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Constitution européenne

Les arguments pour et contre des socialistes français

Le référendum interne organisé par les socialistes français a donné lieu à une véritable campagne électorale entre partisans du "oui" et tenant du "non". Gros plan sur l'argumentaire des uns et des autres.

Les socialistes français se divisent sur la constitution européenne. La campagne organisée à l'occasion du référendum interne au Parti donne lieu à une véritable confrontation d'idées mais aussi d'ambitions. Relayant le débat d’idées, les journaux français ont donné la parole aux deux grands leaders socialistes, François Hollande qui argumente pour le oui et Laurent Fabius pour le non. Le quotidien Libération notamment a demandé aux deux politiciens de donner leur position sur les principaux articles de la Constitution.

Préambule : « S’inspirant des héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe… »
François Hollande : c’est un ensemble politique qui porte des valeurs universelles dans le monde et qui peut faire contrepoids à l’hyperpuissance américaine. Pour Laurent Fabius, la principale nouveauté de ce préambule c’est de mentionner l’héritage « religieux ». Le numéro deux du PS note que la religion est mentionnée à trois reprises dans la Constitution, la laïcité, pas une seule fois.
Les objectifs de l’Union
François Hollande : l’Europe, depuis le traité de Rome, s’est construite essentiellement sur des bases économiques. La concurrence est mise au second plan par rapport à des objectifs sociaux, introduits par la gauche européenne. Il y aurait paradoxe à rejeter ce traité qui pour la première fois, dépasse le cadre du grand marché. Laurent Fabius : cet article juxtapose des objectifs qui n’ont pas grand chose en commun, comme la stabilité des prix et les droits de l’enfant. Ils peuvent même devenir antagonistes dans leur mise en œuvre.
Le Parlement européen
François Hollande : C’est la consécration du Parlement. Il devient un véritable législateur, au même titre que le Conseil européen, c’est-à-dire les chefs d’Etat et de gouvernement. Laurent Fabius : L’extension de la « codécision », qui requiert l’accord du Conseil des ministres et du Parlement, renforce le pouvoir du Parlement. Cependant il n’aura toujours pas l’initiative des lois, qui restent le monopole de la Commission.
Le ministre des Affaires étrangères de l’Union 
François Hollande : Il s’agit d’une innovation significative et attendue. C’est lui qui coordonnera les diplomaties des pays membres. Il proposera des décisions aux autorités européennes sur les grands sujets internationaux. Animateur de la politique étrangère et de sécurité, il conduira une politique commune de défense qui se fera avec l’Otan. Il aura aussi en charge la gestion de l’aide au développement. Laurent Fabius : La création de ce poste doit être approuvée mais la pratique a toutes les chances de décevoir puisque tout ce qui touche à la diplomatie et à la défense se décidera à l’unanimité.
La politique de sécurité et de défense commune
Elle respecte les obligations de certains membres dans le cadre du traité de l’Atlantique Nord. Ces Etats considèrent que leur défense commune passe par l’Otan. Ce système est compatible avec la politique commune.
François Hollande : Il n’est pas inutile de rappeler que cette disposition n’a jamais empêché la France d’être autonome à l’égard de la politique américaine, comme nous l’avons montré avec d’autres (Espagne, Allemagne, notamment). Laurent Fabius : Ce que prévoit cet article, c’est la primauté de l’Otan sur toute défense européenne autonome. A l’heure où la politique américaine ne cesse d’inquiéter, l’Union s’apprête non seulement à y souscrire mais à s’y soumettre.
La majorité qualifiée
La majorité qualifiée sera égale à au moins 55% des Etats membres, soit quinze pays dans une Europe à 25, quinze pays représentant au moins 65 % de la population totale de l’Union.
François Hollande : La règle actuelle, celle du traité de Nice, est totalement paralysante dans une Europe à 25. Il faut actuellement 72,3 % des voix pour obtenir une majorité. Laurent Fabius : L’influence d’un Etat au Conseil dépendra plus directement de son poids démographique. En fonction de ce critère, si la Turquie entre dans l’Union, elle sera le pays le plus influent du Conseil.
La Banque centrale européenne
Elle est indépendante (elle a tout pouvoir sur les taux de change). Les institutions européennes et les gouvernements des pays membres respectent cette indépendance.
François Hollande : Ce qui change, c’est l’émergence, en face de la BCE, d’un gouvernement économique, l’Eurogroupe. Il pourra prendre des mesures à la majorité qualifiée et sans les pays qui ne sont pas dans l’Eurogroupe. Laurent Fabius : Plus de dix ans après son lancement, l’euro existe et voilà que la Constitution propose de constitutionnaliser une orthodoxie monétaire que de nombreux responsables jugent stupide. C’est la BCE qui décide de tout. Il faudrait pouvoir agir sur la parité euro-dollar. (NDLR. il faudrait partager le pouvoir entre la BCE et les politiques. Pour que le pararge soit possible, il faut modifier les termes de la Constitution que ne font que reprendre ce qui a été décidé à Maastricht).
La démocratie participative
François Hollande : Cet article donne à un million de citoyens le droit de présenter une proposition de loi européenne. Laurent Fabius : Malheureusement, on se contente de principes généraux. On donne aux citoyens la possibilité de s’adresser directement aux institutions, mais on en limite les effets. La Commission pourra refuser de donner suite à une pétition.
Les services publics
François Hollande : Ce texte est le premier traité européen à leur consacrer une existence juridique autonome. Ils ne sont plus définis par exception aux règles de la concurrence mais reconnus comme étant l’instrument incontournable de la « cohésion sociale » dans l’Union européenne. Si le traité constitutionnel était rejeté, on en resterait à la situation actuelle où la loi de la concurrence est opposée en permanence aux services publics Laurent Fabius : Malheureusement, ces services publics ne sont pas au centre du texte constitutionnel. Rebaptisés « services d’intérêt économique général » (Sieg), ils désignent un service minimal garanti pour les télécommunications, l’énergie, les transports ou la Poste, en deçà de l’exigence de solidarité que proposent les socialistes français. Par un jeu d’écriture, l’article concernant les Sieg renvoie à d’autres articles qui réaffirment le primat des « règles de la concurrence ». Une vrai avancée aurait été de reconnaître le service public parmi les « valeurs » de l’Union.
Les finances de l’Union
Six pays européens contributeurs nets ne veulent pas que le budget de l’Europe dépasse 1% du PIB européen.
François Hollande : Les finances européennes doivent être équilibrées. Il n’y a jamais eu en Europe de majorité politique pour décider d’un emprunt européen. Mais les socialistes soutiennent toujours la proposition d’un grand emprunt pour les infrastructures, l’environnement et la recherche. Le budget est adopté à la majorité qualifiée. Laurent Fabius : L’Europe, avec ce texte, n’aura pas les moyens de financer ce qui engage son avenir. (NDLR : L’Europe ne se donne pas les moyens de sa politique).


par Colette  Thomas

Article publié le 30/11/2004 Dernière mise à jour le 30/11/2004 à 16:43 TU