-Bretagne, plutôt que d’évoquer la politique de Paris au Proche-Orient, qui s’est fortement distinguée de celle de Washington et de Londres, préfèrent mettre l’accent sur la querelle à propos du port du voile à l’école. le Financial Times de ce mercredi, « La crise des otages met en évidence les défauts de la politique », titre d’un article consacré à la loi sur la laïcité et à son impact chez les musulmans (en France et à l’étranger), tout en soulignant qu’à l’approche de la rentrée scolaire, l’ambiance est à l’apaisement.

Au fond, le correspondant à Paris de The Independent est bien seul à offrir une lecture différente à ses lecteurs. Pour John Lichfield, Chesnot et Malbrunot « ont seulement eu le tort de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment », même s’ils étaient professionnellement parlant au bon endroit au bon moment ». Et d’ajouter : « On aimerait que tous les gouvernements occidentaux, y compris le gouvernement britannique, déploient autant d’efforts [que le gouvernement français] pour libérer deux journalistes (…) Il est en tout cas absurde d’affirmer, comme l’a fait le Premier ministre irakien dans Le Monde lundi que la France paie ainsi le prix de son refus lâche de s’attaquer à l’extrémisme islamique : la France était à la pointe du combat contre la violence islamique quand les Etats-Unis et la Grande Bretagne regardaient ailleurs ».



par Olivier  Da Lage

Article publié le 01/09/2004 Dernière mise à jour le 01/09/2004 à 14:18 TU

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Nassif Hitti

Ambassadeur de la Ligue arabe à Paris

«La France est beaucoup appréciée dans le monde arabe pour ses positions de principe, ses positions qui s'inscrivent entièrement dans le droit international, dans la légalité internationale concernant les enjeux et les crises au Moyen-Orient.»

[01/09/2004]