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Sommet de la francophonie: Ouagadougou 2004

Les précédents sommets de la Francophonie

Séance d'ouverture du sommet de la Francophonie de Beyrouth, au Liban. 

		(Photo: AFP)
Séance d'ouverture du sommet de la Francophonie de Beyrouth, au Liban.
(Photo: AFP)

1er Sommet de la Francophonie : Versailles 17/19 février 1986 -Vers un Commonwealth à la française ?

Les 42 participants

16 chefs d’Etat

Burundi : Jean-Baptiste Bagaza
Centrafrique : André Kolingba
Comores : Ahmed Abdallah Abderemane
Côte d’Ivoire : Félix Houphouët-Boigny
Djibouti : Hassan Gouled Aptidon
France : François Mitterrand
Gabon : Omar Bongo
Guinée-Bissau : Joao Bernardo Vieira
Liban : Amine Gemayel
Madagascar : Didier Ratsiraka
Mali : Moussa Traoré
Mauritanie : Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya
Rwanda : Juvénal Habyarimana
Sénégal : Abdou Diouf
Togo : Gnassingbé Eyadéma
Zaïre : Mobutu Sese Seko

10 chefs de gouvernement

Belgique : Wilfried Martens
Canada : Brian Mulroney
Luxembourg : Jacques Santer
Monaco : Jean Ausseil
Niger : Hamid Algabid
Nouveau-Brunswick : Richard Hatfield
Québec : Robert Bourassa
Sainte-Lucie : John Compton
Tunisie : Mohamed Mzali
Vanuatu : Walter Lini

16 autres chefs de délégation

Belgique : Philippe Monfils, ministre - président de la Communauté française
Bénin : Girigissou Gado, ministre de l’Equipement et des transports
Burkina Faso : Henri Zongo, ministre de la Promotion économique
Congo : Antoine Ndinga-Oba, ministre des Affaires étrangères
Dominique : Eugénia Charles
Egypte : Boutros Boutros-Ghali, ministre des Affaires étrangères
Guinée : Jean Traoré, ministre des Affaires étrangères
Haïti : Rosny Desroches, ministre de l’Education nationale
Laos : Thongsay Bodhisane, ambassadeur en France
Louisiane : Darrel Hunt, commissaire adjoint au Budget
Maroc : Abdellatif Filali, ministre des Affaires étrangères
Maurice : Gaétan Duval, vice-Premier ministre
Seychelles : Jacques Hodoul
Suisse : Edouard Brenner, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères
Tchad : Gouara Lassou, ministre des Affaires étrangères
Vietnam : Cu Huy Can, ministre délégué

 La conférence

Pour sa première édition, c’est dans les décors somptueux du château de Versailles que s’est ouvert le Sommet des pays ayant en commun l’usage du français - communément baptisé Sommet de la Francophonie - que ses initiateurs, tel Léopold Sédar Senghor, prévoyaient comme une sorte de Commonwealth à la française.

"La Francophonie est une communauté désireuse de compter ses forces pour affirmer ses ambitions" a, alors, déclaré le président François Mitterrand, en ouvrant les travaux de ce premier Sommet. Le chef de l’État français a, ensuite, fait valoir que la communauté francophone, "dont l’identité est menacée", se devait d’avoir "un réflexe vital contre la mortelle abolition des différences", sous peine d’"être très souvent condamnée à un rôle de sous-traitant, de traducteur ou d’interprète... Nous sommes là autour d’une langue porteuse d’une culture, d’une civilisation à laquelle chacun ajoute son propre apport..." Et d’appeler les participants à la conférence "à collaborer, coopérer, co-produire et à rendre plus fertile un patrimoine commun dont nous savons que la diversité est la première richesse... Nous sommes au commencement d’une oeuvre durable qui s’inscrira dans les temps qui viennent, car, au travers d’une langue commune, c’est un mouvement de la pensée, c’est toute une action qui se dessine..."

Pour le Premier ministre canadien, Brian Mulroney, un des promoteurs de ce Sommet, depuis qu’il a réglé le vieux différend qui opposait le Canada et le Québec sur le niveau de la représentation : "Pour ne pas décevoir, ce Sommet doit imprimer un second souffle à la Francophonie, l’engager dans les voies de l’avenir et déboucher sur des résultats visibles et palpables..." En soulignant que son pays pensait particulièrement à l’informatique, aux banques de données linguistiques et à la traduction automatique.

Entre autres intervenants, le Premier ministre tunisien, Mohamed Mzaki, a, quant à lui, rappelé que "nos cultures sont en péril" et qu’il est "vital de constituer un rassemblement économique, scientifique et technologique qui puisse, en l’absence d’un véritable dialogue Nord-Sud, établir une solidarité concrète entre pays riches et pays démunis... Dans la concertation, nous pensons pouvoir établir un front contre la pauvreté".

Pour sa part, le Premier ministre québécois, Robert Bourassa, propose d’examiner, d’une manière approfondie, la possibilité d’établir "un nouveau Plan Marshall" qui permettrait le transfert des surplus alimentaires accumulés à grands frais par les pays riches aux pays du Tiers-monde qui en ont besoin".

Dans un message adressé au Sommet par le chef de l’Etat burkinabé - représenté par son ministre de la Promotion économique - le capitaine Thomas Sankara souligne que la langue française a d’abord été celle du colonisateur, et qu’aujourd’hui, son pays l’utilise "non plus comme le vecteur d’une quelconque aliénation culturelle, mais comme un moyen de communication avec les autres peuples". La langue française, doit, selon lui, "accepter les autres langues comme expressions de la sensibilité des autres peuples". Et de conclure en affirmant que son pays "attend beaucoup de la culture des autres pour s’enrichir davantage..."

Bien évidemment, des sujets plus politiques et économiques ont également été abordés. Ainsi, le président sénégalais, Abdou Diouf, président en exercice de l’OUA, a demandé "l’application effective et immédiate des sanctions économiques contre l’Afrique du Sud", seul moyen de "mettre rapidement fin à l’apartheid", et proposé la tenue d’une conférence internationale sur l’Afrique du Sud le 16 juin 1986, date du dixième anniversaire du soulèvement de Soweto.

Abordant, ensuite, le problème de la dette africaine, le chef de l’Etat sénégalais a mis, une nouvelle fois, en avant l’idée d’une taxation des activités d’armement, qui serait redistribuée au profit du développement.

Le président malgache, Didier Ratsiraka, a, quant à lui, rappelé la proposition d’une conférence internationale sur la dette africaine, dont le principe avait été retenu lors du dernier Sommet franco-africain en décembre 1985.

 Les décisions pratiques

Voici le résumé des principales "décisions pratiques" - vingt-huit au total - du Sommet francophone, annoncées par M. Mitterrand mercredi 19 février. Un "comité du suivi" a été constitué pour surveiller l’application de ces mesures : il comprend la Communauté française (Bruxelles-Wallonie) de Belgique, le Burundi, le Canada, les Comores, la France, le Liban, le Maroc, le Québec, le Sénégal et le Zaïre.

- Création d’une "agence internationale francophone d’images de télévision" (actuellement 98 % d’entre elles sont fournies par des agences anglo-saxonnes). Financement, 16 millions de FF par an, dont 5 millions fournis par la France ;
- la télévision par câble TV5 (France, Belgique, Suisse romande, Canada et Québec) verra son champ de diffusion étendu à l’Amérique du Nord, la Méditerranée et l’Afrique (le Maroc peut déjà la capter). Mise française supplémentaire : 29 millions de FF ;
- à partir de 1987, la France ouvrira à des "programmes francophones" l’un des quatre canaux disponibles sur le futur satellite de télévision directe TDF 1 ;
- constitution d’un groupe de travail qui remettra en 1986 son rapport sur l’extension au monde francophone des banques de données linguistiques par vidéotexte ;
- étude de l’utilisation du vidéodisque par l’enseignement médical dans dix facultés francophones, à partir de l’expérience de l’hôpital parisien de la Salpêtrière ;
- tenue à Paris, tous les deux ans, en même temps que le Salon du livre, d’un "Salon du livre francophone" sur 400 mètres carrés. Coût : 3 millions de FF fournis par la France ;
- lancement, à la demande expresse du Vietnam, d’une collection populaire de cent titres d’auteurs de graphie française :
- réalisation d’une "maquette de fonctionnement de la langue" pour le traitement automatique des textes. Coût : 20 millions de FF dont la moitié fournie par Paris. Création d’un prix international d’innovation linguistique (part de la France : 100 000 F) ;
- appui financier au "programme photovoltaïque" des pays du Sahel africain en faveur de la maîtrise des petites techniques énergétiques. Coût : 5 à 10 millions de FF par an ;
- institution d’un baccalauréat francophone international ;
- création de "centres de formation d’agronomes en milieu rural" (participation française : 8 millions de FF en quatre ans), et, sur demande tunisienne, de "centres de formation artisanale" (participation française: 15 millions de FF sur cinq ans) ;
- renforcement de la concertation entre délégations francophones au sein du système des Nations unies.

2ème Sommet de la Francophonie : Québec 2/4 septembre 1987 - Vers une "institutionnalisation" de la Francophonie

Les 41 participants

16 chefs d’État

Bénin : Mathieu Kérékou
Burundi : Jean-Baptiste Bagaza
Comores : Ahmed Abdallah Abderemane
Djibouti : Hassan Gouled Aptidon
France : François Mitterrand
Gabon : Omar Bongo
Guinée : Lansana Conté
Guinée-Bissau : Joao Bernardo Vieira
Liban : Amine Gemayel
Madagascar : Didier Ratsiraka
Mali : Moussa Traoré
Mauritanie : Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya
Rwanda : Juvénal Habyarimana
Sénégal : Abdou Diouf
Togo : Gnassingbé Eyadéma
Zaïre : Mobutu Sese Seko

10 chefs de gouvernement

Belgique : Wilfried Martens
Canada : Brian Mulroney
Dominique : Maria Eugenia Charles
France : Jacques Chirac
Luxembourg : Jacques Santer
Monaco : Jean Ausseil
Niger : Hamid Algabid
Nouveau-Brunswick : Richard Hatfield
Québec : Robert Bourassa
Sainte-Lucie : John Compton

15 autres chefs de délégation

Belgique : Philippe Monfils, ministre-président de la Communauté française
Burkina Faso : Djibrima Barry, ambassadeur en France
Centrafrique : Jean-Louis Psimhis, ministre des Affaires étrangères
Congo : Antoine Ndinga-Oba, ministre des Affaires étrangères
Côte d’Ivoire : Siméon Aké, ministre des Affaires étrangères
Egypte : Boutros Boutros-Ghali, ministre des Affaires étrangères
Haïti : Luc Hector, membre du Conseil national de gouvernement
Laos : Kithong Vougsay, ambassadeur à l’ONU
Maroc : Abdellatif Filali, ministre des Affaires étrangères
Maurice : Chitmansing Jesseramsing, haut-commissaire au Canada
Seychelles : Danielle de Saint-Jorre, secrétaire d’Etat
Suisse : Edouard Brenner, secrétaire d’État aux Affaires étrangères
Tchad : Hissein Grinky, ministre de la Culture
Tunisie : Hedi Mabrouk, ministre des Affaires étrangères
Vietnam : Nguyen Huu Tho, vice-président du Conseil d’Etat

 La conférence

Le Sommet de Québec a adopté, dès le premier jour, une série de neuf résolutions sur la politique internationale, qui, certes, apportent peu de nouveautés sur le plan diplomatique, mais témoignent de la vigueur du jeune mouvement francophone et de sa volonté de s’affirmer comme forum international. Ces résolutions portent sur le Tchad, le Liban, l’Afrique du Sud, la situation économique internationale, Haïti, la politique agricole, l’environnement, la guerre Iran-Irak et le Moyen-Orient. Sur ce dernier point, le Canada a fait bande à part, en émettant des réserves sur la reconnaissance du "droit des Palestiniens à l’autodétermination", expression qu’il souhaitait voir remplacer par la notion de "foyer national".

