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Des reportages sobres au coeur de l'action

Ecrits d'Afrique de Jean Hélène (édition établie par Pierre-Edouard Deldique) est publié aux Editions de la Martinière
Ecrits d'Afrique de Jean Hélène (édition établie par Pierre-Edouard Deldique) est publié aux Editions de la Martinière
Dans Ecrits d'Afrique publié aux Editions de la Martinière, Pierre-Edouard Deldique dresse le portrait de Jean Hélène avant de nous proposer de lire ou relire les reportages de ce fou d'Afrique. Des reportages effectués pour RFI et pour Le Monde. Voici trois extraits du livre.

SOMALIE: les GIs débarquent à Mogadiscio

Jean Hélène est le témoin du débarquement des forces américaines en Somalie un soir de décembre 1992. 

RFI - 9 décembre 1992

MOGADISCIO. — 4 h 30, heure locale, les premiers véhicules amphibies attaquent la petite plage voisine de l'aéroport, sous un feu nourri de flashs, de projecteurs et de caméras vidéo. Depuis minuit. 200 journalistes au moins attendaient cet instant.

Les véhicules franchissent la barrière des dunes et prennent le contrôle effectif de la piste, des hangars et des bâtiments. ils ont été précédés, trois heures auparavant, par un commando d'une dizaine d'hommes chargés d'établir un poste avancé. Immédiatement après la deuxième vague de véhicules amphibies, deux gigantesques aéroglisseurs font une navette entre la côte et le groupe naval, déchargeant une quantité impressionnante de matériel, et, aux premières lueurs de l'aube, commence le ballet d'hélicoptères qui déposent à chaque rotation 25 hommes en moyenne sur la base établie par les « casques bleus » pakistanais.

A deux kilomètres de là, au même moment, les «marines», toujours héliportés, investissent le port de Mogadiscio. A l'heure actuelle, les hélicoptères continuent toujours de survoler le bord de mer. Un barrage a déjà été établi à quelques centaines de mètres de l'aéroport avec contrôle d'identité et des véhicules.

«Vous assistez au premier débarquement amphibie depuis la Deuxième Guerre mondiale», nous dit un officier américain.

Jean Hélène, Mogadiscio, RFI.


RWANDA: premières images du génocide

Arrivé à Kigali moins de deux jours après la mort du président Habiyarimana et le début des massacres, Jean Hélène livre l'un de ses premiers témoignages en répondant à un journaliste de RFI qui l'interroge en direct.

RFI - 9 avril 1994

KIGALI - [...]

Question: Et il y a des massacres ?
Jean Hélène :
Oui, en effet, c'est terrible, c'est horrible...

Question: Continuent-ils ?
Jean Hélène :
Oui, les massacres continuent. Je suis allé à l'hôpital, je sais que, par exemple, cet après-midi, une famille a été massacrée dans l'enceinte d'une mission religieuse où elle avait trouvé refuge. Dans l'hôpital, il y a une morgue qui déborde de cadavres qui s'empilent. Dans Ies salles d'urgence, on marche dans le sang. Il y a des blessés couverts de plaies qui gémissent. On voit des enfants, des vieillards, des femmes [...]

Question: Ces massacres se poursuivent donc, avez-vous pu déterminer qui les commet ?
Jean Hélène :
Moi, je ne suis pas allé dans les quartiers populaires où se passe l'essentiel des massacres, mais d'après les témoignages que l’on reçoit, ce sont des miliciens, essentiellement des partis extrémistes, CDR, et même des jeunes de l'ancien parti au pouvoir de M. Habyarimana.

Question: Sait-on à qui ils obéissent ?
Jean Hélène :
Difficile de savoir. On sait que la garde présidentielle tient la ville mais on ne sait pas qui est à sa tête. Des militaires participent aussi à ces massacres, d'après les témoignages que l'on a reçus.

Question: Ces massacres vous semblent-ils à caractère ethnique ?
Jean Hélène :
Oui, la communauté tutsie semble être particulièrement visée mais aussi les Hutus qui étaient dans l'opposition. Et il y a des règlements de comptes.


MONROVIA: une scène hallucinante au coeur de la guerre

La bataille fait rage dans la capitale libérienne entre les partisans du président Taylor et les forces rebelles. Sur la ligne de front, Jean Hélène est le témoin de ces combats où la cruauté le dispute à la folie.

RFI - 25 juillet 2003

MONROVIA. — Cet après-midi les combats font rage sur l'avenue Somalia pour le contrôle du pont Stockton disputé depuis quarante-huit heures entre loyalistes et rebelles. Tirs d'artillerie et d'armes légères incessants trahissent l'intensité de la bataille.

A un kilomètre de là, le général Roland Douo a installé son quartier général. «Ça va mieux aujourd'hui, car hier, à l'endroit où nous sommes, les balles sifflaient, mais nous les avons repoussés facilement. »

Une quinzaine de combattants juchés sur un véhicule reviennent du front en hurlant: «Nous avons repris le pont»; déclenchant aussitôt des chants de victoire parmi les hommes du général Douo. Mais, un instant plus tard, un autre 4x4 arrive avec deux miliciens blessés, déjà inconscients ; ils sont chargés sans ménagement à l'arrière d'un pick-up devant des combattants brusquement silencieux. Mais cela n'empêche pas les combattants de monter régulièrement au front pour la relève, coiffés d'un foulard rouge ou d'une perruque en guise de casque; ils partent à pied ou à bord de 4x4 déglingués, sans portières, le pare-brise éclaté.

Au QG, le général Douo continue de diriger l'offensive, tandis qu'à côté de lui un milicien ouvre les boîtes de munitions avant de les envoyer sur le champ de bataille. L'après-midi touche à sa fin, les tirs d'artillerie se font plus
rares. Soudain, cette scène hallucinante: un jeune milicien, kalachnikov en bandoulière, marche à découvert vers le front, tenant au-dessus de sa tête un évangile et hurlant des imprécations.

Et au même instant, revenant du front, un combattant sans armes, surexcité, brandissant un pied, un pied humain sectionné au niveau de la cheville: «C'est celui de l'ennemi que j'ai tué», répète-t-il en l'agitant comme un trophée de guerre qu'il veut aller présenter à son chef.

Jean Hélène, Monrovia, RFI



Article publié le 20/10/2004 Dernière mise à jour le 20/10/2004 à 13:52 TU

Ecrits d'Afrique, Jean Hélène, édition établie et introduite par Pierre-Edouard Deldique, Editions de la Martinière