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Liban

Vers une alliance druzo-maronite ?

Walid Joumblatt, un des plus fidèles alliés de la Syrie, conteste la prorogation du mandat présidentiel soutenue par Damas. 

		(Photo : AFP)
Walid Joumblatt, un des plus fidèles alliés de la Syrie, conteste la prorogation du mandat présidentiel soutenue par Damas.
(Photo : AFP)
Trois ministres proches du chef druze Walid Joumblatt et un quatrième indépendant ont démissionné pour protester contre la prorogation pour trois ans du mandat d’Emile Lahoud. Ces départs préfigurent d’une restructuration du pouvoir libanais après les fissures apparues dans les rangs des alliés de Damas sur fond de prolongation du mandat présidentiel.

De notre correspondant à Beyrouth

Quatre ministres qui claquent la porte, c’est du jamais vu depuis la conclusion de l’accord de Taëf, en 1989, qui a mis fin à quinze années de guerre civile au Liban. Le départ de ces ministres traduit la gravité des tensions politiques générées par la prorogation du mandat présidentiel, une option défendue par Damas malgré l’opposition d’une partie de la classe politique et de la communauté internationale, France et États-Unis en tête.

Le refus de Walid Joumblatt d’appuyer le choix de la Syrie, qui dispose d’une influence incontournable au Liban, montre à quel point les équilibres politiques sont compliqués et changeants au pays des cèdres. Car en votant contre l’amendement de la Constitution permettant le maintien au pouvoir d’Emile Lahoud, le leader druze, un des plus fidèles alliés de la Syrie, rejoint les positions de l’opposition chrétienne, pire ennemi de Damas au Liban.

C’est au nom du respect de la démocratie et du refus de la «militarisation» du régime que M. Joumblatt a adopté ses positions intransigeantes, au risque de se brouiller avec les autorités syriennes. D’autres forces et hommes politiques étaient opposés à la prorogation du mandat Lahoud, mais rares sont ceux qui sont allés jusqu’au bout. C’est notamment le cas du Premier ministre Rafic Hariri, dont les médias se sont battus pendant des mois contre le maintien de Lahoud au pouvoir, et qui s’est finalement aligné sur le choix de Damas. Certains ont évoqué des pressions exercées sur lui, d’autres ont souligné que les intérêts de Rafic Hariri au Liban sont trop importants pour prendre le risque de tout perdre en essayant de contrer résolument la politique syrienne.

Hostile jusqu’au bout

Walid Joumblatt, lui, est resté consistant avec lui-même. D’abord, ses trois représentants au gouvernement (deux druzes et un maronite) ont voté contre le projet d’amendement constitutionnel approuvé le 28 août dernier. Ensuite, son bloc parlementaire, fort de 15 députés (sur 128), a fait de même lors du vote du texte au Parlement, le 3 septembre. Enfin, ses ministres ont démissionné trois jours plus tard. Et pendant toute cette période, le chef druze n’a pas mâché ses mots contre la Syrie et Emile Lahoud, mettant en garde contre «les dangers de la militarisation [le général Lahoud était l’ancien commandant en chef de l’armée] et les atteintes à la démocratie». Seuls le patriarche maronite Nasrallah Sfeir et l’opposition chrétienne ont adopté une position aussi ferme à l’égard de la prorogation. Pour bien marquer le degré de son mécontentement, le prélat maronite, généralement très respectueux du protocole, n’a pas félicité Emile Lahoud et a interdit aux prêtres et évêques de se rendre au palais présidentiel.

Mais ce serait mal connaître Walid Joumblatt que de croire que son attitude est uniquement dictée par ses «inquiétudes» pour la démocratie libanaise. Connu pour ses nombreux et fréquents revirements, le chef druze lorgne déjà en direction des élections législatives de mai 2005. La communauté druze qu’il dirige est devenue minoritaire même dans son fief du Chouf ou les chrétiens sont de loin plus nombreux. En durcissant son discours contre la Syrie, M. Joumblatt s’attire la sympathie des électeurs chrétiens, ce qui lui permettra de renforcer son leadership. Lors des dernières élections en 2000, il avait adopté la même attitude.

La démission des trois ministres de Joumblatt ainsi que du maronite Farès Boueiz, ne risque pas de provoquer une crise politique grave, car seul le départ du tiers des trente ministres peut faire tomber le gouvernement. Mais cela signifie que l’une des principales composantes politiques de la coalition de force pro-syriennes qui gouverne le Liban depuis une quinzaine d’année a décidé de tirer sa révérence. A sa longue amitié avec Damas, le leader druze semble avoir préféré une alliance avec les maronites… qu’il n’avait pas hésité à chasser de la Montagne il y a vingt ans.



par Paul  Khalifeh

Article publié le 07/09/2004 Dernière mise à jour le 07/09/2004 à 09:29 TU