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Proche-Orient

L'Afrique et Arafat

Yasser Arafat au 34e sommet de l'Organisation de l'unité africaine, en juin 1998. 

		(Photo: AFP)
Yasser Arafat au 34e sommet de l'Organisation de l'unité africaine, en juin 1998.
(Photo: AFP)
En Afrique, comme ailleurs dans le monde, le nom de Yasser Arafat est associé à la Palestine et au conflit israélo-palestinien. En Afrique, comme ailleurs, il est autant admiré que condamné. Au rythme des turpitudes entre Palestiniens et Israéliens les relations entre les pays africains et Israël se font et se défont.

Le leader palestinien entretient avec l’Afrique des relations assez particulières, en dents de scie, et qui trouvent leur origine dans la naissance de l’Etat d’israël. Trois grandes zones évoquent ces relations qui épousent, selon les endroits, des formes différentes. En Afrique du Nord c’est la solidarité de la nation arabe qui s’impose aux dirigeants. Ils prennent fait et cause pour le peuple palestinien. Yasser Arafat trouve refuge avec des milliers de palestiniens en Tunisie qui offre d’ailleurs à l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) son siège politique entre 1982 et 1994. C’est au nom de cette même cause que l’Egypte va s’engager dans des guerres, 1967 et 1973 contre Israël. Mais les relations entre le leader palestinien et l’Egypte n’ont pas toujours été au beau fixe. En 1959 Yasser Arafat avait dû quitter Le Caire pour le Koweït où il créera le Fatah. Quelques décennies plus tard, il vit comme une trahison les négociations de paix entre l’Egypte et Israël (accord de camp David) qui allaient conduire à l’assassinat en 1981 du président égyptien Anouar el Sadate. 

En Afrique au sud du Sahara, Yasser Arafat a fait les frais d’une politique offensive de l’Etat hébreu. La cause palestinienne qu’il incarne n’avait aucune prise dans l’opinion africaine des années d’indépendance. Cette partie du monde ne présentait pour lui aucun enjeu politique. D’ailleurs, les Africains avaient une certaine sympathie pour le peuple d’Israël qui venait de constituer un nouvel Etat après la seconde guerre mondiale. L’exemple des bâtisseurs de ce nouvel Etat a fasciné les dirigeants africains qui ont très rapidement noué des relations diplomatiques et commerciales avec Israël. Le Ghana de Kwame Nkroumah est l’un des premiers pays africains à établir des relations avec Israël dès la fin des années 50. Après les indépendances, dans les années 60, une quarantaine de pays africains entretenaient avec Israël des échanges dans les domaines agricole et militaire et bénéficiaient des bourses d’études pour l’enseignement supérieur. 

Le difficile choix des Africains

Mais très vite la tendance s’inverse. L’admiration pour le nouvel Etat se transforme en critiques contre un pays « colonisateur ». Mais ce revirement ne doit rien aux actions politiques d’alors de l’OLP et de Yasser Arafat. Une prise de conscience progressive des réalités proches-orientales a transformé l’opinion publique dans les Etats africains au sud du Sahara. Le droit du peuple palestinien à disposer d’une terre et être maître de son propre destin a finalement pris le dessus sur la fascination des Africains pour le jeune Etat. La solidarité continentale en faveur des pays nord-africains, soutiens indéfectibles de Yasser Arafat et de la cause palestinienne, a conduit la plupart des pays africains à rompre leurs relations diplomatiques avec Israël dans les années 70. Mais de nombreux Etats avaient maintenu des relations commerciales avec Israël dont le Zaïre (actuelle République démocratique du Congo) du défunt président Mobutu Sésé Séko. Depuis ces ruptures massives de relations avec l’Etat hébreu, l’Organisation de l’unité africaine (OUA) avait régulièrement invité le leader palestinien au sommet des chefs d’Etat africains, au titre d’observateur.  

En revanche, le Malawi, le Lesotho et le Swaziland ont passé outre les recommandations de l’OUA, devenue Union africaine (UA), en maintenant officiellement leurs relations avec Israël. Le choix de ces pays de l’Afrique australe n’avait rien de surprenant puisqu’ils étaient très liés, voire dépendants de l’Afrique du Sud. Les hommes d’affaires israéliens étaient très impliqués dans l’exploitation des mines et du diamant d’Afrique du Sud tandis que les polices des deux pays échangeaient leur savoir-faire sur la politique ségrégationniste qu’ils conduisaient et les militaires leur expertise nucléaire. «J’ai vu l’humiliation des Palestiniens aux points de passage et aux barrages routiers, souffrant comme nous quand de jeunes policiers blancs nous empêchaient de circuler», racontait l’évêque sud-africain, prix Nobel de la paix, Desmond Tutu, de retour d’une visite en Israël. Tous ces mots ont redoré le blason du chef palestinien, dont la lutte en Afrique sub-saharienne était assimilée au terrorisme.   



par Didier  Samson

Article publié le 05/11/2004 Dernière mise à jour le 05/11/2004 à 17:43 TU