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Archéologie

Antoine Poidebard : entre ciel et terre

L'archéologie et la photographie sont les deux domaines que le révérend Poidebard ( au centre) explorera le plus en profondeur. 

		(Photo : www.arles-antique.org/ Université Saint-Joseph de Beyrouth
L'archéologie et la photographie sont les deux domaines que le révérend Poidebard ( au centre) explorera le plus en profondeur.
(Photo : www.arles-antique.org/ Université Saint-Joseph de Beyrouth
Missionnaire, aumônier militaire, ambassadeur, explorateur, aviateur et archéologue… Le Musée de l’Arles et de la Provence antiques, en collaboration avec l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, consacre jusqu’au 28 novembre une exposition au père Antoine Poidebard, pionnier de l’archéologie aérienne.

«Vu du ciel, tout devient clair et net». Antoine Poidebard survole la Syrie dans un Bréguet de l’armée du Levant lorsque il est frappé d’une évidence. Tout ce qu’il avait emmagasiné de ses observations sur le terrain trouve sa place subitement dans le paysage. Les anciennes voies de communication de la Mésopotamie se dessinent au sol. Elles s’offrent littéralement à ses yeux. Il a 46 ans. Il est à la lisière de sa cinquième vie.

Car, Antoine Poidebard (1878-1955) a la capacité et le talent d’enchaîner les vies. «La précédente prépare toujours la suivante», dit Fabrice Denise, commissaire de l’exposition que le musée de l’Arles et de la Provence antiques, en collaboration avec le Musée de la préhistoire libanaise de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (Liban), consacre à ce jésuite à la carrière multiforme. «Ses vêtements changent, mais son regard est immuable», insiste son collègue libanais, Lévon Nordiguian. «C’est un regard d’aigle», ajoute-t-il. Un regard perçant, face à l’objectif, lorsqu’en manteau traditionnel, il chevauche fièrement un alezan ou lorsqu’il pose lunettes relevées sur le casque et vêtu d’un blouson de cuir, devant son avion. Un regard tout aussi perçant derrière l’objectif, lorsqu’il photographie ses élèves de Tokat ou bien encore un vol en formation au-dessus des monts Liban. Le père Antoine a laissé derrière lui près de 10 000 clichés, conservés pieusement à l’Université Saint-Joseph et qui, aux dires du conservateur, «constituent son joyau». La plupart ont été pris dans sa sixième vie, celle d’archéologue des airs.

L’archéologie et la photographie sont les deux domaines que le révérend Poidebard explorera le plus en profondeur dans sa vie aventureuse. Elles forment en quelque sorte ses parenthèses d’ouverture et de fin de vie. Né dans la banlieue lyonnaise en 1878, il grandit dans la curiosité du passé avec un père notaire, historien à ses heures. A 19 ans, il entre à la Compagnie de Jésus d’Aix-en-Provence. Il choisit d’effectuer sa dernière année d’études, l’interstice, traditionnellement consacrée «au développement des aptitudes personnelles», comme missionnaire dans l’empire ottoman, un appareil photo sous le bras. Il apprend le turc, le tatar et l’arménien en soignant les malades. Il écrit déjà des articles.

La première Guerre mondiale le ramène en France comme aumônier dans un régiment de cavalerie. En 1917, on le renvoie dans le Caucase, avec le poste d’officier interprète. Plus prosaïquement, il «fait» de la reconnaissance pour le compte de l’armée française, en parcourant les routes du Golfe persique. Presque naturellement, il endosse la fonction d’ambassadeur de France à Erevan, dans la république éphémère d’Arménie, en 1918. Une république qui ne pourra résister à l’annexion par la Turquie. Après un crochet par la Géorgie, avant d’être obligé de s’enfuir suite à la soviétisation du pays, il rentre à Paris pour obtenir son diplôme de «langues O», en turc.


Antoine Poidebard 

		(Photo : www.arles-antique.org)
Antoine Poidebard
(Photo : www.arles-antique.org)

Son chemin croise celui de Jacques-Yves Cousteau

La compagnie le rappelle à Beyrouth pour s’occuper des réfugiés arméniens. Mais, là, il découvre l’aviation. Il reprend du service dans l’armée du Levant. Entre ciel et terre, le père Poidebard «mitraille» pacifiquement, alliant la recherche archéologique à l’«observation militaire» et à la cartographie des routes du pétrole pour le compte de la Société de Géographie. Tout prétexte est bon pour voler et affiner sa technique de prise de vues ou les émulsions des films qui lui permettent de domestiquer la luminosité des déserts et bientôt celle de la mer, puisqu’il effectuera des clichés sur les ports antiques phéniciens. Il publie de nombreux articles de vulgarisation pour les journaux français, des recueils -il aura à son compte une soixantaine d’ouvrages- et, parallèlement, gagne la reconnaissance de la communauté scientifique internationale pour ses travaux d’«archéologie aérienne». Son appareil vole jusqu’en Algérie et en Tunisie.

Enfin, le «missionnaire» s’intéressera au monde sous-marin. Il s’associe avec les techniciens de la plongée, à la fois pour mettre au point un appareil de prise de vues qui ne déforme pas la vision sous l’eau, mais aussi pour perfectionner l’équipement des plongeurs, chargés de vérifier les informations repérées par l’aviateur. Son chemin croise celui du «développeur» de la plongée autonome : Jacques-Yves Cousteau.

C’est suite à une mission de coopération de l’atelier technique du Musée d’Arles à Beyrouth et à une exposition célébrant les 120 ans de l’Université Saint-Joseph, que l’idée du livre «une aventure archéologique, Antoine Poidebard» a vu le jour. «Le laboratoire, supervisant une opération de numérisation de la bibliothèque orientale, a attiré mon attention sur la qualité du travail du père jésuite», explique Fabrice Denise. «Arles étant un lieu de rencontres photographiques…». Le reste était évident. Vu du ciel.


par Marion  Urban

Article publié le 16/10/2004 Dernière mise à jour le 16/10/2004 à 09:21 TU

Le livre : Une aventure archéologique, Antoine Poidebard, photographe et aviateur -Editions Parenthèses/Editions du musée de l'Arles et de la Provence Antique, Presse de l'université Saint-Joseph.