Sur le Tchad, les participants ont évité toute allusion à la situation politique et militaire, se bornant à créer un fonds pour l’éducation, qui est laissé à la générosité des pays. Le Canada a annoncé qu’il doterait ce fonds d’un million de dollars canadiens (4,60 millions de FF).

Une formule similaire a été retenue pour le Liban.

Les participants demandent à l’Iran et à l’Irak l’application "sans délai" de la résolution adoptée le 20 juillet dernier par le Conseil de sécurité de l’ONU appelant à un cessez-le-feu immédiat.

L’Afrique du Sud est condamnée pour sa politique d’apartheid et les francophones demandent à Pretoria d’ouvrir, sans attendre, des négociations avec la majorité noire. Les pays francophones "s’engagent à maintenir les pressions économiques et politiques sur le gouvernement d’Afrique du Sud", précise la résolution qui demande aux autorités de Pretoria d’entamer "des négociations avec les représentants authentiques de la majorité noire et les autres composantes de la société sud-africaine".

"Le gouvernement d’Afrique du Sud doit clairement déclarer son intention de démanteler l’apartheid, mettre fin à l’état d’urgence, libérer tous les prisonniers politiques (y compris Nelson Mandela) et lever l’interdit frappant le Congrès national africain (ANC) et d’autres organisations politiques anti-apartheid", déclarent encore les participants au Sommet francophone.

Sur ce dossier de l’apartheid, une mesure concrète a été décidée par les francophones, qui consiste à mettre en place un système de "bourses d’études pour venir en aide aux victimes de l’apartheid".

Le Canada a offert 260 000 dollars pour participer à cette action de "solidarité".

La situation économique mondiale et la dette sont abordées en termes très généraux, les participants estimant que cette dernière pose des "problèmes extrêmement difficiles et nécessite un traitement spécial".

Les participants ont, enfin, adopté deux résolutions sur la lutte contre la désertification et les calamités naturelles. La résolution sur Haïti ne dit pas un mot de la difficile situation politique de l’île, mais s’attache aux problèmes de reboisement du pays.

Au premier Sommet de Paris, les francophones avaient été nettement moins ambitieux, se contentant d’une seule résolution, sur l’Afrique du Sud. Celles de Québec prouvent que si, en raison de la diversité des régimes qui composent le mouvement, ils ne peuvent avoir de position très tranchée, ils n’hésitent plus à débattre des grands problèmes mondiaux.

 Les décisions pratiques

Contrairement au Sommet de Paris, en février 1986, où les "bonnes" résolutions des participants à la première "Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement ayant en commun l’usage du français", étaient, de l’avis général, trop nombreuses, à Québec, les dirigeants francophones se sont attachés à mettre sur pied des projets concrets et réalisables à court terme. Preuve de cet effort : alors qu’en deux ans (1986-1987), 270 millions de FF (46 millions de dollars) ont été dépensés pour la Francophonie, c’est un montant sensiblement égal qui sera affecté à des programmes pour la seule année 1988, la France et le Canada ayant décidé de doubler leur mise.

Cinq secteurs d’activité "porteurs d’avenir" ont été retenus : l’agriculture, l’énergie, la culture et les communications, l’information scientifique et le développement technologique, ainsi que les industries de la langue (technologies appliquées au français). L’accent a été surtout mis sur la formation, l’audiovisuel, les banques de données, et, d’une manière générale, toute l’informatique.

Par ailleurs, les institutions multilatérales de la Francophonie demeurent pratiquement inchangées. Ainsi, le Sommet a décidé de "maintenir l’existence et les fonctions d’un Comité du suivi chargé expressément de "transmettre systématiquement les comptes rendus des séances à l’ensemble des membres du Sommet, afin qu’ils puissent exprimer des suggestions et observations".

Comme prévu depuis la réunion ministérielle de Bujumbura, en juillet 1987, un Comité consultatif conjoint sera créé, comprenant le Comité du suivi assisté des chefs de réseau et le Secrétaire général de l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) assisté de ses directeurs généraux et du contrôleur financier.

Ce Comité consultatif sera chargé de donner des avis sur la programmation des décisions du Sommet et d’établir les modalités d’un appui technique de l’ACCT au Comité du suivi.

L’ACCT est chargée de l’exécution des actions décidées par le Sommet, soit sur son budget ordinaire, soit grâce à un financement complémentaire. Les Etats contributeurs pourront créditer soit directement leurs comptes, soit des comptes spéciaux créés auprès de l’ACCT, la préférence allant à la deuxième solution.

Le Comité du suivi est chargé, pour sa part, d’examiner avant le Sommet de Dakar, en 1989, les rôles respectifs de l’ACCT, des réseaux et des autres organismes de la Francophonie et d’étudier, notamment, la possibilité d’intégrer les réseaux à l’ACCT. Les travaux du Comité du suivi seront présidés par le Canada jusqu’au prochain Sommet, la France et le Sénégal assurant la vice-présidence.

Le Canada a aussi profité de la tribune du Sommet pour annoncer spectaculairement qu’il effaçait la totalité de la dette publique de sept pays de l’Afrique francophone sub-saharienne. Cette mesure, qui représente 246 millions de dollars américains, touche même le Cameroun qui n’est pas membre du mouvement, mais où les investissements canadiens sont très importants. Les autres pays sont le Sénégal, le Zaïre, Madagascar, le Congo, la Côte d’Ivoire et le Gabon.

Enfin, la Francophonie s’est dotée d’une "Déclaration de solidarité francophone", mise au point par le Canada et le Québec. Cette charte de la Francophonie affirme les grands principes de solidarité et de compréhension mutuelle entre tous les pays membres, et leur volonté de relever les défis qui s’imposent aux francophones, s’ils veulent que leur seul lien, le français, continue de jouer son rôle de deuxième langue de communication mondiale.

Avec la fixation des Sommets à un rythme désormais régulier - tous les deux ans - la Francophonie s’est, en quelque sorte, institutionnalisée. Si elle n’a pas encore d’hymne officiel, elle a désormais un drapeau. En effet, sur proposition du Niger, le Sommet a adopté, comme couleurs permanentes du mouvement, l’emblème de la conférence de Québec, formé, sur fond blanc, d’un cercle composé de parties rouge, bleu, jaune, vert et violet, symbolisant les cinq continents.

3ème Sommet de la Francophonie : Dakar 24/26 mai 1989 - L’enracinement en terre africaine

Les 41 participants

17 chefs d’Etat

Bénin : Mathieu Kérékou
Burkina Faso : Blaise Compaoré
Burundi : Pierre Buyoya
Comores : Ahmed Abdallah Abderemane
Côte d’Ivoire : Félix Houphouët-Boigny
Djibouti : Hassan Gouled Aptidon
France : François Mitterrand
Gabon : Omar Bongo
Guinée : Lansana Conté
Guinée-Bissau : Joao Bernardo Vieira
Guinée équatoriale : Obiang Nguema Mbansogo
Mali : Moussa Traoré
Niger : Ali Saïbou
Rwanda : Juvénal Habyarimana
Sénégal : Abdou Diouf
Togo : Gnassingbé Eyadéma
Zaïre : Mobutu Sese Seko

9 chefs de gouvernement

Belgique : Wilfried Martens
Belgique : Valmy Feaux, ministre-président de la Communauté française
Canada : Brian Mulroney
Dominique : Maria Eugenia Charles
Maroc : Azzedine Laraki
Monaco : Jean Ausseil
Nouveau-Brunswick : Franck McKenna
Québec : Robert Bourassa
Tunisie : Hedi Baccouche

15 autres chefs de délégation

Cameroun : Luc Ayang, président du Conseil économique et social
Cap-Vert : H. Almada, ministre de la Formation, de la Culture et des Sports
Centrafrique : Jean-Louis Psimhis, ministre des Affaires étrangères
Congo : Jean-Baptiste Tati-Loutard, ministre de la Culture et des Arts
Egypte : Boutros Boutros-Ghali, ministre d’État aux Affaires étrangères
Haïti : Yvon Perrier, ministre des Affaires étrangères
Laos : Soubanh Srithirath, vice-ministre des Affaires étrangères
Liban : Abel Ismail, ambassadeur auprès de l’UNESCO
Luxembourg : Robert Krieps, ministre des Affaires culturelles et de la Justice
Madagascar : Jean Bémananjara, ministre des Affaires étrangères
Maurice : Satcam Boolell, vice-Premier ministre
Seychelles : Danielle de Saint-Jorre, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères
Suisse : Klaus Jacobi, secrétaire d’Etat aux Affaires extérieures
Tchad : Ibn Oumar Acheik, ministre des Relations extérieures
Vietnam : Nguyen Huu Tho, vice-président du Conseil d’Etat

La conférence

Le Sommet de Dakar, le premier en terre africaine, entend ancrer plus fortement la Francophonie dans le Sud pour illustrer sa diversité linguistique et culturelle. Pour le chef de l’Etat sénégalais, président du pays-hôte, ce Sommet est celui "de la consolidation, de l’élargissement, de la maturité et de l’enracinement en terre africaine".

Le président Mitterrand a créé l’événement, dès le premier jour du Sommet, en se proposant d’effacer la dette publique - quelque 16 milliards de FF - qui est due à la France par 35 pays africains les plus pauvres. Pour le chef de l’Etat français, "la France fait ce qu’elle peut dans son domaine, mais il y a d’autres initiatives à prendre entre pays riches pour attaquer le mal à la racine et aller à la source des difficultés des pays en développement... Il faut également que les pays du Sud veillent à ne pas retomber dans le cycle infernal de l’endettement, ils en ont conscience..."

