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Crise ivoirienne

Ouagadougou dans l’angoisse

Les Burkinabé sont inquiets. Depuis jeudi dernier, plus un train ne circule entre Ouagadougou et Abidjan. 

		(Photo : AFP)
Les Burkinabé sont inquiets. Depuis jeudi dernier, plus un train ne circule entre Ouagadougou et Abidjan.
(Photo : AFP)
Depuis plusieurs jours, les Burkinabé ont l’oreille collée aux transistors pour suivre ce qui se passe en Côte d’Ivoire. Tout le monde est inquiet pour les nombreux parents émigrés dans ce pays. D’autant plus que la communauté burkinabé a toujours été la principale victime des actes de xénophobie et de vandalisme en Côte d’Ivoire.
De notre correspondant au Burkina Faso

Près d’une semaine après le début de nouvelles escalades en Côte d’Ivoire, le Burkina n’a toujours fait aucun commentaire officiel. Il est vrai que cette fois les ressortissants Burkinabé ne sont pas directement visés par les manifestations des « jeunes patriotes » fidèles au président Laurent Gbagbo. C’est même l’une des rares fois que la communauté burkinabée estimée à trois millions de personnes en Côte d’Ivoire ne soit  pas en première ligne dans ce genre de crise. Cependant, l’évolution de la situation est suivie heure par heure à Ouagadougou. « Je n’ai pas dormi toute la nuit », confiait un ministre au lendemain de la riposte française contre la mort de neuf de ses soldats. « On se prépare à toutes les éventualités », assurait un autre dès les premiers jours des bombardements aériens de l’armée ivoirienne sur des positions rebelles.

Lundi 8 novembre, alors que des troupes étaient déployées depuis plusieurs jours déjà à la frontière ivoirienne, une cellule de crise s’est réunie autour du premier ministre Ernest Yonli. Autour de la table, les ministres dont les départements sont concernés par la situation en Côte d’Ivoire : défense, sécurité, information, action sociale, etc. Objectif : activer les mécanismes mis en place au lendemain du 19 septembre 2002 pour faire face à tout afflux d’émigrés burkinabés désirant rentrer au pays. Le même jour, l’Assemblée nationale a interpellé le gouvernement sur la situation. Ce sont les ministres de la défense et de la sécurité qui se sont expliqué à huis-clos devant la commission des Affaires étrangères et de la défense. Aucune communication officielle n’a suivi ces deux rencontres. Sans doute, Ouagadougou veut éviter toute déclaration pouvant gêner les préparatifs du 10è sommet de la Francophonie qu’il accueille dans quelques jours, les 26 et 27 novembre 2004.

Les communications sont coupées

Pour le moment, ce sont les partis politiques et la presse qui commentent l’évolution de la situation. Le parti présidentiel, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) a, dans un communiqué publié lundi, condamné ce qu’il appelle « la politique de la terre brûlée de Laurent Koudou Gbagbo et de ses hordes de vandales et de criminels prétendus jeunes patriotes. » Par ailleurs, le CDP « invite le gouvernement à prendre toutes les dispositions appropriées pour la sauvegarde de l’intégrité territoriale du Burkina Faso et pour la préservation des intérêts [ des ressortissants burkinabés ] en Côte d’Ivoire. »

D’une manière générale, les Burkinabés saluent l’intervention française pour neutraliser les avions et hélicoptères de combat de Laurent Gbagbo. En fait, tout le monde redoutait une extension de la guerre au Burkina si jamais les forces loyalistes prenaient le dessus sur les rebelles. « À quelque chose, devrait-on dire ici, malheur est bon », estime Sidwaya le quotidien d’État qui fait ainsi référence aux neuf soldats français tués et la réaction de la force Licorne qui a suivi. « imaginez un peu, écrit L’observateur, que de frappe en frappe, les bombes de Gbagbo tombent par erreur sur le territoire burkinabé ou que des rebelles acculés replient au Burkina obligeant les FANCI à les traquer jusque-là. » « Blaise Compaoré […] aurait-il d’autre choix que d’entrer dans la danse au rythme de la canonnière ? », se demande l’éditorialiste de L’observateur.

Depuis jeudi dernier, plus un train ne circule entre les deux pays. Pas plus que les cars d’ordinaire pleins en cette période de récolte de cacao. Les deux pays sont de nouveau coupés comme aux premiers jours de l’insurrection du 19 septembre. Pis, les communications téléphoniques sont devenus difficiles. Ce qui ajoute à l’angoisse de ceux qui veulent avoir des nouvelles des parents pris dans le piège de la crise.

Autre secteur touché : l’électricité importée depuis avril 2001 du barrage de Kossou (centre de la Côte d’Ivoire) pour alimenter la région de Bobo-Dioulasso, la deuxième ville située à 150 km de la frontière ivoirienne. La fourniture de cette électricité a été brusquement interrompue en même temps que dans le nord de la Côte d’Ivoire. « Lorsque nous avons été informés, trois minutes après on a remis en marche les groupes thermiques conservés sous forme de réserve froide depuis l’interconnexion électrique entre les deux pays », explique une source gouvernementale. « Heureusement que nous n’avons pas suivi la Banque mondiale qui nous demandait de tout démanteler », fait remarquer la même source.



par Alpha  Barry

Article publié le 10/11/2004 Dernière mise à jour le 10/11/2004 à 10:33 TU