RFI
Jean Hélène, pour mémoire
(Photo: Laurent Cassala/AFP)
Jean Hélène – de son vrai nom Christian Baldensperger – a longtemps été correspondant de Radio France Internationale et du quotidien Le Monde en Afrique de l’Est, première et décisive étape de sa carrière de journaliste spécialisé sur l’Afrique. Après avoir retracé le parcours de jeunesse de cet autodidacte plutôt timide, le livre de Pierre-Edouard Deldique apporte de nombreux éclairages sur la découverte du continent qui fut celle d’un journaliste débutant d’alors… 37 ans. A l’heure où d’autres gèrent leurs acquis, il s’offrait là une nouvelle vie faite de longs barouds, souvent épuisants, parfois déprimants, sur le théâtre des conflits qui ensanglantent alors la région.
Il apprend pas à pas son métier, dans la condition matérielle et psychologique généralement difficile qui est celle du journaliste pigiste, et montre déjà un souci de rigueur et de retenue qui allait rester sa marque. Installé à Nairobi de 1990 à 1998, il « couvre » la guerre de Somalie, les événements du Soudan ou de Madagascar, et bien sûr entre plusieurs escapades dans la région des Grands Lacs, le génocide au Rwanda.
Le livre évoque les accusations alors prodiguées contre Jean Hélène, à qui l’on a reproché de minorer l’importance dans ses écrits et correspondances des massacres anti-tutsis, tout en dénonçant les exactions commises, à l’autre bord, par les forces du Front patriotique rwandais. Ses écrits, considère l’auteur, sont là pour démontrer qu’il n’en fut rien et que le journaliste fut essentiellement prudent et soucieux, comme toujours, d’équilibre.
Le départ d’Afrique de l’Est, alors qu’il venait d’être recruté par Radio France Internationale, est une nouvelle étape. De Paris, il continue à voyager en Afrique, où il fait connaissance avec d’autres réalités en Afrique de l’ouest et du centre, pour finalement s’installer à Libreville comme correspondant et retrouver un terrain à sa convenance : le terrain, en vérité, pour un homme qui n’était pas à son affaire dans les couloirs de la Maison de la Radio.
Est évoquée avec retenue la véritable crise au sein de la radio internationale qui conduit le PDG de l’époque, Jean-Paul Cluzel, à lui proposer de prendre la direction du service Afrique de RFI. « En apprenant sa nomination, je me suis dit qu’il faisait l’erreur de sa vie », témoigne une de ses consœurs, et c’est bien ce qu’ont ressenti la plupart des collègues proches d’un Jean Hélène si peu familier des stratégies de pouvoir et à vrai dire mal préparé à la direction d’un service réputé difficile entre tous, parce que le plus stratégique au sein d’une radio si largement écoutée sur le continent. « Je ne pouvais pas refuser », aura été à maintes reprises le commentaire d’un garçon discret qui n’aime pas à trahir ses appréhensions et ses doutes, mais qui repart en poste en mars 1993 avec un sentiment de délivrance.
C’est ainsi qu’il se retrouve à Abidjan. Dans un pays en pleine turbulence, il effectue sa mission avec application mais sans grande passion, alors qu’il rêve de retourner un jour au Gabon. Ce célibataire de 50 ans y trouvera la mort un soir sinistre d’octobre..
par Thierry Perret
Article publié le 20/10/2004 Dernière mise à jour le 03/05/2005 à 06:37 TU
Jean Hélène, Ecrits d’Afrique : recueil d’articles, par Pierre-Edouard Deldique, éditions de La Martinière, 2, rue Christine, 75005 Paris (23 euros).
Cet article a été publié initialement par MFI, l'agence de presse de RFI (plus d'informations)