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L'éditorial politique

Laurent Fabius : le «non sauf si» à la constitution européenne

Laurent Fabius  a une nouvelle fois illustré ce que ses camarades du parti lui reprochent. Une certaine propension à ne pas s'engager pour être sûr d'être à l'arrivée. Cette fois ci, il s'agissait pour le numéro deux du PS de dire sa position sur le projet de constitution européenne, un débat qui l'oppose depuis l'université d'été à François Hollande partisan du «oui» et candidat lui-aussi, mais sans le dire, à l'investiture présidentielle.

En onze minutes, Laurent Fabius, costume sombre, chemise blanche et cravate bleu, a donc tenté de montrer, ou de rappeler, qu'il était un homme d'état, un homme qui pèse ses décisions et qui n'a d'autre interlocuteur que le président de la république lorsqu'il s'agit de parler des grandes questions qui engagent la France.

Evitant le piège de la division, Laurent Fabius a reconnu, comme l'avait fait avant lui François Hollande, qu'il y avait bien des avancées institutionnelles dans le texte proposé, mais dans un même temps, il a repoussé à plus tard sa décision définitive se contentant d'un «non, sauf si», qui laisse l'initiative aux autres. A Jacques Chirac à qui il a posé quatre conditions pour rejoindre le camp des «Oui». Et à François Hollande, qu'il a volontairement ignoré, et qui devra intégrer, au moment de la consultation des militants, le positionnement de son numéro deux sous peine de voir le Parti socialiste se diviser très gravement à deux ans et demi de l'élection présidentielle.

Un joli coup politique sur le papier, mais un coup qui ne trompe personne quand à sa portée réelle. Comment le président de la république pourrait-il en effet accepter les nuances fabiusiennes alors que les chefs de gouvernements européens s'apprêtent à signer le traité, ce sera fait en octobre. Comment en effet, exiger de nos 24 partenaires qu'il ne réduisent par le budget de  l'Union; qu'ils remettent en cause le pacte de stabilité ? Comment enfin les amener à penser qu'ils doivent lutter contre les délocalisations  et qu'il est de leur devoir de garantir les services publics alors que l'élargissement a multiplié les divergences et les centres de résistances ?

Non, Laurent Fabius n'était pas venu parler que de l'Europe. Il était devant les caméras pour reprendre la main. Et pour montrer, en citant François Mitterrand, qu'il était avant tout homme de gauche. Un de ceux qui savent dire oui quand il le faut et non quand la situation l'exige.

A ceux qui lui reprochait de ne pas dire qu'elle était son socialisme et qu'elles nouvelles frontières il proposait pour la France, Laurent Fabius a donc répondu. Il est désormais un socialiste qui s'engage pour l'emploi et contre les délocalisations, donc pas un social libéral, plutôt un socialiste placé plus à gauche, à l'endroit très exactement où se conquiert le parti. Quand aux nouvelles frontières de la France, elles ne sont pas si nouvelles. Elles s'apparenteraient à celles dessinées par un guide éclairé qui se préoccuperait très intensément de la vie des habitants du vieux continent. Et de ce point de vue là, aucun socialiste ne peut-être en désaccord.



par Patrice  Biancone

Article publié le 10/09/2004 Dernière mise à jour le 10/09/2004 à 12:00 TU