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Chine

Elections américaines : Pékin préfère la stabilité

Photo archive de George Bush en couverture d’un magazine chinois. Le pouvoir chinois considère la stabilité internationale comme une condition préalable pour atteindre ses objectifs de croissance. 

		(Photo : AFP)
Photo archive de George Bush en couverture d’un magazine chinois. Le pouvoir chinois considère la stabilité internationale comme une condition préalable pour atteindre ses objectifs de croissance.
(Photo : AFP)
Quelle que soit l’issue du scrutin présidentiel américain, Pékin souhaite avant tout préserver la stabilité de ses relations avec Washington, tant sur les questions économiques que sur le dossier taiwanais. Le pouvoir chinois considère en effet la stabilité internationale comme une condition préalable pour atteindre ses objectifs de croissance et de développement. En ce sens, le gouvernement restera muet jusqu’au résultat de l’élection américaine du 2 novembre, même si en coulisse il a déjà choisi son camp.

De notre correspondant à Pékin.

Pékin conserve une attitude diplomatique conforme à ses habitudes : pas d’intervention, ni de prise de partie dans les affaires extérieures. Les médias chinois sont donc prudents dans leur traitement des élections américaines et restent avares en commentaires. Peu d’articles et d’analyses sur les deux candidats à la prochaine présidence américaine ne viennent remplir les colonnes des quotidiens chinois. Seuls les débats télévisés entre G.Bush et J.Kerry ont été retranscrit mais sans commentaire.

Le débat sur les « pour » ou « contre » Bush prend donc forme depuis quelques semaines sur les forums de discussion Internet. Car si le contrôle du Net chinois est toujours de rigueur, le régime laisse volontairement place à l’échange d’idées concernant les deux candidats américains. Dans ce registre les internautes n’hésitent pas à prendre parti : « Bush trop agressif » ou « Kerry trop protectionniste », c’est en substance ce qui ressort de plusieurs grands forums de discussions et reflète en fin de compte le mieux les enjeux pour la Chine de cette élection.

Bush ou Kerry quel sera donc le meilleur président pour l’avenir des relations sino-américaines ? Sur le plus grand portail Internet chinois Sina.com, chacun y va de sa remarque comme cet internaute pour qui la stabilité des relations sino-américaines repose sur la personne de Georges Bush : « Cela fait 4 ans que la Chine négocie sur tous les fronts avec Bush. L’arrivée de Kerry au pouvoir serait un retour en arrière dans les relations sino-américaines car on ne connaît pas grand chose de ce démocrate. Si Bush est réélu ce sera favorable pour l’économie chinoise, car Bush est un libéral et favorise les échanges commerciaux avec notre pays ». C’est précisément sur cette question des relations commerciales que l’inquiétude est la plus forte.

Kerry veut satisfaire les syndicats

Car si John Kerry tient ses promesses, il tentera de freiner et de décourager par des moyens fiscaux la délocalisation des entreprises américaines pour satisfaire les syndicats qui crient régulièrement à la perte d’emplois due à la fois aux délocalisations (400 000 emplois perdus vers l’Asie en 2004 dont 100 000 rien que pour la Chine) et à l’importation massive de produits textiles et informatiques. La Chine vient à cet égard de devancer le Mexique et lui ravir la deuxième place comme fournisseur des Américains en produits textiles et de confections. En 2003, la Chine a enregistré une progression de 71% de ces produits exportés vers les Etats-Unis.

Le déficit commercial américain avec la Chine n’a pas cessé de se creuser ces dernier mois atteignant en août un niveau record de 15,4 milliards de dollars. Le candidat démocrate profite ainsi de ces mauvais chiffres pour accuser Bush de ne pas avoir été assez ferme avec la Chine en matière de négociations commerciales. Rappelant que John Kerry s’est engagé à supprimer les avantages douaniers des entreprises délocalisées « son élection pourrait accroître les conflits économiques entre la Chine et les Etats-Unis », estime sur le même forum de discussion Gao Long Jiang, un professeur d’économie basé aux Etats-Unis dans l’Etat de Georgie.

Taiwan et de la Corée du Nord

Autre question d’achoppement entre les deux pays : Taiwan. Quel que soit l’heureux élu, il ne devrait pas changer le cap de la politique menée à l’égard de l’île « rebelle », à savoir la reconnaissance d’une seule Chine basée sur le principe « un pays, deux systèmes », tout en poursuivant l’armement de Taiwan. Kerry s’est pourtant engagé à continuer de fournir des armes à Taiwan tout en adoptant en public une opinion floue sur sa réelle volonté de protéger militairement l’île. Si les ventes d’armes américaines à Taiwan provoquent régulièrement la colère de Pékin, Washington n’a jamais remis en cause cette politique. Chacun devrait donc chercher à maintenir le statu quo, la Chine s’en tenant pour le moment à des déclarations de principes de plus en plus menaçantes notamment à l’approche des élections législatives taiwanaises du mois de décembre.

Inscrite sur la liste des pays faisant partis de « l’axe du mal », la Corée du Nord pourrait bénéficier dans les négociations sur ses capacités nucléaires de l’élection de Kerry. L’élection de John Kerry pourrait donc modifier la donne, le candidat démocrate ayant évoqué sa volonté d’entreprendre des pourparlers bilatéraux, ce que Bush à jusqu’à présent toujours refusé. En déplacement à Pékin, Colin Powell a réaffirmé la volonté de l’administration Bush de poursuivre dans cette voie. Pour le moment chaque round de pourparlers à six sur le nucléaire nord-coréen (Japon, Russie, Chine, Corée du Sud, Etats-Unis, Corée du Nord) s’est soldé par un échec. Pékin tente depuis plusieurs semaines le tout pour le tout afin de relancer les négociations. Dans son édition du 19 octobre, le quotidien anglophone et très officiel China Daily s’en prend indirectement à George W. Bush lui reprochant discrètement de ne pas être assez conciliant.

Seul l’hebdomadaire Sanlian Shenghuo Zhoukan a osé un pronostic assorti d’un commentaire. Dans un article relatant les différents débats télévisés entre Bush et Kerry, l’auteur affirme que « l’histoire de la politique américaine a démontré que le vainqueur de chaque élection était le candidat le plus optimiste » et conclut « qu’ il est évident que le réalisme et l’optimisme ne sont pas compatibles. Kerry est né réaliste mais Bush est né optimiste ».



par Michaël  Sztanke

Article publié le 26/10/2004 Dernière mise à jour le 26/10/2004 à 09:44 TU