Le Premier ministre canadien, Brian Mulroney a, lui aussi, longuement insisté sur le nécessaire élargissement du dialogue Nord-Sud pour une solution du problème de l’endettement et la promotion de la protection de l’environnement.

Le chef de l’État malien, Moussa Traoré, président en exercice de l’OUA, a, pour sa part, insisté sur les zones de conflit, qu’elles se situent en Afrique australe ou au Proche-Orient.

En ce qui concerne la crise entre le Sénégal et la Mauritanie - dont la chaise est restée vide pendant les trois jours du Sommet - le président Abdou Diouf a fait preuve d’esprit de conciliation, en affirmant fortement qu’il faut négocier, et que son pays "ne veut pas la guerre". Le président Mitterrand - dont le ministre des Affaires étrangères, Roland Dumas, a rencontré le président mauritanien à Nouakchott, le 25 mai - a appelé, lui aussi, à la négociation entre les deux pays, sous l’égide de l’OUA, et assuré que "la France ferait tout pour faire avancer les choses..."

Dans une longue intervention consacrée à l’économie, le président ivoirien, Félix Houphouët-Boigny, a notamment traité de la baisse des prix des matières premières et des préoccupations des Etats africains à ce propos. Un sujet qui, avec l’endettement et les problèmes d’environnement, a occupé la majeure partie des débats.

La condamnation de l’apartheid, le maintien en détention de nombreux prisonniers politiques, notamment Nelson Mandela, le droit à l’indépendance de la Namibie et à l’autodétermination du peuple palestinien, la nécessité urgente de rétablir la paix au Liban, le cessez-le-feu intervenu le 20 août 1988 entre l’Iran et l’Irak ont également fait l’objet de résolutions du Sommet, tout comme l’utilisation du français dans les organisations internationales et la défense de l’environnement.

Après Paris et Québec, Dakar a incontestablement constitué un tournant : la Francophonie n’est plus ce cénacle préposé à la défense et à l’illustration de la langue française. Elle est devenue une force publique et économique qui entend désormais peser sur la balance des relations internationales.

Les décisions pratiques

Le Sommet a décidé, sur proposition du Canada, la création d’un fonds spécial pour la protection de l’environnement. En outre, le Canada, par le biais de l’Agence canadienne de développement international, annonce qu’il consacrera 5,5 millions de dollars à la mise sur pied d’un réseau agro-forestier destiné à appuyer les services nationaux du Sénégal, du Mali, du Burkina Faso et du Niger.

Les autres domaines essentiels d’action retenus par le Sommet de Dakar concernent la formation, la communication, avec, notamment, l’extension de TV5 en Afrique et la diffusion de Canal France International, une banque de programmes française dans laquelle les télévisions des différents États peuvent choisir ce qui les intéresse.

Outre la remise des dettes publiques de 35 pays africains les moins avancés - quelque 16 milliards de FF - la France a décidé de porter sa contribution totale, pour le suivi du Sommet de Dakar, à 237 millions de FF par an, soit le double de la contribution du Canada qui est de 280 millions de FF pour deux ans et demi.

Le Sommet de Dakar s’est également attaché à institutionnaliser les instances du mouvement francophone :

Le Comité international du suivi (CIS) :

. il est maintenu dans l’intégralité de ses fonctions et de ses pouvoirs : assume son rôle d’arbitrage et d’évaluation des actions confiées aux opérateurs directs du Suivi du Sommet et fait rapport aux chefs d’Etat et de gouvernement ;

. il demeure l’instance finale de coordination et de décision, sous l’autorité des chefs d’Etat et de gouvernement, approuve les projets et affecte les budgets. En conséquence, l’ACCT et les autres opérateurs directs, s’agissant des fonds du Sommet, doivent lui soumettre leurs propositions ;

. il reflète la diversité de l’espace francophone, et assure une rotation suffisante, tout en garantissant la continuité des travaux.

Le Comité international de préparation (CIP):

. il constitue l’instance finale de préparation des propositions de programmation et d’affectation budgétaire à présenter aux Sommets. L’ACCT et les autres opérateurs directs lui proposent les différents projets. Tous les pays participant aux Sommets en sont membres.

L’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) :

. elle constitue, par sa qualité d’unique organisation intergouvernementale de la Francophonie découlant d’une convention, une garantie institutionnelle pour la dimension multilatérale devant présider à la conception et à la mise en oeuvre des projets découlant des décisions des chefs d’État et de gouvernement ;
. elle continue d’exercer les rôles d’animation, de consultation et de concertation du monde francophone, tels que prévus à sa charte ;
. elle doit enrichir sa mission actuelle par l’intégration, en son sein, du rôle et de la fonction des réseaux du CIS. Il est entendu que la participation à ces réseaux demeure ouverte, sans restriction aucune, à l’ensemble des Etats et gouvernements présents aux Sommets ;
. elle se voit, en conséquence, investie du mandat de proposition, de programmation et de suggestion d’affectation budgétaire ; propositions et suggestions à être soumises au CIS et au CIP selon le cas. En vertu de ce mandat, le secrétaire général de l’ACCT participe, de plein droit, aux séances du CIS, du CIP et au volet Coopération des Conférences ministérielles préparatoires ;
. elle accueille et gère, dans une perspective de multilatéralisme et de simplification budgétaire, un fonds multilatéral unique destiné au financement des actions engagées par les Sommets. Ce fonds est distinct de son budget régulier.

Les Conférences ministérielles

L’ACCT assume la responsabilité de la préparation et du Suivi de toutes les Conférences ministérielles sectorielles convoquées dans le cadre des Sommets. Les Conférences ministérielles permanentes (CONFEJES - Conférence des ministres de la Jeunesse et des Sports des pays d’expression française, et CONFEMEN - Conférence des ministres de l’Education des pays ayant en commun l’usage du français), tout en conservant leur autonomie, sont invitées à collaborer étroitement avec l’ACCT dans le cas de Conférences élargies aux autres membres de l’Agence qui ne font pas partie de ces deux Conférences permanentes.

Les organes subsidiaires

Lorsque la mise en oeuvre de projets à long terme nécessite la création d’une structure spécialisée dotée d’une personnalité juridique, l’ACCT est invitée à examiner l’opportunité de créer des organes subsidiaires ouverts à l’adhésion de l’ensemble des participants du Sommet, comme elle l’a fait pour l’Institut de l’énergie.

Les autres opérateurs

Lorsque la mise en oeuvre des projets à long terme nécessite le choix d’opérateurs à mission spécialisée, le Sommet en décide, à l’exemple de ce qui a été fait à Paris et à Québec dans le cas de l’Association des Universités partiellement ou entièrement de langue française (AUPELF), de TV5 et du Centre d’échanges multilatéraux d’actualités francophones (CEMAF).

Le mandat spécifique confié à l’AUPELF lui confère la qualité d’opérateur multilatéral privilégié du programme majeur UREF (Université des réseaux d’expression française) concernant la recherche universitaire et l’enseignement supérieur. Il en va de même pour TV5 et le CEMAF dans les domaines spécifiques de leur compétence.

Le Comité consultatif conjoint (CCC)

Créé au Sommet de Québec et réunissant le CIS et l’ACCT, le CCC est élargi aux autres opérateurs directs, afin de favoriser la concertation et l’information réciproques une fois l’an.

Le monde associatif

Les chefs d’État et de gouvernement reconnaissent la contribution du monde associatif multilatéral francophone. Ils estiment qu’il doit être renforcé dans son rôle de relais. A cet effet, une réunion d’information annuelle avec le CIS lui sera réservée. De plus, le Sommet francophone souhaite que les instances de l’ACCT procèdent à l’examen d’une réforme du Conseil consultatif de l’Agence, réforme faisant de cet organe le lieu fonctionnel de rencontres et d’échanges des associations francophones multilatérales et l’instrument de coordination entre elles. Cette réforme devrait tenir compte des rôles divers de chaque catégorie d’association. Elle pourrait être complétée par la création d’un poste permanent d’agent de liaison chargé des associations, auprès du secrétaire général de l’ACCT.

L’Association internationale des parlementaires de langue française (AIPLF)

Le Sommet francophone tient à reconnaître le rôle éminent que l’AIPLF, seule organisation interparlementaire des pays francophones, joue dans la construction et le développement de la Francophonie. La représentation des Parlements qu’elle constitue, l’influence qu’elle exerce sur l’opinion, ainsi que les actions de coopération qu’elle a menées, sont un élément important de stimulation pour le succès des projets décidés par les Sommets. Aussi, demande-il au CIS d’organiser la consultation et l’information réciproques.

Enfin, il est décidé que le prochain Sommet se tiendra, en 1991, au Zaïre.

4ème Sommet de la Francophonie : Chaillot (Paris) 19/21 novembre 1991 - "Elargissement et maturité"

Les 45 participants

21 chefs d’Etat

Bénin : Nicéphore Soglo
Bulgarie : Jeliou Jelev
Burkina Faso : Blaise Compaoré
Burundi : Pierre Buyoya
Cameroun : Paul Biya
Centrafrique : André Kolingba
Comores : Saïd Mohamed Djohar
Côte d’Ivoire : Félix Houphouët-Boigny
France : François Mitterrand
Gabon : Omar Bongo
Guinée-Bissau : Joao Bernardo Vieira
Haïti : Jean-Bertrand Aristide
Laos : Kaysone Phomvihane
Liban : Elias Hraoui
Mali : Amadou Toumani Touré
Mauritanie : Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya
Roumanie : Ion Iliescu
Rwanda : Juvénal Habyarimana
Sénégal : Abdou Diouf
Suisse : René Felber
Tchad : Idriss Déby

13 chefs de gouvernement

Belgique : Wilfried Martens
Belgique (Communauté française) : Valmy Feaux
Canada : Brian Mulroney
Congo : André Milongo
Luxembourg : Jacques Santer
Maurice : Aneerood Jugnauth
Niger : Amadou Cheiffou
Nouveau-Brunswick : Franck McKenna
Québec : Robert Bourassa
Togo : Kokou Joseph Koffigoh
Tunisie : Hamed Karaoui
Val d’Aoste : Gianni Bondaz
Vanuatu : Donald Kalpokas

11 autres chefs de délégation

Cambodge : Khek Sysoda, membre du Cabinet du président du Conseil national suprême
Djibouti : Moumin Bahdou Farah, ministre des Affaires étrangères
Egypte : Boutros Boutros-Ghali, vice-Premier ministre pour les Relations étrangères
Guinée équatoriale : Isidoro Eyi Monsuy Andémé, vice-Premier ministre
Louisiane : Allan Barres, sénateur, ancien président du Sénat
Madagascar : Honoré Rakotomanana, président de la Cour constitutionnelle
Maroc : Mohammed Benaïssa, ministre des Affaires culturelles
Monaco : René Novella, ambassadeur en Italie
Nouvelle-Angleterre : Paul Laflamme, président de l’Action pour les Franco-Américains du Nord-Est (ACTFANE)
Seychelles : Danielle de Saint-Jorre, ministre des Relations extérieures
Vietnam : Nguyen Huu Tho, vice-président du Conseil d’Etat
Zaïre : Buketi Bukayi, ministre des Relations extérieures

La conférence

A Dakar, le Sommet de la Francophonie s’était donné rendez-vous au Zaïre pour sa 4ème réunion. Le rendez-vous zaïrois n’aura pas lieu : accusées, notamment, par la Belgique, la France et le Canada, de bafouer les Droits de l’homme, les autorités zaïroises ont dû déclarer forfait. Le relais fut passé à la France, et c’est au palais de Chaillot, à Paris, que s’ouvre le 19 novembre 1991, le 4ème Sommet de la Francophonie.

