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Togo

Lomé et sa banlieue sous l’eau

Dans la banlieue est de la capitale, le quartier de Kagnikopé est sous 50 cm d'eau. 

		(Photo : Guy Mario/ RFI)
Dans la banlieue est de la capitale, le quartier de Kagnikopé est sous 50 cm d'eau.
(Photo : Guy Mario/ RFI)
Lomé et ses banlieues ont les pieds dans l’eau depuis plus d’un mois. Des pluies quotidiennes s’abattent sur le sud du pays, au point de transformer certains quartiers de Lomé et ses environs en cités lacustres et rendant la circulation difficile en ces endroits.

De notre correspondant à Lomé.

Les élèves des quartiers environnants de Lomé, notamment Kagnikopé et Adamavo sont à la maison depuis quelques jours. Leurs écoles sont englouties par l’eau. Ailleurs les populations ont été délogées de leurs maisons par la masse des précipitations. Et pour mettre le nez dehors et s’approvisionner en vivres, les seuls moyens de déplacement de ces populations restent les barques et les pousse-pousse utilisés jadis pour le transports des marchandises dans les marchés. Les jeunes qui s’adonnent à cette activité avouent que c’est pour rendre servir même si quotidiennement ils gagnent entre 7 000 et 10 000 francs CFA (11 et 15 euros). Le Centre de santé de Kagnikopé et les points d’eau potable ont disparu sous l’eau obligeant les populations de s’abreuver avec les eaux de ruissellement.

Dans les quartiers d’Akodessewa et de Zoro Bar, jouxtant la zone portuaire de Lomé, le décor est tout aussi sinistre. « Nous sommes obligés d’être portés au dos pour sortir de chez nous. Cette situation dure depuis des années et nos autorités ne font rien pour endiguer cette marre qui se forme à Zoro Bar à chaque fois qu’il pleut abondamment », se plaint Jérôme, mécanicien dont l’atelier est englouti par l’eau. En tout cas, la ministre des Affaires sociales était dans ces localités sinistrées pour apporter le soutien moral du gouvernement et distribuer quelques vivres aux populations sans abris. « Mais elle n’est pas allée vers les populations vraiment sinistrées. », rétorque un habitant.

« Ça ne nous honore pas »

Les lits, les matelas et les nattes flottent sur l’eau. Les populations sont obligées de dormir à la belle étoile. Ceux qui sont plus nantis ont déménagé. « Dormir à Kagnikopé est un enfer. Il faut batailler dur avec les moustiques qui en ont fait leur terrain de prédilection », raconte le chef du quartier qui a perdu ses deux maisons complètement englouties. Les puits aussi ont été engloutis. Et les gens sont obligés de boire ces eaux sales dans lesquelles elles font également leurs toilettes. « Nous craignons dans les jours à venir une épidémie de choléra si rien n’est fait. Surtout que notre centre de santé est sous l’eau. Il faut évacuer l’eau et trouver des abris à ceux qui sont sinistrés », prévient le chef.

La sortie Est de Lomé qui mène à la frontière béninoise de Hillacondji est impraticable. La circulation sur cette voie est un véritable parcours de combattant. Des longues files d’attente de véhicules tous rouges de boue se forment sur ce tronçon. « Les courroies de ma voiture avaient quelques problèmes avant. Mais là, elles sont complètement foutues avec ces routes de guerriers. Les autorités font quoi avec toutes les  taxes et les impôts que nous payons tous les jours. En plus les étrangers qui rentrent dans le pays sont obligés de faire ce chemin de croix. Ça ne nous honore pas », s’insurge un chauffeur de taxi. C’est en effet cette unique voie qu’empruntent tous les jours les Nigérians, les Béninois qui viennent faire leurs affaires à Lomé.

Le centre-ville de Lomé n’est pas non plus épargné par ce spectacle désastreux. Les quartiers Gbadagbo, Adéwui, Hanoukopé, Bè et Agoènyivé sont inondés à chaque pluie du fait du débordement des eaux de ruissellement entraîné par l’état défectueux des caniveaux. « Depuis la rupture de la coopération avec l’Union européenne (depuis 11 ans), nous n’avons plus de financements conséquents pour l’assainissement de la ville. Nous sommes obligés de travailler avec les moyens du bord. Mais cette situation est créée par les populations elles-mêmes, d’abord en déversant leurs ordures ménagères dans les rues qui viennent boucher systématiquement les rares caniveaux qui fonctionnent », se justifie un agent de la voirie de Lomé, accusée par les populations d’inertie.

« Ils foutent quoi à la mairie-là ? »

Ces mares périodiques dans ces quartiers font la joie des conducteurs de taxi-motos, les Zémidjan, qui lavent, les mains nues leurs engins dans ces eaux sales. « Au lieu d’aller acheter un sceau d’eau pour laver ma moto,  je profite pour le faire ici gratuitement et avec autant d’eau que je veux. L’eau n’est pas propre mais cela ne va pas nous tuer », lance un conducteur de taxi-moto en plein entretien de sa moto aux feux tricolores de Gbadago. Le grand marché de Lomé ressemble plus à une porcherie, après chaque pluie, qu’à un centre commercial. Il y a de la boue partout et les voies d’accès sont impraticables. « Il faut que la municipalité arrange le grand marché et les voies qui y mènent. On peut les paver si les goudronner est trop cher. Nous faisons pas mal de recettes fiscales dans ce marché. », propose une commerçante de pagnes du grand marché.

A l’instar de ces voies, de nombreuses rues de la capitale sont dans un état piteux avec des flaques d’eau partout et des nids-de-poules à perte de vue. Le macadam a disparu sous l’effet de l’eau de ruissellement. « Ils foutent quoi à la mairie-là ? C’est à Lomé seulement qu’on peut encore voir des rues comme ça. Allez à Accra, à côté, pour voir ce qu’on appelle ‘rue’ », vocifère un conducteur de camion. La municipalité, acculée, a décidé de rassurer par communiqué interposé, affichant clairement son constat d’échec. « Depuis quelques temps, suite aux grandes pluies qui se sont abattues sur la ville, il a été constaté une dégradation avancée des rues de Lomé. En vue de colmater les nids-de-poule pour faciliter la circulation à la population, la municipalité, en collaboration avec la Direction générale des travaux publics, a répertorié toutes les rues dégradées. Malheureusement, les pluies continuent de s’abattre sur la ville et empêchent le démarrage effectif des travaux », peut-on lire dans les colonnes du quotidien national Togo Presse du 14 octobre. Les Loméens, eux, continuent leur chemin de croix en attendant un hypothétique début de réfection des voies de la capitale.



par Guy  Mario

Article publié le 27/10/2004 Dernière mise à jour le 27/10/2004 à 13:49 TU