Présidentielle américaine
L’Ohio, Etat incertain pendant quelques heures
(Photo: AFP)
Le suspense a pris fin mercredi en fin de matinée. L’état-major de campagne de John Kerry a officiellement fait savoir que le candidat malheureux avait téléphoné au président sortant pour reconnaître sa défaite à l'élection présidentielle américaine, confirmant la reconduction pour quatre ans de George Bush à la Maison Blanche. Cette annonce a tué dans l’œuf la bataille juridique que les démocrates semblaient pourtant déterminés à mener dans l’Ohio malgré la confortable avance dont bénéficiait le clan républicain dans cet Etat-charnière. Après le dépouillement de quelque 99% des bulletins de vote, le président sortant devançait en effet son rival de plus de 134 019 voix. Ce total comprenait les votes par correspondance mais pas la totalité des votes du personnel militaire et des expatriés américains. Il ne prenait surtout pas compte des fameux provisionnal balots, ces bulletins de vote provisoires mis de côté le temps de vérifier leur validité. Estimés à quelque 250 000, leur nombre pouvait faire basculer les résultats du vote et l’état-major de campagne de John Kerry a d’ailleurs très vite demandé leur décompte.
Dès les premières estimations donnant l’avantage au camp républicain, les démocrates avaient cherché à resserrer les rangs, refusant de se déclarer perdants d’avance et cela malgré le vote populaire largement favorable à George Bush. C’est ainsi que très tôt mercredi matin, John Kerry avait dépêché son colistier pour affirmer à ses partisans qu’il ne lâcherait pas la partie. «Nous avons attendu quatre années, nous pouvons attendre une nuit de plus», avait notamment lancé John Edwards, les traits tirés. «John Kerry et moi-même avons promis au peuple américain que dans cette élection chaque vote compterait et que chaque vote serait compté. Ce soir nous tenons parole et nous nous battrons pour tous les votes, vous ne méritez pas moins», avait-t-il également ajouté sonnant le début d’une bataille juridique qui s’annonçait très rude.
Une mobilisation sans précédent en Ohio
Le camp démocrate semblait en effet déterminé à obtenir le décompte des quelque 250 000 bulletins de vote dits «provisoires». Refusant d’y voir un quelconque lien avec le vote contesté de Floride il y a quatre ans et le traumatisme qui s’en était suivi, l’opposition avait insisté sur le fait qu'il s'agissait de compter la totalité des voix dans l'Ohio et non de les recompter comme ce fut le cas en 2000. Le litige ne portait pas à leurs yeux sur d’éventuelles fraudes. Le principe de ce décompte avait d’ailleurs été admis par les autorités de l’Ohio qui avaient même annoncé que les 250 000 bulletins «en attente» seraient examinés par une commission électorale mixte composée de républicains et de démocrates. Seule ombre au tableau, l’opération ne devrait pas être entreprise avant onze jours comme le prévoit la loi électorale de l’Etat. «Si l’écart de voix entre les deux candidats est inférieur au nombre des bulletins de vote provisoires alors je demanderai à chacun de prendre une profonde inspiration et de se détendre car nous ne commencerons par à compter avant onze jours», avait très tôt averti le républicain Ken Blackwell, secrétaire d’Etat de l’Ohio, l’équivalent du ministre de l’Intérieur.
Les difficultés de John Kerry dans cet Etat-clé ont surpris les démocrates qui étaient plutôt confiants après la campagne menée tambour battant par leur candidat. L’affluence record de 73% des votants –les électeurs continuaient de voter deux heures après la fermeture des bureaux de vote– avait d’ailleurs contribué à les rassurer. Bill Clinton n’avait-il pas été élu avec ce même taux de participation lors de son premier mandat en 1992 ? Sans compter que les militants avaient été très actifs notamment auprès des jeunes et des noirs qu’ils ont courtisés plus qu’ailleurs dans le pays dans la mesure où ils étaient largement susceptibles de faire pencher la balance en faveur des démocrates. L’état-major de John Kerry comptait en outre sur la crise économique que traverse l’Ohio depuis l’arrivée de George Bush pour ravir cet Etat aux républicains. En quatre ans le taux de chômage a en effet fortement augmenté passant de 4,1% en 2000 à 6% en 2004 et l’Etat a perdu 232 000 emplois depuis janvier 2001. Mais c’était sans doute sans compter sur le pouvoir de persuasion du président sortant qui le jour même de l’élection a fait un détour par l’Ohio pour convaincre les derniers indécis.
par Mounia Daoudi
Article publié le 03/11/2004 Dernière mise à jour le 03/11/2004 à 17:53 TU