Soulignant que ce Sommet est celui de "l’élargissement et de la maturité", le président Mitterrand constate : "L’espace francophone se déploie sur tous les continents, retrouve des solidarités anciennes, appelle des amitiés, marque le sentiment qu’un destin se partage aussi...A l’est de l’Europe, la liberté a repris ses droits avec vigueur, les nations vivent leur indépendance. Des minorités s’expriment, des peuples souvent chargés d’histoire veulent compter à leur tour, et parfois de nouveau... Tout au long des années de plomb, ils ont gardé en secret cette passion de la langue française. Sorte d’espérance à tenir, de liberté à préserver, avec le sentiment tenace qu’un jour, ils retrouveraient les nations libres qui parlent la même langue. Tel est le sens, je pense, de l’arrivée, parmi nous, de la Bulgarie et de la Roumanie..." Et de saluer également la présence du Cambodge (en soulignant "le rôle du prince Sihanouk qui était déjà, il y a trente ans, au côté des présidents Senghor et Diori Hamani pour souhaiter la création d’une Communauté d’expression française"), celle du Cameroun et du Laos "hier observateurs", ainsi que la présence du président Hraoui qui "signifie que le Liban en marche vers la réconciliation de ses citoyens, retrouve la place qui lui est due dans la reconquête de sa souveraineté..."

Le Premier ministre canadien, Brian Mulroney, affirmait, pour sa part : "La France, qui nous accueille, est le berceau de la liberté, la mère-patrie des droits de la personne. Et, ce retour aux sources devrait nous être d’autant plus salutaire que nous prenons de plus en plus conscience que, sans démocratie véritable, il ne peut y avoir de développement durable, et que, sans développement soutenu, il ne peut y avoir de démocratie solide. Notre hôte à Dakar, le président Diouf, avait d’ailleurs évoqué "ce ressourcement aux idéaux les plus élevés de liberté et de justice, véhiculés par le français". Le rappel de ces paroles donne un sens singulier à la participation à cette conférence du père Jean-Bertrand Aristide, le président démocratiquement élu d’Haïti "qui témoigne, avec dignité et courage, des dangers que la démocratie court encore. C’est dire que le monde a changé depuis le Sommet de Dakar, qu’il a changé rapidement et profondément, qu’il continue de changer vite et beaucoup".

Entre-temps, le président Diouf, puis le président Soglo avaient affirmé leur foi dans la démocratie en Afrique. Le chef de l’État sénégalais avait salué dans le Bénin le pays grâce auquel la démocratie était revenue en Afrique. C’est pourquoi, s’exprimant à son tour, pour la première fois devant un Sommet francophone, le président béninois devait conseiller à l’Afrique de suivre l’exemple de son pays : "Sans doute ne saurions-nous prétendre, dit-il, qu’il existe un modèle imposable à tous, quelque chose comme un prêt-à-porter démocratique. Nous n’en restons pas moins persuadés au Bénin que, si le courage, la dignité et l’esprit de responsabilité sont au rendez-vous, la conférence nationale est un cadre approprié pour opérer des mutations décisives et pacifiques dans une société en quête d’un souffle nouveau. Car elle reste à nos yeux l’alternative aux affrontements meurtriers et à la guerre civile. Telle est du moins la conviction des Béninois qui, depuis février 1990, s’efforcent patiemment de construire le renouveau démocratique. C’est le lieu pour moi d’adresser ma profonde gratitude aux pays membres de la Francophonie qui nous ont apporté, et continuent de nous apporter leur soutien dans cette difficile entreprise, de même qu’à ceux qui suivent avec tant de sympathie le processus de consolidation de la démocratie au Bénin".

Le 4ème Sommet de la Francophonie a adopté un certain nombre de résolutions de politique internationale :

- Sécurité internationale : les pays du Sommet "s’engagent à se joindre à tous les membres de la communauté internationale pour condamner la prolifération des armes de destruction massive et renforcer les instruments pour combattre efficacement la prolifération des armes nucléaires chimiques et biologiques ainsi que des systèmes balistiques".

Ils s’engagent également à "promouvoir une plus grande prudence dans le transfert des armes conventionnelles qui permettra l’affectation du plus grand nombre de ressources possible au développement social et économique de leurs pays".

Ils apportent par ailleurs "leur appui entier à l’affermissement du rôle et de l’autorité du secrétaire général" de l’ONU dont ils entendent "soutenir activement l’action" en faveur de la paix "tout en exhortant les peuples des régions en crise à résoudre leurs conflits par des moyens pacifiques".

Le mouvement francophone s’engage "à travailler au renforcement de la capacité de l’ONU à agir de manière préventive pour maintenir la paix et la sécurité".

Il s’engage enfin à "améliorer les mécanismes de coordination et d’intervention des agences humanitaires de l’ONU et au soutien d’autres organisations multilatérales tel le CICR, afin de rendre plus efficaces les actions de secours aux populations affligées".

- Conflit israélo-arabe : ils "apportent leur soutien aux efforts engagés par les Etats-Unis, l’Union soviétique, les pays de la CEE et d’autres pays concernés et intéressés, invitent les parties à faire preuve de l’esprit constructif qui permettra de saisir cette occasion historique de parvenir à un règlement juste et durable du conflit israélo-arabe et du conflit palestinien".

Ils "les invitent à adopter les mesures de confiance équilibrées et réciproques qui permettraient de créer un climat favorable à la négociation, en particulier, la cessation de la politique d’implantation de colonies israéliennes dans les territoires occupés et du boycott arabe".

Ils "se déclarent prêts, dans la mesure de leurs moyens, à contribuer au développement de la coopération régionale qui suivra le retour de la paix".

- Haïti : "constatant le renversement du gouvernement démocratiquement élu d’Haïti, le Sommet "condamne énergiquement ce renversement violent et illégal qui prive le peuple haïtien du libre exercice de ses droits démocratiques".

La résolution exige également "le rétablissement de l’État de droit et de l’ordre constitutionnel ainsi que la restauration du président légitime dans ses fonctions".

Elle prévoit "la suspension, jusqu’au rétablissement de l’ordre constitutionnel, de la mise en oeuvre des accords entre Haïti et l’Agence de coopération culturelle et technique".

Les pays francophones, qui "appuient les efforts déployés par l’OEA, l’ONU et d’autres instances pour restaurer et renforcer la démocratie dans ce pays", s’engagent à "respecter ou à recommander l’application des sanctions économiques arrêtées par l’OEA".

Ils affirment enfin "leur volonté, une fois l’ordre constitutionnel rétabli en Haïti, de consolider la coopération économique et financière avec ce pays, afin de soutenir son développement économique, social et démocratique".

- Afrique : les dirigeants du Sommet francophone "se réjouissent du processus de démocratisation en cours en Afrique, expriment leur soutien aux pays africains engagés dans les réformes politiques et économiques". Ils demandent "instamment à la communauté internationale de les soutenir" et s’engagent à "oeuvrer pour la prise en compte, dans les instances internationales, des besoins du continent africain".

- Corne de l’Afrique : le Sommet francophone appuie les efforts de plusieurs pays "et notamment de la République de Djibouti", en faveur du rétablissement de la paix en Somalie et appelle les acteurs des conflits à entamer ou poursuivre des négociations pour la paix dans la région.

- Liban : la résolution enregistre "avec satisfaction les progrès réalisés tant sur le plan politique que sur le plan de la sécurité depuis la mise en oeuvre par le gouvernement libanais des accords de Taëf et notamment pour ce qui a trait à la dissolution des milices et à l’extension de la zone contrôlée par l’armée légale".

Elle exprime son "appui au gouvernement libanais dans la poursuite de l’application stricte et complète des accords de Taëf en vue de consolider la réconciliation nationale, de renforcer la sécurité, de rétablir la légalité sur tout le territoire national en y déployant l’armée libanaise, et de restaurer la souveraineté pleine et entière du Liban".

La résolution décide "la reconduction du fonds de solidarité créé par le Sommet de Québec (1987) pour la reconstruction des institutions culturelles, éducatives, techniques et hospitalières du Liban" et appelle "les Etats membres à renouveler le financement de ce fonds".

- L’usage du français dans les organisations internationales : la résolution invite les gouvernements francophones à "une action inlassable et concertée" en vue de permettre l’adoption, dans les organisations où elles font encore défaut, de résolutions linguistiques à l’exemple des résolutions de l’ONU et d’assurer le recrutement optimum de fonctionnaires internationaux francophones".

Elle appelle "à la création de groupes francophones dans les organisations internationales", souligne "la nécessité de favoriser par tous les moyens et notamment par la formation de spécialistes, la qualité de la traduction et de l’interprétation".

Elle demande "la mise en place d’un réseau informatique de détection et de diffusion des termes posant un problème de définition et de traduction en français", et souligne "l’importance de la présence des livres et documents français dans les bibliothèques et centres de documentation internationaux".

Elle souhaite que le français conserve sa place de "première langue olympique" et demande "qu’une concertation régulière entre francophones s’élabore auprès des grandes organisations internationales".

Les décisions pratiques

Le 4ème Sommet de la Francophonie s’est attaché à peaufiner la réforme de ses institutions commencée à Dakar.

Le Sommet demeure l’instance suprême au niveau politique, mais une Conférence ministérielle se réunira, désormais, à mi-chemin entre deux Sommets.

D’autre part, un Conseil permanent de la Francophonie, composé des représentants spéciaux des chefs d’Etat et de gouvernement (les "sherpas"), doit être créé. Il comprendra 15 membres (France, Canada, Québec, Communauté française de Belgique, Sénégal, Maurice, Côte d’Ivoire, Bénin, Togo, Gabon, Zaïre, Maroc, Madagascar, Liban, Vietnam) et regroupera trois des structures actuelles : le CIS, le CIP et le bureau élargi de l’ACCT.

L’ACCT devrait obtenir un rôle technique de secrétariat de la Francophonie qui reste à définir dans le détail. Elle aura à sa disposition, pour appuyer ses actions de coopération, 9 comités de programmes composés d’experts gouvernementaux. Les représentants d’organisations non-gouvernementales (ONG) pourront également être appelés à y participer.

