Philosophie
Décès de Jacques Derrida
(Photo: AFP)
«Le plus grand philosophe d'aujourd'hui dans le monde». Pour les universitaires ou les psychanalystes comme Elisabeth Roudinesco, d'ordinaire si mesurés, le superlatif semble s'imposer pour désigner Jacques Derrida. En 80 ouvrages, et 50 ans d'enseignement dans les plus grandes écoles: l'école normale supérieure de la rue d'Ulm, à Paris, mais aussi les universités américaines prestigieuses comme Yale ou Harvard, ce penseur important avait élaboré le concept célèbre de «déconstruction».
Décortiquant de grandes notions, mais aussi les oeuvres des grands philosophes classiques, il en dévoilait les mécanismes, s'aidant au besoin de la psychanalyse. C'était donc un philosophe de la critique des textes. Contemporain des philosophes catalogués «penseurs de 68», comme Althusser, Lacan, Foucault ou Deleuze, il s'engageait également dans la société, défendant les minorités, prenant parti contre la peine de mort, le colonialisme, l'apartheid en Afrique du Sud, ou défendant des intellectuels tchèques en 1982, au risque de faire quelques jours de prison en Tchécoslovaquie.
Hommage de Jacques ChiracNé en 1930 en Algérie, ce philosophe était un homme à part: passionné de football, détestant les idées toutes faites, il a passé sa carrière à bousculer les concepts et à repousser les limites du langage et de la parole. Critique face aux institutions et aux enseignements de la philosophie en France, il a créé en 1983 le collège international de philosophie qu'il a présidé jusqu'en 1985.
Engagé politiquement aux côtés des socialistes il avait soutenu le candidat socialiste Lionel Jospin lors la présidentielle de 1995. En revanche, il n’avait pas voté lors du premier tour du scrutin de 2002 –où Lionel Jospin était également candidat– en signe de «mauvaise humeur contre tous les candidats».
Le président Jacques Chirac, en voyage en Chine, a déclaré dans un communiqué qu’il avait appris «avec tristesse» la disparition d’«une des figures majeures de la vie intellectuelle de notre temps». «Jacques Derrida était lu, admiré, traduit, publié, enseigné et discuté dans le monde entier. Il restera comme un inventeur, un découvreur, un maître d’une extraordinaire fécondité», a ajouté le chef de l’Etat français.
par Sophie Torlotin
Article publié le 10/10/2004 Dernière mise à jour le 10/10/2004 à 09:48 TU