Xe sommet de la Francophonie
Mettre en œuvre la solidarité
(Photo : AFP)
«La situation des producteurs de coton [africains] est inacceptable.» Le président français Jacques Chirac n’a pas tourné autour du pot pour aborder, en évoquant la négociation internationale sur le coton, les difficultés des Etats du Sud à défendre leurs intérêts sur la scène économique mondiale. Il a ainsi évoqué la question des subventions octroyées, par les Etats-Unis notamment (4 milliards de dollars), à leurs producteurs de coton qui ont pour conséquences de faire baisser les cours et portent donc préjudice aux agriculteurs africains.
Dans la déclaration adoptée par les chefs d’Etat et de gouvernement à Ouagadougou, il est d’ailleurs stipulé que la Francophonie continuera à favoriser la concertation des Etats membres au sein des organisations internationales et qu’une «attention particulière sera portée aux enjeux majeurs pour les pays en développement parmi lesquels le commerce des produits agricoles et des produits de base, notamment le coton». La mobilisation commune dans les institutions internationales est l’un des moyens identifiés pour mettre en œuvre la solidarité entre les Etats francophones.
D’autre part, le président français a envoyé, de nouveau, un message à la communauté internationale pour mettre en place une taxation en faveur du développement de manière à débloquer de nouvelles ressources financières pour atteindre les objectifs du Millénaire, comme la réduction de moitié de la pauvreté d’ici 2015, qui nécessiteraient de multiplier par deux l’aide publique au développement. Cette initiative lancée notamment avec le président brésilien Lula, a obtenu, selon Jacques Chirac, le soutien de 110 Etats lors des débats informels sur le financement de la lutte contre la faim et la pauvreté, qui ont précédé la dernière Assemblée générale de l’ONU, en septembre 2004. Dans la déclaration finale du Sommet de Ouagadougou, les francophones se sont associés à cette initiative et ont demandé que «des options soient rapidement identifiées» pour débloquer des ressources supplémentaires.
Financer le développementDans cette optique, la France mais aussi le Burkina Faso, le Canada, la Belgique, le Congo, le Luxembourg, le Maroc, le Sénégal, la Suisse, le Vietnam ont fait part, à Ouagadougou, de l’attention qu’ils portaient au micro-crédit. Jacques Chirac a expliqué que ce système de prêt sans intérêt à petite échelle avait permis, dans les pays où il a été expérimenté, de sortir de la pauvreté «plus de 60 millions de personnes». La France a donc décidé d’octroyer 20 millions d’euros aux institutions de micro-finance dans les pays les plus pauvres. Elle propose aussi que le fonds de garantie Ariz soit utilisé pour faciliter les relations avec le secteur bancaire traditionnel. La Suisse a promis, pour sa part, de débloquer 30 millions de francs suisses par an et le Canada 5,7 millions de dollars canadiens pour des projets de micro-crédit.
Le problème de l’accès des pays francophones les plus pauvres aux financements internationaux fait d’ailleurs partie des objectifs retenus dans le «cadre stratégique décennal» que la Francophonie a adopté pour la première fois à Ouagadougou et qui fixe dans quatre domaines prioritaires (diversité culturelle, paix et démocratie, éducation, développement) les orientations en fonction desquelles les programmes des opérateurs de la Francophonie doivent être menés. Ce document constitue la principale innovation du Sommet concernant le fonctionnement des institutions francophones.
Si les grands problèmes politiques (Proche-Orient ou Côte d’Ivoire) ont été l’objet de beaucoup d’attention à Ouagadougou et ont donné lieu à l’adoption de résolutions, le problème du développement durable n’aura donc pas été, malgré tout, passé à la trappe à cause d’une actualité internationale incontournable. Les dirigeants francophones n’ont pas démérité dans le discours, reste à savoir jusqu’à quel point leur engagement peut être efficace. Comme l’a dit le président burkinabé Blaise Compaoré concernant le travail réalisé lors du sommet sur la question du développement : «Nous avons essayé d’éclairer la marche de la communauté car pour agir il faut réfléchir. Il reste que, pour nous, ce sont encore des quêtes.»
par Valérie Gas
Article publié le 28/11/2004 Dernière mise à jour le 28/11/2004 à 10:58 TU