Il a été d’autre part décidé l’extension de la chaîne de télévision cablée TV5 (reçue déjà en Europe et en Amérique du Nord) en Afrique et le soutien à la production d’images du Sud en renforçant l’action de l’ACCT. La France a décidé de doubler sa contribution à ce fonds - qui est de 30 millions de francs français au total - de 1,5 à 3 millions.

Sur proposition du Canada, il a été décidé la mise sur pied d’un "réseau-pilote" de cliniques juridiques, pour répondre aux besoins des femmes dans les pays membres de l’espace francophone.

Ces cliniques auraient pour mission "des tâches de vulgarisation, d’aide juridique, d’information et d’actions pédagogiques pour contribuer à une meilleure connaissance des codes de la famille et des codes pénaux en vigueur". Le mandat définitif de ces cliniques juridiques sera précisé lors de la tenue ultérieure, en Afrique, d’un séminaire international de juristes. Le gouvernement canadien consacrera environ 3 millions de FF (600 000 dollars canadiens) à la création de ce réseau "qui sera appelé à s’étendre si l’expérience s’avère concluante".

Le Canada a par ailleurs annoncé la poursuite de son programme de bourses de la Francophonie - créé lors du premier Sommet en 1986 - auquel seront affectés près de 50 millions de FF (10 millions de dollars canadiens) par an au cours des cinq prochaines années. Ce programme, qui s’adresse aux étudiants des pays en développement membres du mouvement francophone, devrait permettre, chaque année à 350 d’entre eux (dont 50 % de femmes), de poursuivre leurs études dans des universités canadiennes.

Enfin, le Sommet a décidé la tenue de sa 5ème réunion à l’île Maurice, en 1993.

5ème Sommet de la Francophonie : Grand Baie (Maurice) 6/18 octobre 1993 - "L’unité dans la diversité"

Les 47 participants

19 chefs d’État

Bénin : Nicéphore Soglo
Bulgarie : Jeliou Jelev
Burkina Faso : Blaise Compaoré
Burundi : Melchior Ndadaye
Cameroun : Paul Biya
Comores : Saïd Mohamed Djohar
Congo : Pascal Lissouba
France : François Mitterrand
Guinée Bissau : Vasco Cabral
Laos : Nouhak Phoumsavanh
Mali : Alpha Oumar Konaré
Niger : Mahamane Ousmane
Roumanie : Ion Illiescu
Rwanda : Juvénal Habyarimana
Seychelles : France Albert René
Suisse : Adolf Ogi
Tchad : Idriss Deby
Vietnam : Nguyen Thi Binh
Zaïre : Mobutu Sese Seko

13 chefs de gouvernement

Belgique : Jean-Luc Dehaene
Cambodge : prince Sdech Krom Luong Norodom Ranariddh
Canada/Nouveau Brunswick : Frank McKenna
Canada/Québec : Lise Bacon
Dominique : Mary Eugenia Charles
Gabon : Casimir Oye Mba
Luxembourg : Jacques Santer
Madagascar : Francisque Ravony
Mauritanie : Sidi Mohamed Ould Boubacar
Monaco : Jacques Dupont
Togo : Kokou Joseph Koffigoh
Tunisie : Hamed Karoui
Vanuatu : Maxime Carlot Korman

15 autres chefs de délégation

Canada : Benoît Bouchard, ambassadeur à Paris, représentant personnel du premier ministre
Cap-Vert : Manuel de Jesus Chantre, ministre des Affaires étrangères
Centrafrique : Jean-Marie Bassia, ministre des Affaires étrangères
Communauté française de Belgique : Laurette Onkelinx, ministre-présidente chargée de la Santé, des Affaires sociales et du Tourisme
Côte d’Ivoire : Amara Essy, ministre des Affaires étrangères
Djibouti : Abdou Bolok Abdou, ministre des Affaires étrangères
Egypte : Samir Safouat, ambassadeur, représentant personnel du président Hosny Moubarak
Guinée : Ibrahima Sylla, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération
Guinée équatoriale : Augustin Nse Nfumu, ministre délégué chargé de la Francophonie
Haïti : Claudette Werleigh, ministre des Affaires étrangères et des cultes
Liban : Farès Boueiz, ministre des Affaires étrangères
Maroc : Mohamed Allal Sinaceur, ministre des Affaires culturelles
Maurice : Ahmud Swalay Kasenally, ministre des Affaires étrangères
Sainte-Lucie : Louis George, ministre de l’Education, de la Culture et du Travail
Sénégal : Moustapha Niasse, ministre d’État, ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur

4 invités spéciaux

Moldavie : Ntau, ministre des Affaires étrangères
Nouvelle-Angleterre : Paul Laflamme, président de l’Action pour les Franco-Américains du Nord-Est
Val d’Aoste : Dino Vierin, président du gouvernement régional
ONU : Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général

La Conférence

Le 5e sommet de la Francophonie à Maurice a consacré l’usage d’un nouvel intitulé. Il est devenu celui des chefs d’État et de gouvernement des pays "ayant le français en partage", une formule plus conviviale que celle qui avait prévalu jusqu’alors : "ayant en commun l’usage du français". La communauté francophone a accueilli à cette occasion de nouveaux participants. Le Cambodge, la Bulgarie, la Roumanie sont devenus membres à part entière. En tout 47 délégations (soit 2 de plus qu’à Chaillot en 1991) étaient présentes et 4 invités spéciaux (Moldavie, Nouvelle-Angleterre, Val d’Aoste, Organisation des Nations unies). Cette conférence a été marquée par l’absence d’un certain nombre de chefs d’État africains de premier plan. Ainsi, le président de Côte d’Ivoire Félix Houphouët-Boigny, hospitalisé, n’a pu faire le voyage, le président sénégalais Abdou Diouf a été retenu à Dakar. Quant au président du Gabon, Omar Bongo, il se trouvait en pleine campagne électorale. Le Canada, lui aussi, n’a été représenté que par son ambassadeur à Paris et non plus, comme auparavant, par son premier ministre. Un élément significatif de la crise des relations franco-canadiennes lors de la préparation de la conférence. Et enfin, le Sommet de Maurice a été la dernière réunion de chefs d’États francophones à laquelle le président François Mitterrand, alors en fin de mandat, participait.

A Maurice, les grands thèmes abordés lors des précédents sommets de la Francophonie et notamment celui de Chaillot, démocratie, droits de l’homme, sécurité, développement, solidarité Nord/Sud, ont tout naturellement été abordés et ont fait l’objet d’une mention dans le texte de la déclaration finale et de l’adoption de nouvelles résolutions. Après les avancées significatives vers la démocratie réalisées en trois ans dans les pays d’Afrique, le temps était venu, pour François Mitterrand, de "la consolidation". "La démocratie n’est pas une rente, il faut en consolider inlassablement les acquis tout en retrouvant la voie d’une croissance durable de vos économies". La problématique démocratie/dévelop-pement durable est encore dominante à Maurice car dans le domaine économique, les résultats enregistrés depuis le sommet de Chaillot n’ont pas été aussi encourageants que sur le plan politique. Et si, pour les protagonistes, ce sommet, placé sous le thème proposé par la République de Maurice de "l’unité dans la diversité", a été celui de "l’engagement politique", c’est notamment parce qu’il a permis d’approfondir la réflexion sur la présence de la communauté francophone en tant qu’entité sur "l’échiquier mondial" (déjà esquissée lors de la préparation de la conférence internationale de Vienne sur les droits de l’homme où la concertation avait permis aux francophones de parler d’une seule voix) en élargissant le rôle politique d’outils comme le Conseil permanent de la Francophonie, créé à Chaillot.

Le débat engagé lors du sommet, autour de la notion d’exception culturelle, défendue ardemment par la France lors des négociations du GATT et pour la défense de laquelle François Mitterrand souhaitait obtenir le soutien de la "famille francophone", va dans ce sens puisque l’accord intervenu a donné à la Francophonie la dimension d’un bloc uni pour défendre des convictions communes sur la scène internationale.

Dans son discours prononcé au cours de la séance solennelle d’ouverture, le Président français s’est ainsi exprimé sur les risques d’uniformisation culturelle sur un modèle unique venu d’Outre-Atlantique : "Je pense qu’il serait désastreux d’aider à la généralisation d’un modèle unique et il faut y prendre garde. Ce que les régimes totalitaires n’ont pas réussi à faire, les lois de l’argent alliées aux forces techniques vont-elles y parvenir ? ... Ce qui est en jeu, et donc en péril, je le dis aux francophones ici rassemblés, dans les négociations en cours, c’est le droit de chaque pays à forger son imaginaire, à transmettre aux générations futures la représentation de sa propre identité". Pour François Mitterrand, la France est "menacée". Et la solidarité dont elle a fait, et fera preuve, dans l’aide aux pays du Sud, majoritaires au sein de la Francophonie - "La France est le pays qui accorde le plus fort pourcentage à l’aide au développement" -, implique une réciprocité de la part des bénéficiaires. La France "doit préserver ses intérêts, pas au détriment des vôtres, mais elle est en droit de demander que ses intérêts soient aussi protégés par vous".

Ce message très clair a été entendu par les représentants des Etats francophones. Une résolution sur "l"exception culturelle au GATT" a été finalement adoptée.

