Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Togo

Agitation à l’approche de la décision finale de Bruxelles

l’Union européenne propose de reprendre sa pleine coopération avec le Togo, après l’organisation d’élections législatives transparentes. 

		(Carte : DR)
l’Union européenne propose de reprendre sa pleine coopération avec le Togo, après l’organisation d’élections législatives transparentes.
(Carte : DR)
À quelques jours de la décision finale de l’Union européenne sur la reprise ou non de sa coopération avec le Togo, les acteurs politiques s’activent sur place, durcissent leurs positions, au nom du peuple togolais, affirment-ils… Classique décor depuis 11 ans que dure la suspension de la coopération de la part de Bruxelles.

De notre correspondant à Lomé

Le premier des 22 engagements pris par le gouvernement togolais à Bruxelles le 14 avril dernier en vue de la normalisation de ses relations avec l’Union européenne a trait à l’ouverture sans délai d’un dialogue avec l’opposition traditionnelle et la société civile dans un cadre structuré et transparent.

Ouvert officiellement le 27 mai dernier par le chef de l’État togolais, ce dialogue s’est poursuivi le 14 octobre dernier avec un ordre du jour précis : l’adoption de l’avant-projet  de loi modifiant le code électoral élaboré par un comité installé le 30 juin et composé des membres du parti au pouvoir, de l’opposition et de la société civile. Trois partis de l’opposition traditionnelle, l’Union des forces du changement (UFC) de Gilchrist Olympio, le Comité d’action pour le renouveau (CAR) de Me Yaovi Agboyibo et la Convention démocratique des peuples africains (CDPA) du Pr Léopold Gnininvi ont préféré quitter la salle au moment de l’adoption. Deux autres partis de cette opposition, la Convention patriotique panafricaine (CPP) de l’ancien Premier ministre Edem Kodjo et le Parti pour la démocratie et le renouveau (PDR) de Zarifou Ayeva ont pris part au côté du parti au pouvoir, le Rassemblement du peuple togolais (RPT) et de deux associations de la société civile à cette séance. L’UFC, le CAR et la CDPA qui ont déjà boycotté l’ouverture officielle du dialogue par le président Eyadema et le Comité ayant élaboré le nouveau code électoral, estiment d’une part que le dialogue n’a pas encore démarré et d’autre part que la révision du cadre électoral inscrit dans les 22 engagements pris par le gouvernement ne saurait en aucun  cas se résumer au seul code électoral.

Dans une déclaration commune lue au début de la réunion du 14 octobre, ces partis ont précisé que « l’examen du projet de modification du code électoral ne saurait être dissocié de celui des mesures touchant de près ou de loin le cadre électoral à revoir. » Ils annoncent qu’ils ne « s’associeront à l’examen de ces mesures qu’une fois qu’ils se seront accordés avec la délégation du pouvoir sur les conditions du dialogue national ». Déception des autres participants qui estiment que ces trois partis ont raté la coche d’autant qu’il leur avait été accordé d’apporter tous les amendements  à cet avant-projet avant son adoption. « Ces trois partis devaient accepter de discuter le texte en apportant leur réflexion à son analyse  article par article. Ce jeu démocratique, cette confrontation des idées, ils l’ont refusé. », explique Dama Dramani, secrétaire général du RPT au pouvoir.  Pour Zarifou Ayeva du PDR, « on peut amener son âne à la rivière mais on ne peut l’obliger à boire. En plus ces trois partis ne font pas tout le peuple togolais ». « Nous étions venus ce matin en acceptant que les uns et les autres  apportent leurs améliorations et leurs propositions tendant à parfaire le travail du comité. Cela n’a pas été le cas. Nous avons sorti un compromis. Il vaut ce qu’il vaut. Un compromis n’est jamais  entièrement satisfaisant pour  l’une ou l’autre partie. Mais il permet à chacune des parties d’avancer la tête haute », estime Arthème Ahoomey-Zunu, secrétaire administratif de la CPP d’Edem Kodjo.

Travail de Sisyphe

Les trois partis réclament par ailleurs la désignation d’un médiateur étranger, la formation d’un gouvernement de transition et des préalables au démarrage du dialogue. « Nous avons fait part au Premier ministre de certaines préoccupations s’agissant notamment du cadre du dialogue, de son contenu et du sort qui sera réservé à l’accord politique issu des discussions, de la direction des travaux. Parce que nous estimons que le dialogue n’a pas commencé », explique Jean-Pierre Fabre, secrétaire général de l’UFC.  « On ne voit pas  dans l’état actuel comment on peut directement arriver à des compromis sans le concours d’un médiateur », renchérit Yaovi Agboyibo du CAR. « On tourne en rond. Il faut qu’on avance. », répond Edem Kodjo à ces propositions. Réplique du parti au pouvoir : « Ils posent des conditions de démarrage du dialogue alors que le 25 août dernier on était d’accord sur le cadre et le contenu. Pour notre part, nous sommes déjà dans le dialogue et c’est ce qui nous a permis de continuer le travail et d’adopter finalement le texte. », déclare le secrétaire général du RPT au pouvoir.

Le gouvernement explique de son côté que les cinq partis de l’opposition traditionnelle, le parti au pouvoir et les deux associations de la société civile avaient accepté unanimement à la rencontre du 25 août dernier que le cadre ainsi crée convient au cadre du dialogue, que les 22 engagements en constituaient le contenu et que le gouvernement devrait verser au dossier dudit dialogue les éventuelles propositions des autres partis non représentés à ces discussions. Consensus remis en cause plus tard par ces trois partis, selon le Premier ministre qui voit en ces pratiques une manœuvre dilatoire pour saboter les efforts du gouvernement et empêcher la normalisation des relations entre le Togo et l’Union européenne. En ce qui concerne la formation d’un gouvernement de transition proposé par ces partis, le Premier ministre a été formel : « Les engagements pris à Bruxelles et le dialogue actuel ne signifient nullement la mise en veilleuse des institutions de la République et le Togo n’est pas sous un régime de gouvernement de partis ».

Malgré le départ de ces trois partis le gouvernement attend poursuivre sa marche vers l’organisation très prochaine des élections législatives comme le souhaite l’Union européenne. Le 31 août dernier en effet, Bruxelles avait adopté une nouvelle feuille de route pour sortir le Togo de la crise. Après avoir reconnu les efforts du gouvernement togolais (adoption d’un nouveau code de la presse libéral, amendement en cours des statuts de la Haute autorité de l’audiovisuel, de la Commission nationale des droits de l’Homme, l’ouverture des médias à l’opposition, libération de plus de 500 détenus togolais de droit commun…), l’Union européenne propose de reprendre sa pleine coopération avec le Togo, après l’organisation d’élections législatives transparentes sur la base d’un cadre électoral consensuel. Qu’à cela ne tienne, ces partis s’étaient présentés aux dernières présidentielles régies pourtant par un code électoral modifié unilatéralement par le pouvoir qu’ils avaient longtemps décrié. Des observateurs  avertis de la scène politique togolaise s’attendent à ce même scénario. D’autant que les deux partis de l’opposition qui ont participé à l’élaboration de ce nouveau code n’ont pas du tout laissé le champ libre au pouvoir.

À Lomé, tous les acteurs politiques et les populations, ont les yeux braqués sur Bruxelles, où l’Union européenne devra prendre sa décision finale sur le Togo à la fin octobre. En attendant le gouvernement veille aux grains. Aucune manœuvre tendant à compromettre cet espoir attendu depuis 11 ans n’est la bienvenue.



par Guy  Mario

Article publié le 20/10/2004 Dernière mise à jour le 20/10/2004 à 15:03 TU