Proche-Orient
Bush et Blair veulent se réengager
(Photo : AFP)
De notre correspondant à New York
Si une école Bush des affaires internationales commence à se dégager, c’est sans aucun doute celle de la paix par la démocratie. Après avoir vanté les progrès accomplis en Irak et en Afghanistan, le président américain a proposé d’appliquer le même remède à l’autorité palestinienne. Selon lui, il n’existe « qu’une seule voie : la voie de la démocratie, de la réforme et du respect de la loi ». Aux côtés du Premier ministre britannique Tony Blair, le président Bush a réitéré sa vision de deux Etats, Israël et la Palestine, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité. Cette vision, estime-t-il, pourrait devenir réalité avant la fin de son second mandat. « Je pense qu’il est exact de dire que je crois que nous avons une chance sérieuse d’établir un Etat palestinien, et j’ai l’intention de passer les quatre prochaines années à dépenser le capital (politique) des Etats-Unis sur cet Etat » a-t-il dit en réponse à une question, en affirmant qu’il croit que « c’est possible ».
Pour le président Bush, la mort de Yasser Arafat -qu’il refusait de rencontrer- représente une chance. « Notre sympathie va au peuple palestinien alors qu’il commence une période de deuil, mais les mois à venir offrent une nouvelle opportunité pour faire des progrès vers une paix durable », a-t-il affirmé. Les Etats-Unis attendent beaucoup de l’élection présidentielle en Palestine et se disent « prêts à aider », avec les Européens, à reconstruire les infrastructures de l’autorité palestinienne, à relancer l’activité économique, à rétablir un appareil sécuritaire capable de lutter contre le terrorisme, à réformer les institutions politiques, et à combattre la corruption. « Pour être viable un Etat doit être démocratique », a pour sa part affirmé Tony Blair. « La deuxième chose est de savoir comment on y arrive, comment on permet aux Palestiniens d’y arriver. Nous ferons tout ce qu’il faut pour aider à rallier l’opinion autour de ce concept », a-t-il ajouté. Le président Bush a toutefois montré peu d’enthousiasme pour l’idée d’une conférence internationale proposée par le Premier ministre britannique. « Je suis tout à fait pour les conférences, à condition seulement que les conférences produisent des résultats », a prévenu George Bush. Si Tony Blair était venu chercher « une compensation » pour ses efforts en Irak, comme certains analystes anglais l’ont écrit, c’est raté.
« Le leadership américain dans la région n’a jamais été aussi crucial »
George Bush n’a en fait rien offert de très concret. Contrairement aux attentes de certains, il n’a pas annoncé la nomination d’un nouvel envoyé spécial pour la paix au Proche-Orient. On annonçait qu’une fois réélu (et une fois empochées les voix de l’électorat juif), il pourrait se montrer plus ferme à l’égard d’Israël. Il n’en est rien. Il se contente de soutenir le retrait de la bande de Gaza voulu par Ariel Sharon, mais sans demander le gel des colonies en Cisjordanie. Cette conférence de presse, tout en manifestant une volonté de se réengager, ne semble pas marquer un changement de tactique sur ce dossier. Dans son éditorial de vendredi, le New York Times estimait pourtant que la mort de Yasser Arafat privait l’administration Bush d’une excuse pour ne pas s’impliquer d’avantage dans la recherche d’une solution. « Le leadership américain dans la région n’a jamais été aussi crucial, et M. Bush ne peut pas échouer de nouveau », affirmait le quotidien. Le président américain ne semble toutefois pas encore prêt à discuter des frontières futures d’un Etat palestinien.
La véritable surprise est venue de son désir « d’approfondir » ses liens avec l’autre côté de l’Atlantique. Dès le début de son second mandat, après le 20 janvier, le président Bush se rendra en Europe. Passera-t-il par la France et l’Allemagne, les deux pays avec lesquels ses relations sont les plus froides ? On l’ignore encore. « Tout ce que nous espérons accomplir ensemble nécessite un partenariat rapproché de l’Amérique et de l’Europe. Nous sommes les piliers du monde libre. Nous faisons face aux mêmes menaces, et nous partageons la même foi dans la liberté et les droits de chaque individu », a-t-il affirmé. Il a également eu des mots très chaleureux pour son allié et ami Tony Blair. « Pensez-vous que le premier ministre est votre ‘caniche’, comme le lui reproche la presse anglaise ? », a demandé un journaliste britannique. « Ne répondez pas oui à cette question », a imploré Tony Blair en riant. « Nous vivons dans une époque troublée. C’est un monde difficile. Et ce dont le monde a besoin, c’est de leaders stables, solides comme la pierre, qui se fondent sur des principes, et c’est ce que représente le Premier ministre à mes yeux », a répondu un George Bush très sérieux.
par Philippe Bolopion
Article publié le 13/11/2004 Dernière mise à jour le 15/11/2004 à 07:46 TU