Les résolutions

Les 47 chefs d’Etat, de gouvernement et de délégation réunis à Maurice ont adopté 21 résolutions. Elles portent sur de nombreux domaines, notamment :

- Maintien de la paix et sécurité internationale: les pays francophones se "félicitent du rôle accru des Nations unies", sont "désireux de soutenir activement l’action de l’ONU", se "déclarent prêts à s’associer selon leurs possibilités aux opérations de maintien de la paix ou humanitaires décidées par le système des Nations unies", acceptent de contribuer au renforcement de la diplomatie préventive", "condamnent vigoureusement les attaques dirigées contre le personnel des Nations unies chargé du maintien de la paix et contre le personnel humanitaire".
- Afrique : les pays ayant le français en partage "notent avec satisfaction la poursuite du processus de démocratisation, condition nécessaire au développement", "considèrent que les difficultés financières auxquelles sont confrontés les pays africains nécessitent une solidarité internationale accrue, notamment de la part de la communauté francophone", "appuient les efforts d’intégration régionale", demandent à la communauté internationale de poursuivre ses efforts sur les plans politique, économique et financier afin de contribuer au développement de manière à garantir la réussite du processus de démocratisation et de redressement économique et financier", s’engagent à oeuvrer au sein des organisations internationales pour l’assouplissement des conditions d’octroi de l’aide au développement".
- Exception culturelle au GATT : ils "conviennent d’adopter ensemble, au sein du GATT, la même exception culturelle pour toutes les industries culturelles".
- Liban : ils "décident la reconduction du fonds de solidarité créé par le sommet de Québec pour la reconstruction des institutions culturelles, éducatives, techniques et hospitalières du Liban et appellent les États membres à renouveler le financement de ce fonds".
- Rwanda : ils "lancent un appel à la communauté internationale, et particulièrement aux pays francophones, afin qu’ils poursuivent et augmentent leur assistance au peuple rwandais dans son effort de reconstruction nationale".
- Haïti : ils "renouvellent leur appui au gouvernement légitime de Haïti incarné par son président Jean-Bertrand Aristide".
- L’unité dans la diversité : ils "déclarent que les atteintes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales constituent un sujet de préoccupation direct et légitime, pour la communauté internationale", "décident de prendre toute mesure de nature à faciliter la pleine participation de personnes appartenant à des minorités nationales à tous les aspects de la vie politique".
- La Francophonie et les relations internationales : ils "donnent mandat au Conseil permanent de la Francophonie de continuer à oeuvrer concrètement pour renforcer la représentation des pays de l’espace francophone dans les institutions internationales... et s’engagent à le doter des moyens nécessaires pour lui permettre de remplir sa mission", "rappellent le mandat de l’ACCT aux fins de poursuivre et intensifier la coopération avec les organisations internationales", "invitent au strict respect du statut des différentes langues officielles ou de travail dans le système des Nations unies", affirment leur soutien aux actions visant à assurer une présence dynamique de la communauté francophone sur la scène internationale".
- Le français dans les organisations internationales : ils "appellent à la création de groupes francophones dans les organisations internationales qui n’en sont pas encore dotées".
- L’économie mondiale : ils "appellent la communauté internationale à soutenir les efforts des pays en développement en vue de leur participation à un système commercial mondial stable, ouvert et équitable", "s’engagent à participer activement à la réflexion menée dans le cadre des Nations unies en vue de l’adoption d’un programme d’action pour le développement".
- La coopération économique francophone : ils "conviennent de développer entre eux une étroite concertation lors des différentes négociations multilatérales, notamment au sein du GATT ou des organismes régionaux".
- Le programme d’action des Nations unies pour le Développement : ils "s’engagent à contribuer activement à sa définition et à sa mise en oeuvre", "mandatent le Conseil permanent de la Francophonie afin de préciser la contribution spécifique que les pays francophones pourraient apporter à la mise en oeuvre du programme".
- La programmation : cette résolution "souligne la nécessité de mobiliser des crédits accrus au profit du fonds multilatéral unique". Elle définit les grands domaines d’intervention de la Francophonie dans les années à venir : promotion de l’utilisation du français au sein des organisations internationales, appui à des programmes de développement du français dans les sciences, coopération juridique, financière, interparlementaire, dans le domaine de la communication, aide à l’ancrage africain de TV5 et poursuite des études sur l’extension à l’Asie, soutien au Forum francophone des affaires pour développer le partenariat économique, mise en place de programmes mobilisateurs dans le domaine de l’enseignement du français et de l’alphabétisation, coopération scientifique et soutien à la relance de la recherche au Sud.

Les décisions pratiques

Sur le plan institutionnel, le sommet de Maurice a pris un certain nombre de décisions destinées à permettre un renforcement du rôle politique de la francophonie sur la scène internationale. Les travaux préparatoires des conférences ministérielles qui se sont tenues en décembre 1992, à Paris, et en octobre 1993, à Grand Baie, et le rapport présenté par le Conseil permanent de la Francophonie, ont dans ce domaine joué un rôle important en indiquant la direction à suivre. Le CPF, organe permanent de la Francophonie, doit développer sa capacité de rayonnement au plan international. La création d’un comité de réflexion pour le renforcement de la francophonie proposée par les ministres et adoptée à Maurice par le biais d’une résolution, va dans ce sens. Ce comité est composé de 11 représentants désignés sur une base géographique par la Conférence ministérielle de la Francophonie (Burkina-Faso, Canada, Canada/Qué-bec, communauté française de Belgique, France, Gabon, Maroc, Maurice, Roumanie, Sénégal, Vietnam).

Sa mission est : "de proposer les moyens d’assurer la réalisation des ambitions de la Francophonie sous le contrôle du CPF et sous l’autorité de la conférence ministérielle". La première tâche fixée au comité de réflexion était de présenter un rapport d’étape à la conférence ministérielle de Bamako en décembre 1993. Ses propositions finales doivent être soumises au 6e sommet de Cotonou en décembre 1995.

Depuis le Sommet de Chaillot en 1991, le débat sur l’évolution institutionnelle de la francophonie s’est poursuivi activement. N’ayant pu être définitivement réglé à Maurice, comme prévu, le dispositif défini en 1991 a continué de prévaloir selon la hiérarchie suivante : le Sommet, la conférence ministérielle de la francophonie (CMF), le Conseil permanent de la francophonie (CPF), le secrétariat des instances assuré par l’ACCT, l’ACCT, unique organisation intergouvernementale de la Francophonie et son opérateur principal, enfin les autres opérateurs. Créé à Maurice, un comité de réflexion sur les perspectives institutionnelles a présenté une série de propositions qui ont fait l’objet d’âpres discussions lors des Conférences ministérielles, de Ouagadougou en décembre 1994, puis à Paris en mars 1995.

Enfin, un autre comité créé à Maurice et chargé de réfléchir sur les programmes mobilisateurs a suggéré de regrouper les axes de l’action de la Francophonie autour de quatre thèmes (un espace de savoir et de progrès : un espace de culture et de communication ; un espace de liberté, de démocratie et de développement ; la Francophonie dans le monde), afin de donner plus de cohérence et de force à la coopération multilatérale francophone qui souffre d’une dispersion de ses secteurs d’intervention (les cinq définis à Paris en 1986 - agriculture, énergie, industries de la culture et de la communication, industries de la langue et information scientifique, développement tech-nologique - et les trois autres rajoutés à Dakar en 1989 - éducation et formation, environnement, démocratie et Etat de droit).

6ème Sommet de la Francophonie : Cotonou (Bénin) 2/4 décembre 1995

Les 49 participants

19 Chefs d’Etat

Bénin : Nicephore Soglo
Burkina-Faso : Blaise Compaoré
Burundi Sylvestre Ntibantunganya
Cameroun : Paul Biya
Congo : Pascal Lissouba
Côte d’Ivoire : Henri Konan Bédié
Djibouti : Hassan Gouled Aptidon
France : Jacques Chirac
Gabon : Omar Bongo
Guinée Bissau : Joao Bernardo Vieira
Guinée Equatoriale : Téodoro Obiang Nguéma
Madagascar : Albert Zafy
Mali : Alpha Oumar Konaré
Niger : Mahamane Ousmane
République Centrafricaine : Ange-Félix Patassé
Sénégal : Abdou Diouf
Suisse : Kaspar Villiger
Tchad : Idriss Deby
Zaïre : Mobutu Sese Seko

1 Vice-Président

Vietnam : Mme Nguyen Thi Binh

9 Premiers ministres et chefs de gouvernement

Belgique : Jean-Luc Dehaene
Canada : Jean Chrétien
Canada/Nouveau Brunswick : Frank McKenna
Communauté française de Belgique : Mme Maurette Onkelinx
Rwanda : Pierre Celestin Rwigema
Togo : Edem Kodjo
Tunisie : Hamed Karoui

3 Vice-Premier ministres

Canada/Québec : Bernard Landry
Dominique : Julius Timothy
Bulgarie : Stevoslav Chivarov

Autres pays représentés

. Pays représentés par leurs Ministres des Affaires étrangères : Comores, Haïti, Maurice, Mauritanie, Seychelles
. Pays représentés au niveau ministériel : Cambodge, Guinée, Laos, Liban, Luxembourg, Maroc, Roumanie
. Pays représentés par un ambassadeur : Egypte, Cap-Vert, Monaco
. Autres chefs de délégation : Sainte-Lucie, Louisiane, Nouvelle Angleterre
. Observateurs : Louisiane, Moldavie, Sao Tomé & Principe, Val d’Aoste
. Invités spéciaux : Boutros Boutros Ghali (ONU), Henri Lopes (Unesco), Jacques Diouf (FAO).

La conférence

Le dossier le plus important qui devait être examiné par les Chefs d’État francophones réunis à Cotonou devait être celui de la réforme institutionnelle lancée lors du Sommet de Chaillot en 1991 et développée lors du Sommet de Maurice en 1993. Une réforme qui commençait à traîner en longueur et qui devait impérativement aboutir à Cotonou. De grandes décisions de principe ont, de fait, été prises : création d’un secrétariat général de la francophonie, nomination par le Sommet d’un secrétaire général, porte-parole politique et représentant officiel de la francophonie au niveau international, création d’un poste d’administrateur de l’Agence de coopération culturelle et technique, qui devient l’Agence de la francophonie.

Ces décisions de principe ont, après le Sommet, été réexaminées en détail lors de la Conférence ministérielle de la francophonie réunie à Marrakech les 17 et 18 décembre 1996, au cours de laquelle a été adopté un projet de Charte de la francophonie, établissant le nouveau dispositif institutionnel. L’ensemble du dossier, non définitivement bouclé est renvoyé au Sommet de Hanoï en novembre 1997, au cours duquel doit être effectivement élu le nouveau secrétaire général de la francophonie.

L’importance de cette réforme institutionnelle est liée à l’ambition maintes fois répétée de donner à la francophonie une visibilité et un impact politique beaucoup plus significatifs, jugés nécessaires dans le nouveau contexte de l’après-guerre froide. Même si, et on a bien pu le mesurer à Cotonou, cette ambition paraît avoir des limites certaines. Ainsi, sur les dossiers africains, en particulier le Rwanda, le Nigeria ou l’Algérie, les Chefs d’État ont eu quelques difficultés, non seulement à mettre en oeuvre des initiatives diplomatiques, mais aussi à prendre des positions communes. Le Canada, le Mali ou le Burkina Faso souhaitaient une condamnation du régime militaire nigérian, mais le Bénin, le Togo, le Niger et le Tchad s’y sont opposés, n’acceptant qu’« un appel aux autorités nigérianes pour oeuvrer à l’établissement de l’état de droit et de la démocratie ». Plusieurs autres résolutions ont été adoptées sur l’Afrique, le maintien de la paix, le Burundi, le Liban qui sont restés de timides compromis.

Dans le domaine de la coopération juridique et judiciaire, les Chefs d’État ont adopté le plan d’action préparé lors de la réunion ministérielle du Caire du 30 octobre au 1er novembre 1995 et axé sur quatre thèmes : l’indépendance de la magistrature ; une justice efficace garante de l’Etat de droit ; le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; une justice facteur de développement.

