Xe Sommet de la Francophonie
Chirac : « la France n’est pas libre en Côte d’Ivoire »
(Photo : Valérie Gas/RFI)
Côte d’Ivoire : la France ne fait pas ce qu’elle veut
Il n’y a pas de face à face entre Paris et Abidjan. Paris est présent en Côte d’Ivoire par la force Licorne, laquelle est sous les ordres de l’Onuci (Mission de l’ONU en Côte d’Ivoire) et sous mandat de l’ONU et de la CEDEAO (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest) et de l’Union africaine, ce qui fait que la France n’est pas libre, qu’elle ne prend pas les initiatives qu’elle souhaite, elle est sous mandat. Elle ne peut agir spontanément qu’en cas de légitime défense ce qu’elle a fait une fois, ce qui est une exception.
Nous pensons qu’il n’y a pas de solution autre que politique, qu’il n’y a pas de voie autre que celle du dialogue pour rétablir une situation normale en Côte d’Ivoire.
Côte d’Ivoire : Gbagbo est légitime
Le président Gbagbo est le président légitime de Côte d’Ivoire. Ce n’est pas cela que je conteste. Si j’étais amené à contester quelque chose, ce serait plutôt sa politique qui a eu pour résultat de couper la Côte d’Ivoire en deux et d’imaginer que cette affaire pourrait être réglée par la force. Ce qui est évidemment impossible. Si j’avais un conseil à donner, qui est celui de l’ensemble des chefs d’Etat africains (francophones, anglophones et lusophones) c’est de rétablir le dialogue, de faire en sorte que le président Gbagbo reprenne un dialogue normal, tel qu’il avait été prévu à Marcoussis tout simplement, tel qu’il avait été approuvé unanimement à Accra III sous la présidence du président Obasanjo de manière à rétablir la sérénité dans un pays qui est, je le répète, un pays d’hospitalité, de traditions, et qui se trouve plongé dans le drame sans justification.
Présence militaire française en Afrique tant qu’elle sera souhaitée[Cette présence] répond à une logique et elle y répondra tant que les chefs d’Etat et de gouvernement le souhaiteront. Nous ne nous imposons pas naturellement, mais nous pouvons être utiles. Avec la crise du Darfour les autorités tchadiennes nous ont demandé avec impatience que nous puissions déployer notre dispositif de manière à éviter des incursions très déstabilisatrices pour le Tchad. Nous intervenons toujours à la demande des chefs d’Etat africains. Nous n’avons jamais pris d’initiative dans ce domaine. Par conséquent tant que les chefs d’Etat souhaitent et demandent expressément que nos bases restent, elles restent. Le jour où ils ne le souhaiteraient plus, naturellement elles ne resteraient pas.
Les crispations identitaires masquent le problème du sous-développement
Beaucoup des crispations identitaires tiennent au sous-développement et à l’insuffisance de l’aide au développement. Ce qui fait que l’Afrique compte les pays les plus pauvres du monde et ne voit pas vraiment de perspective positive car elle n’a pas les infrastructures nécessaires et c’est cela qui est à l’origine de beaucoup de difficultés.
L’Afrique est pleine de ressourcesL’Afrique a des ressources considérables naturelles mais surtout humaines. Mais elle est confrontée à une période historique de sous-développement par rapport au reste du monde qui ne lui permet pas de valoriser les valeurs humaines ou matérielles dont elle dispose. Ca ne peut pas durer. Par conséquent, nous serons, avec l’augmentation démographique considérable qui caractérise ce pays, bien obligés de prendre les mesures qui s’imposent pour apporter à ces Africains et à ces jeunes en particulier, ce qui leur revient, ce qu’on leur doit, c’est à dire les équipements nécessaires en matière de santé, de formation, en matière de travail. Et à ce moment là l’Afrique repartira parce qu’elle est pleine de ressources. C’est une crise historiquement limitée. Limitée à un siècle, mais historiquement limitée.
Une taxe internationale pour financer le développementSi l’on voulait seulement réaliser les engagements que nous avons pris en 2000 et que l’on appelle les engagements du Millénaire, il faudra doubler l’aide publique au développement et passer de 50 à 100 milliards de dollars par an à peu près. Pour vous donner une idée (cela nous montre à quel point nous sommes, par beaucoup de côtés, coupables) l’ensemble du commerce mondial c’est 33 000 milliards de dollars, l’ensemble des dépenses militaires mondiales c’est 900 millions de dollars, et ce dont nous avons besoin en matière de développement c’est 50 milliards de dollars. C’est très peu de chose. Nous ne les obtiendrons pas par l’augmentation de l’aide publique au développement parce que les budgets des pays développés ne le supporteront pas et c’est la raison pour laquelle je milite pour la création de ressources nouvelles, un taxation internationale qui nous permette de répondre à ce besoin. Je suis maintenant optimiste.
Ukraine : des élections pas tout à fait nettesUn des grands avantages de la démocratie c’est de permettre à chacun de s’exprimer, mais à condition que l’on joue tout à fait le jeu. Je vois que tous les experts de bonne foi, et notamment ceux de l’Union européenne, ont affirmé que la règle du jeu n’avait pas été respectée, autrement dit que les élections n’étaient pas tout à fait nettes. C’est très dangereux de jouer à ce petit jeu. Je souhaite que les personnalités, notamment M. Solana, qui sont allées là bas fassent entendre la voix du bon sens et qu’un accord politique intervienne pour éviter à l’Ukraine une crispation ou un drame dont elle n’a vraiment pas besoin.
Irak : pour un "vrai" gouvernement issu des électionsJe souhaite que le dialogue politique en Irak, avec ceux qui sont respectueux de la démocratie, puisse se développer. Je souhaite aussi que la résolution de l’ONU (que nous avons tous acceptée) soit appliquée et que des élections puissent se tenir à la fin du mois de janvier et que puisse sortir de là un vrai gouvernement qui puisse essayer de rétablir le contact et recréer la confiance des Irakiens de façon à pouvoir engager un processus de pacification et de développement. Il y a encore beaucoup à faire.
Palestine : il faut contribuer à l’organisation des électionsC’est une crise qui n’en finit pas et dont les conséquences sont dramatiques, notamment par le nombre de morts, de chaque côté, que rien ne justifie alors que le dialogue politique devrait normalement permettre de trouver une solution. On en a été très près en 2000, très très près. J’avais beaucoup d’espoir à cette époque mais ça n’a pas marché. Je crois qu’il faut maintenant profiter de la décision des autorités palestiniennes de faire des élections locales, législatives et présidentielle. Il faut que chacun apporte sa contribution […] pour que ces élections soient aussi incontestables que possible. Il faudra naturellement qu’une certaine liberté de circulation soit assurée pour permettre aux gens de voter. Et alors on peut espérer, s’il n’y a pas d’un côté ou de l’autre de provocation […], qu’une Autorité palestinienne rénovée et structurée pourrait conduire un dialogue avec l’autorité israélienne et parvenir à la paix.
Hommage aux familles et confrères de Christian Chesnot et Georges Malbrunot
Je voudrais rendre un hommage particulier aux familles et à leurs confrères et consœurs parce que la dignité de leur comportement a été la meilleure garantie de les voir revenir et revenir vivants. Et s’ils reviennent, ce que je pense et ce que je souhaite naturellement, je suis sûr qu’ils le devront pour une large part au comportement de leurs familles et de leurs confrères.
Propos recueillis par Philippe Dessaint (TV5), Henri Périlhou
Article publié le 26/11/2004 Dernière mise à jour le 26/11/2004 à 18:30 TU
Les intertitres sont de la rédaction de RFI