Xème Sommet de la Francophonie
Des actions plutôt que des mots
(Photo : Valérie Gas/RFI)
De notre envoyée spéciale à Ouagadougou.
Avec quelques moyens et de la bonne volonté, on peut faire avancer beaucoup de choses. En Afrique comme ailleurs. De nombreux enseignants et chercheurs du continent en sont convaincus. Le professeur Alfred S. Traoré, directeur du pôle régional d’excellence en biotechnologie de l’Université de Ouagadougou, fait partie de ces hommes déterminés qui ont choisi de mettre leurs compétences au service du développement de leur pays. Sans états d’âme et avec détermination.
Le professeur Traoré ne s’encombre pas de grands mots dès lors que l’on aborde avec lui le problème du développement durable, le thème du Xème sommet des chefs d’Etat et de gouvernement francophones de Ouagadougou. Les débats politiques prévus entre les dirigeants francophones sur les moyens à mettre en œuvre pour développer l’Afrique lui paraissent un peu loin de ses préoccupations quotidiennes et de la vie des populations. De son point de vue, en tout cas, une chose est sûre : les dirigeants des Etats devraient mieux prendre en compte les questions scientifiques lorsqu’ils définissent leurs priorités pour le développement.
Pour autant, la Francophonie ne lui paraît pas inutile. Elle fait même partie intégrante de la vie de son laboratoire de recherche puisque l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) est l’un de ses principaux bailleurs de fonds. Cet opérateur de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), spécialisé dans l’enseignement supérieur et la recherche, finance en effet son pôle régional d’excellence en biotechnologie à hauteur de 100 000 euros pour deux ans. Cette contribution qui n’a rien de négligeable lui permet de mener des recherches destinées notamment à améliorer l’alimentation et la santé des populations.
Apporter des solutions adaptées aux ressources locales et à l’environnementParmi ses programmes phares, on peut citer par exemple les recherches qui ont permis de mettre au point un nouveau test de dépistage du sida, rapide et à moindre coût, que l’hôpital de Ouagadougou utilise désormais. Tout comme celles qui visent à déterminer quelles plantes de la pharmacopée traditionnelle pourraient permettre de lutter efficacement contre les maladies opportunistes ou le paludisme, véritable fléau qui touche chaque année des millions d’Africains. Et l’alimentation, qui est au cœur des préoccupations des populations, à la fois parce que se nourrir est une nécessité pour vivre mais aussi parce que la qualité de la nourriture est déterminante pour la santé des gens, mobilise de la même manière de nombreux chercheurs.
En une vingtaine d’années, le professeur Traoré a créé un centre de recherche dont le travail est reconnu internationalement. Cette réussite est certainement liée à sa volonté de ne mener des recherches que dans des domaines utiles pour le développement et de répondre à de véritables besoins. Les chercheurs du pôle d’excellence sont même parfois amenés à travailler pour apporter des solutions adaptées aux ressources locales et à l’environnement, à des problèmes soumis directement par des entrepreneurs ou des producteurs. Cela a été le cas concernant l’étude sur l’aflatoxine qui se développe dans les maïs mal conservés et provoque des cancers du foie. Son équipe a identifié des plantes qui peuvent limiter la production de cette toxine dans les stocks de céréales et en a recommandé l’utilisation aux producteurs. Un célèbre hôtel de Ouagadougou, le Silmandé, a aussi fait appel au laboratoire pour étudier le problème de l’évacuation des eaux usées et a mis en pratique les solutions proposées.
Lutter contre la fuite des cerveaux
En ce qui concerne le campus numérique de l’Université de Ouagadougou, l’impact est moins important. Mais à son échelle, cette initiative est tout de même intéressante. D’autant qu’elle n’est pas unique puisque l’AUF a ouvert des centres de ce type dans 39 universités francophones, dont 8 se situent en Afrique. Les campus numériques sont des centres de ressources équipés en ordinateurs connectés à Internet et ont plusieurs vocations. Ils s’adressent à la fois aux étudiants à partir du deuxième cycle, aux enseignants et aux chercheurs. Ils donnent accès à l’information scientifique en ligne, à la formation à distance en permettant de suivre des cursus « diplômants » proposés par des universités du monde entier et mettent à disposition les outils nécessaires pour assurer la diffusion de la production scientifique des chercheurs africains grâce à la numérisation des thèses ou l’aide à la publication dans des revues électroniques. En lançant ce programme en 1998, l’AUF a voulu permettre aux étudiants et enseignants des pays francophones du Sud de communiquer et d’échanger plus facilement avec des interlocuteurs sur les cinq continents.
Ces campus ont encore un impact limité. A Ouagadougou, seuls 600 étudiants utilisent pour le moment les services du centre alors que l’université regroupe environ 15 000 personnes. Mais ils contribuent tout de même à créer dans les universités africaines concernées les conditions nécessaires pour éviter à un certain nombre de jeunes de partir à l’étranger, en France ou aux Etats-Unis notamment, faute de cursus intéressants et de moyens. Développer l’offre de formations en ligne de qualité avec des diplômes reconnus à la clefs et mettre à la disposition des étudiants, enseignants et chercheurs toutes les facilités liées à l’utilisation des nouvelles technologies, contribue à lutter contre la fuite des cerveaux et donc, par ricochet, à mobiliser des ressources en faveur du développement.
par Valérie Gas
Article publié le 25/11/2004 Dernière mise à jour le 25/11/2004 à 11:20 TU