L’appel de Cotonou

« Aujourd’hui, 90 % des informations qui transitent par Internet sont émises en langue anglaise, parce que les outils et les serveurs sont dédiés à l’usage exclusif de cette langue. L’enjeu est clair : si dans les nouveaux médias, notre langue, nos programmes, nos créations ne sont pas fortement présents, nos futures générations seront économiquement et culturellement marginalisées. Sachons demain offrir à la jeunesse du monde des rêves francophones, exprimés dans des films, des feuilletons et valorisant la richesse culturelle et la créativité de chacun de nos peuples. Il faut produire et diffuser en français. C’est une question de survie. Il faut unir nos efforts. Les pays du Sud peuvent et doivent participer à ce combat, qui n’est pas seulement celui de la francophonie. Les hispanophones et les arabophones, tous ceux qui s’expriment en hindi ou en russe, en chinois ou en japonais sont confrontés à la même menace que nous. J’appelle la francophonie à prendre la tête d’une vaste campagne pour le pluralisme linguistique et la diversité culturelle sur les inforoutes de demain. Je souhaite que cet appel de Cotonou marque fortement cette ambition et soit entendu et compris dans le monde entier ». Cette déclaration du président de la République française, Jacques Chirac, baptisée depuis l’« appel de Cotonou », aura été l’une des plus marquantes du Sommet. C’est en tout cas à Cotonou pour la première fois que les francophones ont pris la mesure de l’importance pour leur avenir des nouvelles technologies de l’information et de la communication et qu’ils ont décidé d’y accorder dans leurs activités une place prioritaire. Dans la résolution N° 18 du Sommet sur la société de l’information, les Chefs d’Etat, « conscients du défi que pose le développement très rapide de la société de l’information et des enjeux économiques, technologiques et culturels qui en découlent », décident d’organiser une mobilisation rapide du dispositif francophone dans ce domaine. Il faudra quand même attendre mai 1997 pour qu’une réunion ministérielle se tienne sur ce sujet à Montréal et produise un plan d’action, proposé aux Chefs d’Etat à Hanoï et axé sur la création d’un fonds francophone destiné à soutenir la production de contenus francophones multimédia. De fait, il restera à prouver que cette prise de conscience de Cotonou sera suivie enfin d’effets après Hanoï.

7ème Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage : Hanoï (Vietnam) : 14/16 novembre 1997

Les 51 participants

18 Chefs d’Etat

Bénin : Mathieu Kérékou
Burkina Faso : Blaise Compaoré
Cap-Vert : Antonio Mascarenhas Monteiro
Centrafrique : Ange-Félix Patassé
Congo : Denis Sassou N’Guesso
Côte d’Ivoire : Henri Konan Bédié
France : Jacques Chirac
Gabon : El Hadj Omar Bongo
Laos : Nouhak Phoumsavanh
Madagascar : Didier Ratsiraka
Mali : Alpha Oumar Konaré
Niger : Ibrahim Maïnassara Baré
Roumanie : Emil Constantinescu
Sénégal : Abdou Diouf
Suisse : Arnold Koller
Togo : Gnassimbé Eyadéma
Vietnam : Tran Duc Luong (Présidence de la Conférence) et Nguyen Thi Binh

Pays observateurs :

Albanie : Rexhep Meidani

16 Premiers ministres et chefs de Gouvernement

Belgique : Jean-Luc Dehaene
Burundi : Pascal Firmin Ndimira
Cambodge : Ung Huot et Samdech Hun Sen (co-premiers ministres)
Canada : Jean Chrétien
Canada-Nouveau Brunswick : Raymond Frenette
Canada-Québec : Lucien Bouchard
Communauté française de Belgique : Laurette Onkelinx
Dominique : Edision C. James
Guinée Equatoriale : Angel Serafin Seriche Dougan Malabo
Liban : Rafic Hariri
Maurice : Navinchandra Ramgoolam
Moldavie : Ion Ciubuc
Tchad : Nassour Ouaidou
Tunisie : Hamed Karoui
Vanuatu : Rialuth Serge Vohor

Invité spécial

Val d’Aoste : Dino Viérin

1 Prince héritier

Monaco : le Prince Albert de Monaco

1 Président du Conseil économique et social

Cameroun : Luc Ayang

Pays représentés au niveau ministériel :

Bulgarie, Comores, Djibouti, Guinée, Guinée Bissau, Luxembourg, Maroc, Mauritanie, Rwanda, Sao Tomé et Principe, Seychelles, Macédoine et Pologne (pays observateurs)

Pays représentés au niveau d’un Ambassadeur :

Egypte (Boutros Boutros-Ghali, haut représentant du président égyptien), Haïti

La Conférence

Le Sommet de Hanoï restera une étape importante dans l’évolution de la Francophonie institutionnelle. Engagée depuis plusieurs années, difficile à définir et à finaliser, la réforme de l’organisation générale du dispositif a finalement abouti à Hanoï. Le point essentiel concerne la création d’un secrétariat général de la Francophonie qui supervise l’ensemble des activités des opérateurs, y compris l’Agence de la francophonie, et prend en charge tout particulièrement la promotion de la Francophonie politique, nouveau volet essentiel qui doit permettre à la communauté de s’affirmer davantage et de manière plus visible sur la scène internationale.

Désormais, le secrétaire général de la Francophonie, désigné par les chefs d’Etat et de gouvernement pour une durée de quatre ans, préside le Conseil permanent de la francophonie (CPF), composé de représentants directs des chefs d’Etat, le CPF prenant lui-même le rôle de conseil d’administration de l’agence. Le CPF qui, avant Hanoï, était composé de 18 membres, est élargi aux représentants de tous les membres à part entière de la francophonie. Le secrétaire général de la Francophonie, installé à Paris avec son équipe restreinte de conseillers, dispose de pouvoirs importants, mais de moyens humains et financiers propres qui ont été volontairement limités. L’Observatoire de la Paix, de la démocratie et des droits de l’homme, lui, est directement rattaché pour le pilotage des activités politiques, juridiques et judiciaires. L’Agence, dans cette nouvelle configuration, est dirigée par un Administrateur général. C’est le Belge Roger Dehaybe, 55 ans, commissaire général aux Relations internationales de la communauté française de Belgique qui a été désigné par la conférence ministérielle à ce nouveau poste pour diriger l’agence avec un assez large consensus. Roger Dehaybe s’était précédemment distingué en dirigeant le comité de réflexion chargé d’élaborer la réforme institutionnelle et la nouvelle charte de la Francophonie adoptée lors de ce septième sommet.

Par contre, au cours des semaines qui ont précédé le Sommet, l’élection du nouveau secrétaire général a fait l’objet d’une controverse significative entre pays membres. Si la France et le Canada, avec Jacques Chirac et Jean Chrétien, se sont fortement engagés en faveur du candidat égyptien Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire général des Nations unies et non reconduit dans ses fonctions en raison de l’hostilité américaine, de nombreux États d’Afrique au sud du Sahara ont ouvertement manifesté leur mauvaise humeur vis-à-vis de cette candidature, estimant que le poste devait revenir à l’un des leurs, en l’occurrence le Béninois Emile Derlin Zinsou ou le Congolais Henri Lopes. Critiquant Boutros-Ghali et insistant sur son âge (75 ans), ils ont même laissé planer sur le sommet l’idée d’un « demi-mandat » de deux ans, à l’issue duquel le poste devrait revenir à leur candidat. L’insistance active des Français et des Canadiens a finalement abouti, à la fin de ce sommet animé, à l’élection, à l’unanimité, de Boutros Boutros-Ghali au nouveau poste de secrétaire général de la Francophonie pour quatre ans, avec la mission d’utiliser sa notoriété et son expérience diplomatique pour lancer la dynamique de la francophonie politique.

« L’après-sommet, expliquait alors Jacques Chirac à RFI, ce sera la mise en place de nos structures, le soutien à l’action du secrétaire général et la participation, chaque fois que nécessaire, à la demande des États et sans faire naturellement aucune ingérence à l’intérieur des États de la francophonie, à tout ce qui peut renforcer l’État de droit, la lutte contre les tensions, les difficultés, voire les conflits, l’organisation des élections. C’est un peu cela l’aspect politique de la francophonie ».

A Hanoï, a été décidé que deux pays, Saint-Thomas et Prince et la Moldavie passeraient du statut d’observateur à celui de membres à part entière. Tandis que la Pologne, l’Albanie et la Macédoine pourront participer au 8ème sommet de Moncton en tant qu’observateurs.

Un plan d’action pour le prochain biennum a également été adopté par les chefs d’État, articulé en cinq grands points : espace de liberté et de démocratie, espace de culture et de communication, espace de savoir et de progrès, espace économique et de développement, et, enfin, la francophonie dans le monde (en particulier la relance de l’usage du français dans les organisations internationales).

Deux décisions concrètes ont été prises relatives à la mise en œuvre de ce plan. La première concerne la création, dès 1998, d’un Fonds francophone des inforoutes destiné à promouvoir l’internet francophone, dont un premier bilan d’activité devra être dressé lors du 8ème sommet. La réunion en 1999 d’un sommet des ministres de l’Economie des pays francophones destiné à définir plus précisément les missions et les objectifs de la francophonie économique. Dans leur déclaration finale, les chefs d’Etat et de gouvernement ont insisté sur le fait que « le Sommet de Hanoï marque une étape importante dans l’évolution des institutions de la francophonie, par la mise en œuvre de la Charte révisée et l’élection du secrétaire général de la francophonie, qui renforcent la stature internationale de la francophonie ». Un défi qui, à Hanoï, paraissait encore difficile à relever. Les fortes appréhensions manifestées à cause de l’absence de Laurent-Désiré Kabila, président du pays francophone le plus peuplé d’Afrique, et ses déclarations ambiguës contre la francophonie illustraient ces difficultés. Depuis Hanoï, en se mobilisant pour le règlement politique de plusieurs conflits, dont celui qui sévit en République démocratique du Congo, la francophonie politique a commencé à montrer qu’elle comptait bien faire ses preuves.

8ème Conférence des chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en partage : Moncton (Nouveau-Brunswick), du 3 au 5 septembre 1999

La Conférence

Si le thème choisi pour la Conférence de Moncton est celui de la jeunesse, c’est sur d’autres dossiers "chauds" que les participants ont eu à se prononcer. Il a fallu notamment confirmer l’émergence, encore controversée, d’une francophonie politique, et sur ce point Moncton aura permis aux chefs d’État et de gouvernement de réaffirmer et d’amplifier le rôle politique de l’organisation. Le secrétaire général Boutros Boutros-Ghali, confirmé dans ses fonctions de porte-parole politique et diplomatique de l’espace francophone, reçoit à cette occasion un mandat explicite pour poursuivre ses actions en faveur du maintien de la paix. Signe indéniable que la Francophonie est bien devenue une instance politique, la situation dans la région africaine des Grands Lacs a fait une irruption remarquée lors des débats, souvent houleux, sur la question.

