Cinéma
Ecrans noirs pour cannes blanches
(© Mars Distribution)
Cannes blanches, lunettes noires et, dispersés entre les travées, une dizaine de labradors : c’est un public totalement inhabituel que l’Arlequin conviait, mardi 21 septembre, à assister à la projection de Comme une image, dernier long métrage d’Agnès Jaoui, prix du meilleur scénario au dernier festival de Cannes. Première pour ce grand cinéma de la Rive gauche parisienne, cette projection en était aussi une pour la ville de Paris, qui devient ainsi la seule municipalité de France à disposer de salles équipées pour les sourds, aveugles et mal-voyants.
C’est à la Mairie de Paris que revient le mérite de cette initiative qui, sous son apparente démagogie, pourrait bien remporter un vif succès, à en juger par l’affluence autant que par l’accueil très enthousiaste des spectateurs. Comme l’expliquait sobrement Agnès Jaoui, venue avec son compagnon Jean-Pierre Bacri (qui tient l’un des rôles principaux de son film) saluer le public à l’issue de la projection, « la chose paraît d’une telle évidence qu’on se demande pourquoi elle n’a pas été mise en œuvre plus tôt ».
Une « conteuse » chuchote entre deux dialogues
Pour beaucoup d’aveugles présents, elle offre la possibilité d’aller au cinéma sans solliciter l’appui d’un ami voyant. Pour cette bande de lycéens, aveugles eux aussi, c’est l’occasion de sortir ensemble et surtout « de ne plus attendre six mois un an avant de pouvoir voir les films ». La plupart ont déjà expérimenté ce dispositif dans des institutions spécialisés, mais tous se réjouissent de pouvoir enfin avoir accès à une salle de cinéma « normale » , reprenant en cela les propos du maire Bertrand Delanoë (« dans un cinéma parisien, les personnes ayant un handicap sont enfin traitées comme les autres »). Plus tôt, la comédienne sourde-muette Emmanuelle Laborie déplorait que très peu de DVD offrent accès à un sous-titrage en français.
Pour l’instant, deux salles de l’Arlequin sont équipées avec ce dispositif d’une extrême simplicité : pour les sourds et malentendants, un sous-titrage en français ; pour les non-voyants, un casque dans lequel une «conteuse » chuchote entre deux dialogues les grandes lignes de l’action. L’audio-description et le sous-titrage, qui représentent un coût de 7 500 euros par film, ont été pris en charge par la mairie de Paris, avec le partenariat de Dolby (pour les casques à infra-rouge) et de Titra Films (versant sous-titrage). Sophie Dulac, la directrice du cinéma, s’est engagée à organiser une séance tous les soirs de la semaine à 18 heures et deux le week-end, à 14 et 20 heures. Tout en soulignant à quel point il est difficile de trouver des distributeurs acquis au projet et capable de fournir une copie suffisamment longtemps à l’avance pour que puisse être effectué le travail de « doublage » et de sous-titrage.
par Elisabeth Lequeret
Article publié le 22/09/2004 Dernière mise à jour le 22/09/2004 à 13:48 TU