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Côte d'Ivoire

Le Conseil de sécurité vote les sanctions

Le conseil de sécurité des Nations Unies a voté à l'unanimité les sanctions contre la Côte d'Ivoire 

		(photo : AFP)
Le conseil de sécurité des Nations Unies a voté à l'unanimité les sanctions contre la Côte d'Ivoire
(photo : AFP)
À l’initiative de la France, le Conseil de sécurité a voté hier soir une résolution qui instaure un embargo sur les armes en Côte d’Ivoire. À partir du 15 décembre, les individus des deux camps qui s’opposent au processus de paix se verront également frappés d’une interdiction de voyager et du gel de leurs avoirs.

De notre correspondant à New York (Nations unies)

La patience française a payé. Le projet de résolution porté par Paris a été co-signé par sept autres pays, dont les Etats-Unis, et voté à l’unanimité du Conseil de sécurité. Il instaure un embargo immédiat sur les armes en Côte d’Ivoire pour une période de 13 mois durant lesquels tous les Etats sont sommés de prendre « les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente, ou le transfert directs ou indirects, depuis leurs territoires ou par leurs nationaux, (…) d’armes et de tout matériel connexe, notamment d’aéronefs (avions ou hélicoptères) militaires ». La résolution étant placée sous chapitre 7 de la charte de l’ONU, l’usage de la force peut-être requis pour faire respecter cet embargo, qui empêchera le président Gbagbo de reconstituer son aviation, détruite par les troupes françaises, mais empêchera aussi les Forces nouvelles de se ravitailler en armes et en munitions.

Pour plusieurs dirigeants ivoiriens qui font obstacle à la pacification du pays dans les deux camps, le compte à rebours a commencé. Ils ont exactement un mois pour remettre le processus de paix sur les rails. Si d’ici là, ils n’ont pas rempli « toutes les dispositions de l’accord d’Accra III auxquelles ils ont souscrit » et ne se sont pas « engagés sur la voie de l’application intégrale de l’accord de Linas-Marcoussis », ils seront automatiquement frappés de sanctions (pour enrayer le processus, il faudrait une nouvelle résolution, votée avant le 15 janvier et à laquelle la France pourrait opposer son veto). Leurs fonds, leurs avoirs financiers et leurs ressources économiques seront gelés, et ils seront interdits de voyages. Sont visés par la résolution ceux qui « entravent » l’application des accords de paix, ceux qui « seraient reconnus responsables de violations graves des droits de l’homme, ceux qui « incitent publiquement à la haine et à la violence ». Ces personnes ne sont pas encore nommées. Elles seront choisies par un comité du Conseil de sécurité, composé de tous les membres du Conseil et qui s’appuiera notamment sur un rapport attendu du Haut commissariat aux droits de l’homme sur les exactions commises dans le pays depuis le début de la crise. Et même si les noms ne sont pas encore connus, selon les diplomates il y a des candidats assez évidents dans les deux camps.

Une résolution « injuste » pour Abidjan

Par ailleurs, la résolution « condamne les frappes aériennes engagées par les Forces armées de Côte d’Ivoire (Fanci) qui constituent des violations flagrantes de l’accord de cessez-le-feu du 3 mai 2003 » et « renouvelle son plein appui aux actions menées par l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) et les forces françaises, conformément au mandat qui leur a été assigné dans la résolution 1528 ». Les « médias de la haine » sont également visés par le Conseil de sécurité qui « exige que les autorités ivoiriennes mettent un terme à toutes les émissions de radio et de télévision incitant à la haine, à l’intolérance et à la violence ».

Pour la France, il s’agit d’une victoire diplomatique presque complète, empochée en un peu plus d’une semaine. Tout n’était pourtant pas gagné d’avance. Lorsque Paris a présenté il y huit jours son projet de sanctions immédiates contre la Côte d’Ivoire, il y a eu des résistances, notamment du côté de la Chine et la Russie. Pour les convaincre, il a fallu élaborer un nouveau texte prévoyant un mécanisme de sanctions à retardement qui accordait un sursis d’un mois aux Ivoiriens. Alors que ce texte était sur le point d’être voté, en milieu de semaine dernière, ce sont les pays africains qui ont demandé un nouveau délai, pour donner une chance à la médiation du président sud-africain Thabo Mbeki. Puis ce sont ces mêmes Africains, par la voix de l’Union africaine, qui ont demandé l’instauration d’un embargo sur les armes, mais cette fois immédiat. La patience de la France a donc fini par payer : l’embargo sur les armes est déjà en place, sauf progrès substantiel les sanctions individuelles s’appliqueront automatiquement le 15 décembre, et l’ONU offre un soutien inconditionnel à l’action de Paris en Côte d’Ivoire.

« Les parties ivoiriennes ont pris des engagements, et ces engagements ne sont pas tenus. Donc le conseil de sécurité a estimé qu’il était nécessaire désormais de prendre des mesures afin d’inciter les parties à respecter ces engagements », a expliqué l’ambassadeur de France à l’ONU Jean-Marc de La Sablière. Le gouvernement ivoirien semblait pour sa part accepter, quoique de mauvaise grâce, cette résolution. « Cette résolution est pour nous injuste, à aucun moment la Côte d’Ivoire n’a été entendue, et comme le disait Jean de La Fontaine, la raison du plus fort est toujours la meilleure. (…) Tout a été fait sur la base de la présentation faite par la France, alors qu’elle est partie prenante au conflit », a déclaré l’ambassadeur ivoirien à l’ONU, Philippe Djangone-Bi, avant de poursuivre : « Nous sommes membres de l’organisation des Nations unies, et le Conseil de sécurité a pris une décision, nous en prenons acte, et en tant que pays responsable, membre de l’organisation, nous allons évidemment l’appliquer ». Au cours des jours qui viennent, le Conseil de sécurité va élaborer la liste des individus qui seront frappés de sanctions et mettre en place un mécanisme pour surveiller le respect de l’embargo sur les armes.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 16/11/2004 Dernière mise à jour le 16/11/2004 à 11:59 TU

Audio

Claude Cirille

Journaliste à RFI

«L'Union africaine, parfois accusée d'être timorée dans le réglement des crises africaines, avait donné le ton en demandant avant hier que cet embargo soit appliqué immédiatement»

[16/11/2004]