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Russie

Poutine relance sa course à l’armement

L'armée russe défile le 9 mai 2004 pour célébrer le Jour de la victoire. 

		(Photo : AFP)
L'armée russe défile le 9 mai 2004 pour célébrer le Jour de la victoire.
(Photo : AFP)
Le président russe, Vladimir Poutine, a choisi le jour de la réunion annuelle des cadres dirigeants des Forces armées pour annoncer que son pays allait très bientôt se doter de nouveaux systèmes d’armes nucléaires. Des systèmes, a-t-il sentencieusement affirmé, qui «n’existent pas et n’existeront pas dans les prochaines années chez les autres puissances nucléaires». Cette annonce de l’homme fort du Kremlin a visiblement surpris l’administration Bush qui a très vite voulu en dédramatiser la portée. La Maison Blanche mais aussi le département d’Etat se sont en effet relayés pour souligner que Washington ne considérait pas les nouvelles armes russes comme une menace.

Le président Poutine a tenu le 17 novembre dernier un langage bien martial devant les cadres dirigeants de l’armée russe. Rappelant le statut de grande puissance nucléaire de son pays, le chef du Kremlin a fait démentir la théorie qui veut que depuis la chute du communisme la doctrine de dissuasion nucléaire n’ait plus court. «Nous ne faisons pas que procéder à des recherches et à des essais de systèmes de missiles nucléaires les plus modernes. Je suis persuadé que dans les prochaines années ils feront partie de nos équipements», a notamment affirmé le chef de l’Etat russe. Prenant acte du danger que représente le terrorisme international –«une des principales menaces actuelles»–  Vladimir Poutine n'en a pas moins mis en avant le fait que ce fléau ne saurait en aucune façon empêcher la Russie de poursuivre un programme de réarmement et de modernisation de ses forces stratégiques. «Il suffirait que nous affaiblissions notre attention concernant ces composantes de notre défense qui forment notre bouclier de missiles nucléaires pour que nous nous trouvions confrontés à d’autres menaces», a-t-il mis en garde sans toutefois préciser en quoi consistaient ces nouveaux dangers.

Le chef du Kremlin n’a pas non plus donné de précisions concernant ces nouvelles armes nucléaires qui «n’existent pas et n’existeront pas dans les prochaines années chez les autres puissances nucléaires». L’agence Itar-Tass croit toutefois savoir qu’il s’agit de nouveaux missiles mobiles Topol-M dont les derniers essais sont prévus fin décembre et dont la production est inscrite aux prévisions des commandes de l’Etat pour l’année prochaine. Ces engins, d’une portée de 10 000 kilomètres, pourraient être livrés à l’armée dès 2006. Leur vitesse et leur manœuvrabilité leur permettent, à en croire les spécialistes, de franchir un bouclier anti-missiles.

Ce souci de redonner sa place militaire à la Russie sur la scène internationale est une constante chez Vladimir Poutine qui depuis son arrivée au pouvoir en 2000 n’a eu de cesse de mettre l’accent sur le redressement des Forces armées russes qui restent marquées par la crise économique et sont le théâtre de nombreux abus. C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’il faut placer le soutien du président russe à la réforme proposée par son ministre de la Défense. Sergueï Ivanov a en effet annoncé la création d’un agence chargée de centraliser toutes les commandes en armement des différentes forces russes, renouant avec une pratique datant de l’époque soviétique.

La sérénité affichée de Washington

L’attitude du Kremlin ne semble pas avoir ému outre mesure l’administration Bush même si la Maison Blanche et le département d’Etat se sont relayés pour minimiser la portée des déclarations de Vladimir Poutine. Le porte-parole de la présidence américaine, Scott McClellan, a ainsi affirmé que les Etats-Unis ne considéraient pas comme nouvelles ni menaçantes les armes nucléaires évoquées par le chef de l’Etat russe. «Ce n'est pas une chose que nous considérons comme nouvelle. C'est quelque chose dont ils ont déjà parlé et qui entre dans le cadre de la modernisation de leurs forces armées», a-t-il déclaré tout en rappelant que les Etats-Unis et la Russie sont désormais «alliés dans la guerre contre le terrorisme» et qu’ils partagent maintenant «une relation très différente de celle qui existait pendant la Guerre Froide». Et preuve que les choses ont bien évolué, Scott McClellan, a rappelé que ces nouvelles relations permettent notamment à Washington de faire part à Moscou de sa désapprobation sur certaines mesures prises récemment par Vladimir Poutine qui, selon ses opposants, portent atteintes à la démocratie.

Le département d'Etat s’est également aligné sur cette position, son porte-parole adjoint Adam Ereli déclarant notamment ne «pas percevoir les activités russes de maintien ou de modernisation de son armement nucléaire comme une menace». Ce responsable a également rappelé que le traité de Moscou signé par les deux pays prévoit des consultations régulières sur les question du nucléaire et qu’à la lumière des dernières discussions «il y a lieu de croire que les plans de la Russie ne sont pas menaçants et sont conformes à ses engagements». «Je pense qu'ils indiquent une nouvelle relation stratégique entre les Etats-Unis et la Russie axée sur la réduction des menaces et une confiance accrue», a également ajouté Adam Ereli.

L’administration Bush aurait eu de toutes les façons bien du mal à empêcher le Kremlin de développer ses projets nucléaires militaires. Les Etats-Unis se sont en effet retirés en 2001 du traité ABM (missiles antibalistiques) signé en 1972 avec l’Union soviétique interdisant la mise en place de boucliers anti-missiles. Moscou avait réagi en dénonçant le traité Start II, ce qui lui a permis d’installer des missiles à ogives nucléaires multiples. Il n’aura d’ailleurs échappé à personne que le durcissement du discours de Vladimir Poutine intervient quelques semaines avant le lancement, prévu d’ici la fin de l’année, de la première phase du projet américain de défense anti-missiles.

Ces nouvelles orientations du Kremlin ne semblent pas non plus étrangères à la présence de plus en plus visibles de soldats américains –déployés depuis 2001– dans les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale. Depuis quelques mois en effet, les autorités russes cherchent à réaffirmer leur poids dans cette région en ouvrant notamment de nouvelles bases militaires.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 19/11/2004 Dernière mise à jour le 19/11/2004 à 14:51 TU