Xème Sommet de la Francophonie
Développement durable : la méthode francophone
(Photo : AFP)
Parce qu’elle regroupe parmi ses membres 24 Etats qui font partie des pays les moins avancés (PMA), la Francophonie est directement confrontée au problème du développement. Ce thème était donc incontournable pour le Xème sommet des chefs d’Etat et de gouvernement francophones, organisé à Ouagadougou au Burkina Faso. Reste à savoir de quelle manière, la Francophonie peut contribuer à l’intégration des pays les plus pauvres dans l’économie mondiale. Et c’est autour de cette problématique que les représentants des Etats francophones vont donc débattre lors du sommet.
Pour l’ambassadeur du Burkina Faso en France, Filippe Savadogo, il s’agit de rendre la «Francophonie utile pour nos peuples». Donc de faire jouer la solidarité pour que les pays les plus démunis de la communauté puissent prendre le train de la croissance économique et réduire la pauvreté. Au-delà de la promotion de la diversité linguistique et d’un certain nombre de valeurs, la Francophonie doit aussi désormais trouver les moyens d’être un levier pour améliorer les conditions de vie des populations de ses Etats membres. Concrètement, l’Organisation internationale de la Francophonie ne peut jouer le rôle d’un bailleur de fonds, qu’elle n’est pas. Par contre, elle a les moyens de faire passer des messages (en faveur de l’annulation de la dette, par exemple) et d’apporter son soutien aux grands programmes internationaux en faveur du développement.
Faire entendre la voix des plus pauvresC’est d’ailleurs ce qu’elle a déjà essayé de faire à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et à l’Organisation des Nations unies pour l’éducation et la culture (Unesco), par exemple. Lors de la négociation de l’OMC à Cancun, elle a aidé plusieurs pays africains (Mali, Bénin, Burkina Faso, Tchad) à défendre leur point de vue concernant le problème des subventions accordées par les pays riches à leurs agriculteurs, dans le débat sur le coton. Ils ont ainsi pu faire entendre la voix des producteurs du Sud dans une instance traditionnellement dominée par les intérêts des pays industrialisés mieux représentés. De même, à l’Unesco, la Francophonie s’est mobilisée pour aider les Etats dans la présentation de leurs contributions au projet final de convention sur la diversité culturelle. Ce texte, dont la rédaction est en cours, représente un enjeu fondamental pour les pays francophones qui luttent pour défendre la spécificité des biens et services culturels et éviter qu’ils n’entrent dans le champ des négociations commerciales internationales.
L’OIF met à la disposition des Etats du Sud son expertise, ses infrastructures, son organisation, ses réseaux pour donner à leurs représentants les moyens de participer plus activement aux négociations internationales. Elle contribue aussi à susciter et organiser la concertation entre les pays francophones pour essayer de dégager des positions communes, susceptibles de peser plus lourd lorsqu’il s’agit notamment d’obtenir des financements internationaux en faveur du développement. La Francophonie essaie ainsi de jouer successivement le rôle de porte-voix, de médiateur, de rassembleur, d’expert pour mettre en œuvre une «solidarité agissante» qui trouve son expression dans les partenariats noués avec les autres organisations internationales et la participation aux grands programmes des développement.
Dans le domaine de l’accès au financement, les chefs d’Etat et de gouvernement vont étudier à Ouagadougou, des solutions concrètes et susceptibles d’être mises en pratique très rapidement, comme celles offertes par le micro-crédit qui fait partie des thèmes de réflexion retenus. Ce type de financements peut être utile dans le cadre de l’économie informelle qui représente dans certains pays africains jusqu’à 70 % du produit intérieur brut (PIB). La France devrait d’ailleurs annoncer une initiative dans ce domaine lors du sommet. L’accès au financement est, bien évidemment, le problème central en matière de développement durable. Et les chefs d’Etat et de gouvernement vont aussi étudier à Ouagadougou les conclusions du symposium organisé à Paris sur ce thème au mois de mai.
Dans ce contexte, l’adoption pour la première fois à Ouagadougou, d’un «cadre stratégique décennal» marque une volonté de donner une impulsion nouvelle aux ambitions francophones et de répondre à un souci de plus grande efficacité dans les actions entreprises. Jusqu’à présent, une programmation biennale était décidée à l’occasion des sommets pour guider les interventions des opérateurs de la Francophonie (Agence intergouvernementale de la Francophonie, Agence universitaire de la Francophonie…). Désormais, les priorités de la coopération francophone seront définies dans le long terme. Cette modification est importante car en proposant un cadrage prospectif elle doit changer les habitudes, les méthodes et les missions des opérateurs dont les actions devront être rationalisées et réalisées en collaboration avec les partenaires internationaux. Il est d’ailleurs prévu, en parallèle, de mener des évaluations pour vérifier que cette nouvelle organisation pourra atteindre les objectifs définis. Abdou Diouf, le secrétaire général de Francophonie, porte-parole politique de l’organisation, devrait présenter le premier bilan du fonctionnement de cette nouvelle formule de présentation des priorités sur dix ans, lors du sommet de Bucarest, en 2006.
par Valérie Gas
Article publié le 23/11/2004 Dernière mise à jour le 23/11/2004 à 11:10 TU