En matière de démocratie et de droits de l’homme, thèmes récurrents à chaque rencontre des chefs d’État de la francophonie, des échanges vifs ont eu lieu, mais permettent d’avancer sur la proposition (française) de création d’un Observatoire de la démocratie. Cependant celle-ci, par souci de réalisme, et en tenant compte des réticences, va se faire par étapes. Le souci de développer tout un processus d’appui francophone aux processus de démocratisation va ainsi pouvoir trouver une traduction concrète avec le lancement, après Moncton, du grand chantier de l’évaluation des transitions démocratiques, expérimentées avec des fortunes diverses depuis une décennie par une partie importante des États membres ; évaluation qui doit donner lieu à une série de conférences et d’ateliers (préparatoires au symposium, en novembre 2000, de Bamako sur les pratiques de la démocratie et du droit en Francophonie). A Bamako, en préfiguration de Beyrouth, une déclaration solennelle et un plan d’action seront adoptés.

Cap sur la diversité culturelle

Les États francophones, afin de préserver l’exception culturelle et défendre leurs intérêts décident également à l’issue du sommet de se concerter pour dégager des positions communes dans les organisations et conférences internationales, avec un premier rendez-vous : l’ouverture du nouveau cycle de négociations dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce, en novembre 1999 à Seattle. La défense de la "diversité culturelle" devient ainsi un thème privilégié pour la Francophonie. Nouvelle formulation du combat pour "l’exception culturelle", lancé lors du sommet de Maurice en 1993, la bataille pour la défense de la diversité des cultures est prônée avec une particulière insistance par la délégation française à Moncton.

Pour y parvenir, une série de mesures ont été annoncées lors de ce 8e sommet : tout d’abord, valoriser la pluralité des langues mais surtout la diversité des cultures qui constituent une valeur de la Francophonie. Face à l’hégémonie croissante de l’anglais, la promotion et la diffusion de la langue française seront soutenues plus encore que par le passé, de même que les autres cultures et les langues mondiales de communication. En ce sens, les pays membres apporteront leur concours à la formation des diplomates en langue française, afin de promouvoir l’usage du français dans les organisations et les enceintes internationales. Le plan d’urgence de défense du français, mis en place à Hanoï, et qui a produit des résultats insuffisants, doit être renforcé. Les chefs d’État ont réitéré leur souci d’encourager davantage les échanges linguistiques et la formation à distance ainsi que le recours massif aux nouvelles technologies de la communication et de l’information. L’internet, en français, sera l’une des priorités des programmes de coopération francophone menés par l’Organisation internationale de la francophonie, au travers notamment du Fonds francophone des inforoutes, qualifié de succès par les chefs d’État.

Face à la mondialisation, les pays francophones se réservent aussi le droit de définir librement leur politique culturelle et les instruments qui y concourent, de favoriser l’émergence d’un rassemblement le plus large possible à l’appui de cette diversité et d’œuvrer à la mobilisation de l’ensemble des gouvernements en sa faveur. Ils ont tenu à souligner que ces biens culturels, y compris audiovisuels, reflets des identités nationales et régionales, ne devaient pas être traités comme de simples marchandises, notamment dans le cadre des négociations commerciales multilatérales.

Dans le but de promouvoir le dialogue entre les cultures (thème du futur sommet de Beyrouth), les chefs d’État et de gouvernements de la Francophonie ont également pris des mesures afin d’encourager les échanges entre artistes et entre industries culturelles pour faciliter la circulation des œuvres. Ils entendent également aider davantage au financement de manifestations contribuant au rayonnement de la création culturelle, et poursuivre leurs actions engagées grâce au Fonds de soutien à la production du Sud (Masa et Fespaco). Le soutien au développement et à la diffusion de la presse écrite francophone est aussi réaffirmé.

Un autre dossier sensible examiné et avalisé à Moncton est celui de la réforme en profondeur de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF). L’Agence, outil de la coopération francophone dans le secteur de l’enseignement supérieur, avait fait l’objet de deux rapports d’évaluation mettant en cause le fonctionnement de cette institution, tant au niveau de la gestion qu’à celui des performances et de l’efficacité. Les chefs d’État et de gouvernement ont donc donné mandat au secrétaire général de la Francophonie de préparer rapidement la réforme de cette institution afin que, adoptée en novembre 99 par la Conférence ministérielle de la francophonie, elle s’applique dès l’année 2000.

La jeunesse, thème consensuel de Moncton, est désormais un sujet de préoccupation permanent pour la francophonie. Les programmes de coopération comprendront systématiquement un volet consacré aux jeunes et le dialogue avec eux sera institutionnalisé.

Enfin, l’Organisation internationale de la Francophonie a accueilli deux nouveaux membres : l’Albanie et la Macédoine, pour des raisons plus politiques, liées à la situation dans les Balkans, que strictement linguistiques. La Lituanie, la République Tchèque et la Slovénie sont, au sommet de Moncton devenus membres observateurs.

9ème Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement ayant le français en partage : Beyrouth (Liban) du 18 au 20 octobre 2002

La Conférence

Initialement prévu en octobre 2001, le sommet de Beyrouth s’est finalement tenu en octobre 2002 à la suite de son report au lendemain des attentats du 11 septembre 2001.

Ce sommet a été marquant à plus d’un titre. Pour la première fois, les chefs d’États et de gouvernement ayant le français en partage se sont réunis dans un État du monde arabe. Autre événement historique : la présence du président algérien Abdelaziz Bouteflika, « en qualité d’invité personnel du président libanais Emile Lahoud ». L’Algérie a ainsi participé pour la première fois à un sommet francophone alors qu’elle n’a ni le statut de membre ni celui d’observateur. Après confirmation de la venue du président Bouteflika, quelques jours avant l’ouverture du sommet, le président de la République française Jacques Chirac a déclaré : « L’Algérie est chez elle dans la francophonie même si elle n’a pas rejoint l’organisation. »

Le thème choisi pour cette 9è Conférence, en l’occurrence le Dialogue des cultures, fut décliné sous trois angles différents dans la Déclaration de Beyrouth : politique d’abord (la première partie de la Déclaration étant consacrée au « dialogue des cultures (comme) instrument de la paix, de la démocratie et des droits de l’homme »), culturel ensuite, en attribuant à la Francophonie un rôle de « forum de dialogue des cultures » ; et enfin sous l’angle socio-économique, avec le souhait formulé par les chefs d’État et de gouvernement d’ « une Francophonie plus solidaire au service d’un développement économique et social durable ».

Beyrouth fut aussi l’occasion de confirmer l’orientation plus politique donnée à la Francophonie. La conjoncture internationale a, en effet, permis aux 55 chefs d’Etat et de gouvernement présents de se prononcer sur des questions d’ordre purement politique. A ce sujet, une innovation a été apportée avec une séance de débats à huis clos consacrée à la situation internationale.

La Déclaration de Beyrouth, adoptée à l’issue du sommet, a fait état des positions pour lesquelles un consensus a été trouvé. S’agissant de la situation au Moyen-Orient, les dirigeants francophones ont apporté leur soutien à l’initiative pour la paix du prince héritier Abdallah d’Arabie Saoudite, adoptée lors du Sommet de la Ligue arabe à Beyrouth en mars 2002. Quant à la crise irakienne, ils se sont rangés derrière la position prônée par Jacques Chirac, à savoir « la primauté du droit international et le rôle primordial de l’Onu ». Beyrouth a en outre été l’occasion d’aborder la crise en Côte d’Ivoire et de condamner ainsi « la tentative de prise de pouvoir par la force et la remise en cause de l’ordre constitutionnel ». En outre, fut réaffirmé l’attachement de la Francophonie à la démocratie ainsi qu’aux droits de l’homme, les chefs d’Etat et de gouvernement s’engageant « à lutter contre l’impunité des auteurs des violations des droits de l’homme ».

Quant à l’aspect purement culturel du dialogue des cultures, le sommet de Beyrouth confirme l’importance donnée par la Francophonie à la notion de diversité culturelle, notamment par la volonté affichée de concourir à la concrétisation du projet d’élaboration d’une convention internationale en la matière, dans le cadre de l’Unesco. Enfin, pour ce qui a trait au volet socio-économique de la Déclaration de Beyrouth, les chefs d’État réaffirment leur volonté de lutter contre « la pauvreté, l’analphabétisme, les pandémies (…), l’insécurité et le crime (…) qui maintiennent les pays et les populations les plus vulnérables à l’écart du développement ». Ils ont aussi souhaité saluer la mise en œuvre du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), et ont voulu apporter leur soutien aux programmes engagés dans le cadre des objectifs fixés par la Déclaration du Millénaire des Nations unies.

Les chefs d’État et de gouvernement réunis à Beyrouth devaient par ailleurs désigner le successeur de Boutros Boutros-Ghali, au poste de secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie. Peu avant le Sommet, deux candidats étaient encore en lice : l’ancien président du Sénégal, Abdou Diouf, et l’ambassadeur du Congo-Brazzaville en France, Henri Lopes. Le premier, soutenu notamment par Jacques Chirac, fut longtemps confronté au « veto » de son successeur à la présidence du Sénégal, Abdoulaye Wade, qui refusait de le présenter au nom du Sénégal. Quant à Henri Lopes, déjà candidat à Hanoï en 1997 et à l’époque évincé au profit de Boutros Boutros-Ghali (au terme d’âpres négociations), il bénéficiait du soutien du président congolais Denis Sassou Nguesso, de celui du président gabonais Omar Bongo et de nombreux chefs d’État africains. S’imposant progressivement comme le candidat favori, Abdou Diouf fut finalement élu à l’unanimité le 20 octobre 2002 après le retrait d’Henri Lopes. Il a officiellement pris ses fonctions le 2 janvier 2003.

Parallèlement, un nouveau Plan d’action a été adopté lors de ce sommet. Celui-ci reprend les quatre grands axes développés dans la programmation de la Francophonie multilatérale pour le biennum 2002-2003 : paix, démocratie, droits de l’homme ; promotion de la langue française et de la diversité culturelle et linguistique ; éducation de base, formation professionnelle et technique, enseignement supérieur et recherche ; coopération économique et sociale au service du développement durable et de la solidarité. Cette programmation a été adoptée en janvier 2002 lors de la Conférence ministérielle de la Francophonie. Ce plan entérine également l’adoption d’une programmation quadriennale et non plus biennale, tout en évoquant la nécessaire mise en place d’un cadre stratégique décennal qui devrait être arrêté en novembre 2004 à Ouagadougou lors de la prochaine Conférence des chefs d’État et de gouvernements des pays ayant le français en partage.

Enfin, les chefs d’État et de gouvernement ont entériné l’admission de la Slovaquie au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie avec le statut d’observateur, ce qui porte à 56 le nombre d’États et de gouvernements membres ou observateurs.



Article publié le 16/11/2004 Dernière mise à jour le 16/11/2004 à 17:56 TU